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Le site des recherches fondées sur les pratiques psychothérapiques

Évaluation des psychothérapies

Repères historiques


Recherche évaluative sur les psychothérapies : quelques dates en forme de repères.

Dr Jean-Michel Thurin

1917. Coriat : Quelques résultats statistiques concernant le traitement psychanalytique des névroses. Freud, puis Janet explicitent leur position par rapport à l'évaluation.

1930-41. Résultats de l’Institut psychanalytique de Berlin (Fenichel), des Cliniques psychanalytiques de Londres (Jones) et de Chicago (Alexander) - Première synthèse des données de Knight, à partir de 952 cas (1941).

1941. Knight : Première synthèse des données, à partir de 952 cas. 55,9%, de “guéris” et “très améliorés”. Il souligne les écueils de ces résumés statistiques simples : absence de définitions et de critères consensuels, caractère rudimentaire de la nomenclature et de la classification diagnostique, et échec de l’abord des questions de compétence thérapeutique en relation à des cas de sévérité variable.

1945-66.Travail des universités américaines : opérationnalisation des concepts, facteurs de processus (qualitatifs), études. Columbia. 250 patients. Il existe une corrélation entre durée du traitement et bénéfice. 1959-1966. Institut psychanalytique de Boston. Introduction de tests avant et après psychanalyse, à 5 et 10 ans de suivi. Effets positifs du traitement, en particulier développement de capacités d’auto-analyse.

1952. Eysenck met en question l'efficacité des psychothérapies (voir article). A la même période, l’Association Américaine de Psychanalyse montre une forte résistance à aborder la question de ce qui constitue la psychanalyse.

1956. Rosenthal et Frank suggèrent que le modèle du groupe contrôle placebo randomisé en double aveugle peut être utilisé dans la recherche sur les psychothérapies comportementales, issues du contexte expérimental de recherche, multiplient les recherches d'efficacité averc groupes contrôles adéquats. Naissance des manuels de thérapie, répartition aléatoire des patients aux traitements, etc.

1959-1975. Projet de recherche Menninger sur la psychothérapie. Kernberg, Wallerstein, ... .Etude prospective. 42 patients borderline. Plus grands changements chez patients avec force du moi élevée et avec des thérapeutes expérimentés. Travail considérable. La variation nécessaire de la technique au cours du processus psychothérapique, considérée du point de vue de la recherche comme un biais, est d'un grand intérêt clinique.

1960- +. Les groupes de recherche de C Rogers utilisent des techniques d'enregistrement, ce qui permet aux chercheurs d'étudier les interactions. L'implication du thérapeute (ou de l'enseignant) est mise en relation avec les résultats.

1960- +. Développement du plan de santé mentale communautaire qui ouvre la psychothérapie à des personnes non privilégiées, aux services de crises et d'urgence.

1967- Le Central Fact-Gathering Committee de l’Association Américaine de Psychanalyse, présente un compte-rendu des données issues de 10 000 réponses initiales émanant de 800 analystes à un questionnaire, associées à 3000 questionnaires de fin de traitement.
...
. Université de Pennsylvanie. Luborsky et al. 73 patients initialement. Étude des facteurs de changement. Construction de mesures pour définir et quantifier des concepts centraux de la théorie psychodynamique (alliance thérapeutique, pattern relationnel central, interprétation, ...)

1970. Fiske et al. : commencent à mettre en oeuvre les premiers guides de recherche et insistent sur la nécessité de contrôler la façon dont chaque patient est adressé en psychothérapie et les objectifs initiaux du traitement pour le thérapeute et le patient.

1971. A partir d'une revue transversale concernant les études de résultat des thérapies durant la période 1953 - 1969, Bergin et Lambert notent déja que :

a - les études ne spécifient pas la nature précise du traitement ou les limites de son applicabilité, mais considérent plutôt si la thérapie a des résultats dans son ensemble ;
b - leur conclusion générale est que la psychothérapie a au moins des effets positifs modestes ;
c - il existe une légère tendance que des études mieux construites produisent des résultats un peu plus positifs ;
d - quelque chose de puissant intervient dans la thérapie ;
e - la relation entre le résultat et la durée du traitement; n'est pas prouvée
f - des thérapeutes expérimentés font mieux que des thérapeutes inexpérimentés ;

1975. Luborsky, Singer et Luborsky lancent une nouvelle controverse à partir d’une revue comparative des résultats de recherche qui conclut que toutes les psychothérapies ont des résultat relativement équivalents. C'est le "Dodo bird verdict". Ce jugement sera confirmé à différentes reprises et réfuté parallèlement d'un point de vue méthodologique au fur et à mesure que la connaissance des multiples facteurs impliqués dans un résultat s'affine.

1977- 1983. Introduction des méta-analyses (Smith et Glass, 1977 ; Smith, Glass et Miller, 1980, Andrews et Harvey, 1981, ...). Smith et al. réunissent 475 études de psychothérapies contrôlées totalisant environ 25.000 patients, en intègrent les 1700 effets de traitement rapportés et en concluent que 80% des patients qui ont reçu une psychothérapie se trouvent mieux que la moyenne de personnes sans traitement.

1979. L'étude de Strupp et Hadley ne décèle pas de différence significative entre les résultats des interventions psychothérapiques dispensées soit par des professeurs jouissant d'une réputation et empathiques soit par des psychothérapeutes expérimentés chez des étudiants d'université dépressifs en difficulté d'intégration. Elle souligne le rôle des "facteurs communs" dans ces cas.

1986-1988 . Nombre important de revues de recherches (Lambert, Shapiro et Bergin, 1986 ; Luborsky, Crits-Christoph, Mintz et Auerbach, 1988) : la psychothérapie est bien efficace.

1975-1995. Approfondissements conceptuels et méthodologiques
- Intérêt convergent des études à propos de la relation entre processus et résultat (Marmar, 1990)
- Les principaux concepts deviennent des variables pour la recherche : alliance thérapeutique, transfert, interprétations, pertinence des interprétations
- Distinctions : a) entre la recherche pragmatique (quels types de patients peuvent bénéficier le mieux des différentes thérapies pour obtenir la meilleure efficacité du traitement) et la recherche heuristique (identification des caractéristiques des patients qui prédisent des effets particuliers). b) des approches - par corrélations, expérimentales, par interaction entre caractéristiques patients et type de psychothérapie.

1985. Le NIMH, source référente de financement de la recherche en psychothérapie, décide d'appliquer la même méthodologie utilisée dans la recherche pour les médicaments pour évaluer la psychothérapie, l'ECT. Cela signifie qu'une étude doit inclure l'existence d'un manuel de traitement et se référer au DSM. Le résultat est que le financement des études non liées aux troubles spécifiques a chuté approximativement de 200% depuis la fin des années 80 jusqu'en 1990 (Duncan 2002, cité par Castelnuovo 2004).

1986. Orlinsky et Howard présentent leur "Modèle générique de la psychothérapie" à partir d'une quantité de travaux détaillés sur la relation entre les variables de processus therapeutique et le résultat.

1989. Premiers résultats du programme de recherche de la NIMH sur traitement dépression. Évolution vers modèle médical. Essais cliniques, problèmes cibles remplacés par diagnostics DSM. Populations cliniques objets de recherche, manuels de traitements détaillés, adhésion du thérapeute au traitement vérifiée.

1990-95. Implantation de l’Evidence based medicine dans les pratiques médicales.

1990. Centre psychothérapique d'Alberta. Avec essentiellement des patients ambulatoires. Examen des relations prédictrices de résultat, incluant les interactions entre les caractéristiques des patients et les variables du traitement. Recherche des relations entre qualités du patient et résultat des psychothérapies brèves, qualité de la relation d’objet, processus et scores de résultat (Piper et al.).

1991. Colloque deLyon (Hôpital St Jean de Dieu) "Recherches cliniques "planifiées" sur les psychothérapies", organisé par P. Gerin et A. Dazord avec la Society for Psychotherapy Research et l'Inserm.

1993. Université de Vanderbildt. Strupp étudie le rôle des facteurs spécifiques (techniques) et non spécifiques (interpersonnels) dans la thérapie. Concept de complémentarité négative. Approche guidée par manuel.

1994. Publication de la quatrième édition du DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders). Il renforce la spécificité des troubles décrits et accroit l'intérêt pour le développement de traitements spécifiques. Le résultat en est une démonstration de la preuve de l'efficacité de certains traitements pour des troubles spécifiés qui peuvent être transportés du laboratoire au cadre clinique.

1994. Luborsky spécule et propose pour le futur

- Davantage de thérapies taillées pour des types spécifiques de patients.
- Renforcement de l’utilisation des psychothérapies brèves.
- Davantage de comparaisons entre la psychothérapie à long terme et à court terme.
- Davantage d’études de thérapies combinées (psychothérapie et pharmacothérapie).
- Davantage de connaissance à propos des facteurs qui influencent les résultats.
- Davantage de ponts avec les sciences les mieux établies.
- Une plus grande attention à l’application de la recherche dans la pratique

1995. Étude par le groupe de Boston des processus de changement s'inscrivant dans la compréhension émergente de la fonction neurocognitive (cf Kandel, 2000).

1995. Dans le contexte de l'EBM, le groupe de travail et de dissémination des procédures psychologiques de l'Association Américaine de Psychologie établit un premier rapport dans lequel un certain nombre d'interventions psychologiques sont identifiées comme "traitements validés empiriquement" (ESTs).

1996. L’Institut National de Santé Mentale aux USA (NIMH) lance un appel à ce qu’il y ait davantage de recherches portant spécifiquement sur l’efficacité réelle (Krupnick et coll. 1996, cité par Leichsenring 2004).

1996. La Division 12 de l'American Psychological Association (Chambless et al.) publie une première liste, très controversée, de traitements psychologiques qui réunissent les critères de différents niveaux de soutien empirique. La critique vient à la fois des praticiens et des chercheurs en psychothérapie. "Il existe une différence essentielle entre les essais cliniques où les patients doivent réunir des critères diagnostics très stricts pour être acceptés pour le traitement et les patients existant dans les faits qui recherchent une psychothérapie pour leur propre compte" (Lambert et al. 2004).

1990-2000. L’Association Psychanalytique Internationale (IPA) engage une importante réflexion et un état des lieux sur la recherche en psychianalyse. Plusieurs rapports sont publiés : Bachrach et al., (1991), Waldron (1997), Fonagy et al. (2000). Ce dernier est accessible par Internet à l’adresse suivante. . Il est, pour une large part, traduit en français par JM Thurin et al..

2000-2005. Les limites des ECRs sont de plus en plus soulignées. Recherche de stratégies de recherche alternatives et complémentaires. Le NIMH organise un séminaire sur l'étude des facteurs intermédiaires et des mécanismes d'action, espace négligéjusque là par les ECRs (2002). traduction

2002. Publication dans le BMJ par J Holmes d'un article intitulé. All you need is cognitive-behaviour therapy ? La place des traitements psychanalytiques en psychiatrie est posée. Un début de mobilisation du milieu psychanalytique en faveur de la recherche se traduisant par un augmentation du volume de publication d'articles sur la place de la psychanalyse en psychiatrie et de travaux expérimentaux.

2002. Séminaire du NIMH. Psychotherapeutic Interventions: How and Why They Work. Critique des ECRs et nécessité d'introduire des variables de contexte et de processus dans les études (modérateurs et médiateurs).

2004. Expertise Inserm. Publication en décembre d'une méta-analyse de Leichsenring qui en modifie déjà les résultats.

2004. Dans leur introduction du Handbook of psychotherapy and behavior change (ouvrage de référence dans le domaine) Lambert, Bergin et Garfield soulignent que "les listes de traitement soutenus empiriquement" sont statiques et semblent n'offrir seulement qu'une fausse garantie d'efficacité … La preuve de l'efficacité d'un traitement a besoin d'être basée sur la mesure de la réponse au traitement plutôt que sur sur la fourniture de traitements considérés comme corrects".

2005. L’Association Américaine de Psychologie (APA) effectue un virage à 180° concernant les bases sur lesquelles s’appuie sa politique de Pratique basée sur la preuve (Evidence Based Practice - EBP). Son rapport (Levant, 2005) restaure l’importance de l’expertise clinique, des caractéristiques individuelles du patient et du contexte.

2006. TR Insel, directeur du NIMH, souligne les limites des études d'efficacité potentielle et l’importance des « essais pratiques »  réalisés dans des conditions naturelles en psychiatrie à partir de larges cohortes de patients. accès

Conclusion générale : La recherche a adopté une forme de plus en plus rigoureuse. Les essais contrôlés randomisés se sont imposés dans les années 90 comme le "gold standard" méthodologique avant que leurs limites apparaissent de plus en plus clairement. L'objectif est désormais d'ajouter la validité externe tout en préservant la validité interne. Une nouvelle importance est donnée à l'étude de cas prospective quasi-expérimentale de haut niveau, avec choix optimisé des mesures de résultat et caractérisation du processus. La forme la plus accomplie se trouverait dans la ligne de recherche prescrite par Blatt et Ford (1994).
Malgré différentes tentatives pour faire évoluer les choses dans ce domaine, il existe un retard considérable de la France dans ce domaine.

Articles de référence

BACHRACH HM, GALATZER-LEVY R, SKOLNIKOFF A, WALDRON S. On the efficacy of psychoanalysis. J. Am. Psychoanal. Assoc. 1991, 39 :871-916 (Traduction : JM Thurin et B Lapeyronnie en cours)

BARBER Stephen, LANE Robert C. Efficacy research in psychodynamic therapy : a critical review of the literature. Psychotherapy in private practice, 14(3), 1995:43-69 - (Traduction : JM Thurin)

CORVIN Aiden, FITZGERALD Michael. Evidence-based medicine, psychoanalysis and psychotherapy. Psychoanalytic. Psychotherapy. 14, 2000:143-151 - (Traduction : JM Thurin)

GOLDFRIED M R. Toward a More Clinically Valid Approach to Therapy Research. Journal of Consulting and Clinical Psychology 1998 ; 66(1):143-150.

KÄCHELE H. Are there "Pillars of Therapeutic Wisdom" for Psychoanalytic Therapy? Journal of European Psychoanalysis, n° 12-13, Hiver-Automne 2001 (Traduction : B. Lapeyronnie)

KNIGHT R. Evaluation of the results of psychoanalytic therapy. Am J Psychiatry 1941, 98 : 434-446 (Traduction : JM Thurin et B Lapeyronnie)

LAMBERT M J, BERGIN A E, GARFIELD S L. Introduction and historical overview. In BERGIN and GARFIELD's Handbook of psychotherapy and behavior change. J Wiley & Sons 2004, 3-15.

VILLAMAUX M. La recherche sur l'efficacité des psychothérapies au 20ème siècle ? Une histoire mouvementée. Pour la recherche 25, 2000:3-4.

WALDRON S. How can we study the efficacy of psychoanalysis ? Psychoanal. Q., vol 66, num 2, 1997: 283-322

WALLERSTEIN R S (2002). Recherche en psychothérapie psychanalytique : une vue d'ensemble. (Traduction : B. Lapeyronnie)

 


Dernière mise à jour : 29/07/07
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