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Du soutien dans la psychothérapie

Dr. B. Lapeyronnie

Le soutien est un support du processus thérapeutique, à l’initiative du thérapeute, pour que le patient puisse par lui-même faire un pas de plus. On peut ainsi distinguer deux modalités qui sont parfois confondues et aussi entremêlées : soutenir le processus psychothérapique et utiliser plus spécifiquement ce que l’on appelle des techniques de soutien. Les techniques ayant pour but général de soutenir le processus psychothérapeutique à l’œuvre ne sont pas forcément répertoriées dans les techniques dîtes de soutien, mais se réfèrent à la méthodologie et à la théorie du psychothérapeute.

LE SOUTIEN DU PROCESSUS PSYCHOTHÉRAPEUTIQUE

Soutenir le processus psychothérapeutique en cours peut demander de veiller à instaurer une relation de soutien, c’est-à-dire un climat de sécurité afin de créer les conditions de confiance pour que le patient puisse oser attaquer de front ses problèmes de fonctionnement. Cette relation de soutien est caractérisée par l’acceptation (absence de jugements de valeur), le respect, l’intérêt du thérapeute envers son patient. Il ne s’agit en aucun cas de condescendance. Il est logique qu’en début de thérapie, le patient ait une certaine réserve ; la confiance n’est pas un donné de la situation, mais va se créer dans la rencontre thérapeutique.

Soutenir le processus thérapeutique, c’est encore surveiller la qualité de l’alliance thérapeutique dont on sait aujourd’hui l’importance sur le résultat de la thérapie1 . L’alliance thérapeutique correspond à la façon dont le patient perçoit que sa relation avec son psychothérapeute l’aide à atteindre les objectifs de sa thérapie. Elle est aussi dans une deuxième acception du terme, la collaboration de travail patient-thérapeute. Selon Luborsky5, le thérapeute contribue à cette alliance à partir de trois facteurs qui sont fondés sur la structure même de la thérapie :

- Les conditions de traitement sont en eux-mêmes un facteur de soutien par le cadre créé. C’est par exemple la régularité des rendez-vous, l’engagement du thérapeute à aider le patient.
- L’attitude de compréhension bienveillante du thérapeute
- Le thérapeute correspond à l’image que le patient se fait d’une personne en qui il peut avoir confiance, sur qui il peut compter.

Cette alliance a parfois besoin d’être facilitée ou renforcée. En effet, elle peut être menacée lorsqu’il existe une difficulté importante à faire confiance, lorsque le patient a une impulsivité et une difficulté à vivre des frustrations. Elle peut être difficile à établir lorsque la personne a une angoisse du lien et peut fuir au moment où elle commence à se sentir dépendante de sa thérapie ou de son thérapeute. Elle peut être chaotique lorsque l’angoisse est majeure, le patient étant absorbé dans son attente anxieuse d’une catastrophe imminente. Soutenir l’alliance thérapeutique ne veut pas forcément dire utiliser des techniques répertoriées comme technique de soutien2 . Une interprétation d’un conflit à un moment juste peut être la technique adéquate pour soutenir l’alliance. Ainsi, une étude menée par J.N. Desplands et coll.3 montre que la qualité de l’alliance thérapeutique dans les thérapies psychodynamiques brèves peut dépendre de l’ajustement du thérapeute au niveau défensif de son patient. Ce ne sont donc ni les techniques de soutien, ni les techniques exploratoires qui sont à priori adéquates à la qualité de l’alliance. De même, ce n’est pas non plus l’existence d’un niveau défensif insuffisant qui ferait que l’alliance serait forcément faible ni que des techniques de soutien devraient être utilisées seules. La capacité d’ajustement du thérapeute à son patient serait donc un facteur très important.

Soutenir le processus thérapeutique peut se faire de manière imperceptible pour le patient. Par exemple, le silence du thérapeute à un moment donné peut être le moyen idéal pour soutenir le processus d’élaboration du patient, comme un simple « Hum » d’ailleurs. L’humour, lorsqu’il est possible (et qui n’est pas une plaisanterie aux dépens du patient), peut avoir une fonction de soutien dans l’élaboration d’un événement difficile à penser.

LES TECHNIQUES DE SOUTIEN

Parfois, il s’agit dans certaines psychothérapies psychodynamiques d’utiliser plus spécifiquement, au moins pendant un certain temps, des techniques de soutien.

Le thérapeute doit alors se poser trois questions :
En quoi le patient a-t-il besoin de soutien ?
Comment apporter ce soutien ?
À quel moment ce soutien est-il nécessaire et pour combien de temps ?

Pourquoi du soutien ?

Les patients peuvent avoir besoin d’être plus particulièrement soutenus dans leur estime d’eux-mêmes, dans leur sens des réalités, dans l’affirmation de leur désir, dans la diminution d’une conscience autojugeante excessive.

Comment soutenir ?

Des techniques de soutien spécifiques sont alors utilisées. Voici celles qui sont répertoriées par Glen O. Gabbard4 :

- Les encouragements à élaborer : Il s’agit de soutenir le patient dans la pensée de son expérience. Le thérapeute peut par exemple demander : « Pouvez-vous m’en dire plus à ce sujet ? » Ou : « Vous venez de vous arrêter au milieu de votre phrase, pouvez-vous me dire ce qui vous a fait vous arrêter ? » Souvent en effet, des menaces de honte, d’humiliation, des risques de rupture de loyautés peuvent bloquer la pensée du patient. Le soutien est alors un soutien à « oser penser ».

- La validation empathique : il s’agit de montrer au patient que le thérapeute le comprend, c’est-à-dire qu'il comprend son état émotionnel ou interne de l’expérience en cours ou de l’expérience narrée. Par exemple, le patient raconte d’un ton uniforme une expérience de sa mise à l’écart d’un groupe et le thérapeute peut dire : « Vous avez dû vous sentir bien seul dans cette situation ». Cette validation empathique permet parfois au patient de ressentir une émotion qui était jusqu’alors impossible, car non validée par un autre. Cela peut aussi prendre la forme d’une intervention affirmative, c’est-à-dire selon Killingmo (1995)5 « une communication qui enlève le doute sur l’expérience de réalité et par conséquent rétablit un sentiment d’identité. » Ce type d’intervention peut être nécessaire pour des patients ayant été violentés à un moment donné de leur vie. « Oui, cette personne s’est comportée violemment à votre égard. »
Luborsky6 relate le parcours de Mr Z, patient réanalysé par Kohut (1977) au moyen de techniques différentes. La première analyse avait utilisé exclusivement des techniques expressives classiques (interprétations) et avait donné des résultats médiocres. « Dans la seconde analyse, le thérapeute ajouta une composante de soutien supplémentaire qui consistait à faire preuve d’empathie afin de renforcer l’estime de soi particulièrement fragile du patient. Nombre des interprétations du thérapeute consistaient à reconnaître explicitement combien il avait dû être difficile pour le patient de supporter la continuelle érosion de son estime de soi, de la part de ses parents, pendant les premières phases de son développement. De telles réponses ont une forte composante de soutien outre leur composante interprétative, et, dans la seconde analyse, elles donnèrent des résultats positifs.»

- Les interventions de psychoéducation : elles ont pour but d’enseigner au patient des informations que le thérapeute a accumulées au cours de son expérience professionnelle. Par exemple, le thérapeute peut demander à son patient d’être vigilant sur l’apparition de troubles du sommeil qui pourraient être un indice de rechute dans certaines formes de pathologie ou d’être attentif aux facteurs de stress précipitants, comme à l’usage de toxiques… Cela peut permettre au patient d’éviter des rechutes, de demander de l’aide suffisamment tôt si nécessaire. C’est aussi préciser les effets secondaires des médicaments lorsque ceux-ci sont prescrits. Par exemple, un médicament peut augmenter l’appétit par défaut de conscience de satiété. La personne apprend alors à s’arrêter de manger sans satiété, sinon elle va forcément prendre du poids.

- Les conseils : le thérapeute donne son avis sur un sujet qui préoccupe particulièrement le patient. Ces conseils sont à manier avec précaution. Ils peuvent être nécessaires dans certaines situations très particulières où la personne a momentanément l’impossibilité de s’orienter de manière autonome. Si la personne est par exemple dans un épisode dépressif majeur, son pessimisme peut la conduire à faire des choix qui sont conditionnés par ses troubles de l’humeur du moment. Un conseil consiste alors à lui rappeler qu’elle est pour l’instant dans une situation où elle n’a pas toutes ses capacités d’orientation et qu’il s’agit de surseoir à certaines décisions, si possible. Un conseil peut être celui de consulter un médecin lorsqu’on présuppose des troubles organiques concomitants aux difficultés psychiques. Le thérapeute, s’il utilise avec parcimonie les conseils, garde à l’esprit qu’il s’agit avant tout de permettre au patient de pouvoir penser par lui-même et d’arriver à faire ses propres choix de vie.

- Les louanges : le thérapeute félicite le patient sur un comportement ou une attitude positive ou constructive afin d’encourager le patient à persévérer par exemple dans un effort. Le thérapeute peut aussi souligner au patient les progrès réalisés vers l’atteinte de ses objectifs.

Très souvent on trouve dans la littérature la réassurance comme technique de soutien. Depuis les premiers écrits de Robert P. Knight (1949)7 , cette technique est donnée comme la technique de base du traitement de soutien. On peut se questionner sur cette technique car nous savons par expérience que la simple réassurance n’est généralement pas rassurante du tout. Elle peut l’être sur l’instant en apparence, mais elle ne change pas l’angoisse fondamentale du sujet. Elle peut avoir aussi l’effet inverse, c’est-à-dire un sentiment de la part du patient de ne pas être compris dans ce qu’il vit. Dire à un patient que « c’est son imagination » qui lui fait ressentir certaines choses peut aussi être humiliant. Il est plus rassurant pour le patient que le thérapeute aborde le problème de face.
La question de la réassurance est en fait la question de la tolérance à l’angoisse et du patient et du thérapeute dans une situation donnée.

Combien de temps ?

Utiliser des techniques de soutien, ne veut pas forcément dire que ce sont les seules possibilités techniques et de plus pour toute la durée de la psychothérapie. Certains auteurs séparent les psychothérapies de soutien des autres approches psychothérapeutiques psychodynamiques comme, par exemple Kernberg8 et Rockland. Leur argument est important : la neutralité du thérapeute est forcément abandonnée ce qui interfèrerait dans la possibilité de l’analyse du transfert. Mais d’autres auteurs comme Luborsky, Gabbard, Wallerstein, Schlesinger pensent à l’opposé que cette division peut conduire à des erreurs, c’est-à-dire par exemple à ce que le thérapeute s’empêche d’utiliser des techniques d’expression, comme l’interprétation des contenus ou des mécanismes de défense, sous prétexte de nécessité (du moment) de l’utilisation de techniques de soutien.

La question du soutien est une question technique intéressante en psychothérapie. Comme le rappelle Barber2, il est parfois difficile de faire la distinction entre une technique de soutien et l’objectif de soutien d’une intervention.
Herbert Schlesinger conseille aux thérapeutes de ne jamais oublier ceci : la technique est du soutien seulement si le patient la perçoit comme telle.

Références

1.Horvath AO, Luborsky L : The role of the therapeutic alliance in psychotherapy. J Consult Clin Psychol 1993 ; 61 :561-573 - Pubmed

2. Jacques P. Barber, Rachael Stratt, Gregory Halperin, Mary Beth Conolly : Les techniques de soutien. Sont-elles retrouvées dans différentes thérapies ? Journal of Psychotherapy Practice and Research, 10 : 165-172, Juillet 2001

3. J.N Desplands, Y de Roten, J. Despars, M Stigler, J. C. Perry : Contribution of patient mechanisms and therapist interventions to the development of early therapeutic alliance in a brief psychodynamic intervention. J. Psychother Pract. Res. 10 : 155-164, July 2001

4. Glen O. Gabbard : Long-term psychodynamic psychotherapy. American Psychiatric Pub., Washington, 2004. Compte-rendu du livre : B. Lapeyronnie : http://www.techniques-psychotherapiques.org
ibid, p. 69

5. Lester Luborsky : Principes de psychothérapie analytique. PUF, Paris, 1996, p. 72

6. Frederick S. Mendelsohn : Choosing appropriate techniques. Psychiatric Times, July 2003, Vol. XX. Issue 7

7. Otto F. Kernberg : Psychoanalysis, psychoanalytic psychotherapy and supportive psychotherapy : contemporary controversies. International Journal of Psychoanalysis, 2000. http://www.ijpa.org/kernberg.htm
Compte-rendu de l’article : B. Lapeyronnie :
http://www.techniques-psychotherapiques.org

Pour plus d’informations concernant les psychothérapies brèves de soutien, consultez : http://www.techniques-psychotherapiques.org/Pratiques/RepertoirePB.html

ANNEXE : Les techniques de soutien et la recherche en psychothérapie : sélection. (Mise à jour régulière)

- Rockland LH. Une revue de la psychothérapie de soutien, 1986-1992. Hosp Community Psychiatry. 1993 Nov;44(11):1053-60. voir

- Buckley P. La psychologie du self, la théorie des relations d’objet et la psychothérapie de soutien. Am J Psychother. 1994 Fall;48(4):519-29. voir

- Kates J, Rockland LH. La psychothérapie de soutien du patient schizophrène. Am J Psychother. 1994 Fall;48(4):543-61. voir

- Berlincioni V, Barbieri S. Soutien et psychothérapie. Am J Psychother. 2004;58(3):321-34. voir

- Aviram RB, Hellerstein DJ, Gerson J, Stanley B. Adapter la psychothérapie de soutien aux individus ayant un trouble de la personnalité borderline qui se blessent ou qui tentent de se suicider. J Psychiatr Pract. 2004 May;10(3):145-55. voir

 

 


Dernière mise à jour : 1/09/05 info@techniques-psychotherapiques.org