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Le site des recherches fondées sur les pratiques psychothérapiques

Interventions psychothérapiques : Comment et pourquoi elles marchent.

Un atelier du NIMH (9 et 10 décembre 2002)

Résumé de l'atelier

http://www.nimh.nih.gov/scientificmeetings/interventions.cfm

Traduction de Jean-Michel Thurin ©

Les 9 et 10 décembre 2002, le NIMH a organisé un atelier de 1 jour et demi pour discuter l'état de la science sur la recherche concernant les résultats d'interventions. Spécifiquement, cet atelier s'est centré sur ce qui détermine les résultats des interventions psychothérapiques. Le traitement de la maladie mentale a progressé sensiblement et il y a peu de justifications au fait que le traitement et les interventions préventives puissent avoir un impact salutaire sur les vies des enfants et des adultes présentant une maladie mentale. En tant que champ, la question "Est-ce que les interventions marchent ?" a évolué vers "Quelles sont les interventions qui fonctionnent, pour qui et dans quelles conditions ?" Le thème central de cet atelier sur les médiateurs/mécanismes d'action concerne des questions sans réponse au sujet de "COMMENT et POURQUOI les interventions fonctionnent".

Pourquoi examiner les médiateurs ? Les médiateurs sont des variables qui expliquent pourquoi ou comment les interventions ont leurs effets. Examiner des médiateurs, c'est potentiellement aider à identifier "les ingrédients actifs" ou à identifier les composants d'une intervention qui sont pertinents ou inefficaces de sorte que les interventions puissent être adaptées pour répondre aux besoins locaux et être optimisées pour améliorer leur puissance et leur efficience. Comprendre les médiateurs peut également aider à faire avancer la connaissance concernant la nature et le cours des troubles cliniques et par conséquent le développement de la théorie de l'impact.

Dans le contexte des contraintes fiscales et de la pression croissante qui s'exerce pour que les résultats soient justifiés, la diffusion et la mise en place des interventions psychothérapiques soutenues empiriquement a été le centre de beaucoup d'attention. Cependant, alors que les consommateurs évaluent la pléthore d'interventions empiriquement soutenues, des questions essentielles concernant la façon dont de telles interventions peuvent être appliquées ou fournies dans les configurations du monde réel ne trouvent pas aisément de réponse. Une question fondamentale se rapporte à la façon dont et pourquoi les interventions psychothérapeutiques fonctionnent. Jusqu'ici, des efforts limités ont été faits pour comprendre les médiateurs des interventions. Là où des efforts ont été faits pour tester les hypothèses de base sous-tendant la façon dont (comment) et pourquoi les interventions fonctionnent, le succès a été modeste et des questions provocantes demeurent. Et pourtant, comprendre ce qui constitue les facteurs intermédiaires des résultats des interventions psychothérapiques a des implications importantes pour les applications cliniques et les décisions politiques.

Jusqu'ici, une grande partie de la recherche sur les résultats des interventions psychothérapiques s'est concentrée sur l'utilisation des études contrôlées randomisées (ECR), largement tenues pour être l'"étalon or " de l'évaluation de l'efficacité potentielle et de l'efficacité réelle. En dépit de progrès substantiels, les ECR ont fait l'objet d'un examen minutieux et ont été critiqués pour leur manque de validité externe, leurs coûts élevés, et leur capacité limitée d'aborder la question essentielle de la diffusion des interventions. L'axe central de cet atelier, portant sur le développement de la connaissance des facteurs intermédiaires qui interviennent sur les résultats d'intervention est une étape importante dans la diffusion et la mise en place d'interventions efficaces.

Le but de cet atelier a été de stimuler le dialogue et de réfléchir à ce qui peut optimiser la recherche dans ce champ important en abordant :

1. les questions conceptuelles fondamentales

2. les questions de conception (design), de mesure et de méthodologie,

3. les approches pour comprendre les médiateurs et les mécanismes d'action, et

4. les stratégies pour optimiser la recherche dans ce domaine.

Questions fondamentales concernant l'étude des facteurs intermédiaires et des mécanismes d'action

L'atelier a commencé par une discussion de l'état de la recherche sur le traitement psychothérapeutique à ce jour. Pour l'essentiel, la recherche thérapeutique s'est concentrée ces dernières années sur quelques questions : l'impact d'un traitement relativement à un aucun traitement ou à un traitement différent ; les traitements qui peuvent être ajoutés pour optimiser le changement ; et le point jusqu'auquel les effets du traitement effectué sont généralisables à des domaines problématiques, des configurations, et d'autres domaines (Kazdin, 2000). La recherche interventionnelle peut montrer qu'une intervention a été responsable d'un changement dans les résultats, mais elle n'identifie pas aisément quel aspect de cette intervention a été responsable du changement ou pourquoi le changement s'est produit. Peut-être, le véritable défi est-il d'identifier des explications des traitements fondées sur la preuve, plutôt que des traitements basés sur la preuve.

Alors que l'importance de comprendre comment et pourquoi les interventions marchent a été longtemps identifiée, la conception et les limitations méthodologiques dans une telle recherche ont empêché le progrès dans ce domaine (Kazdin et Nock, en cours d'impression). Il y a eu peu d'accent formel placé sur les analyses d'intervention de médiateur (ou de modérateur) dans les ECRs, en partie parce que l'accent a été placé sur le test de l'hypothèse déterminante. Les recherches concernant les modérateurs1 et les médiateurs du traitement sont habituellement des analyses génératrices d'hypothèses et de tels efforts sont importants car ils peuvent fournir des informations utiles et mener à des hypothèses plus fortes déterminant un prochain ensemble d'études (Kraemer et al., 2002). De telles recherches devraient être guidées a priori par la théorie, et l'expérience clinique, la recherche naturaliste ou d'observation clinique peuvent fournir des indications sur des médiateurs potentiels. L'intégration forte de la théorie et de l'analyse de données est nécessaire. En recherchant les médiateurs potentiels, les types de théorie devraient être pris en considération : théories d'initiation vs de changement vs d'entretien d'un trouble. Ce qui conduit à un changement dans les résultats d'une intervention peut être tout à fait indépendant des théories de début ou d'entretien d'un trouble.

Un problème fondamental de la recherche dans ce domaine se situe au niveau de la confusion permanente et du manque de précision dans la terminologie. Bien que les médiateurs et les modérateurs aient été longtemps discutés en psychologie, les applications de ces concepts ont été masquées en raison des différences de définition d'un champ à l'autre. Dans la recherche en psychothérapie jusqu'ici, le travail de Baron et de Kenny (1986) a été particulièrement influent. Kraemer et ses collègues (2001, 2002) ont identifié des problèmes avec l'application des méthodes analytiques de Baron et de Kenny, et ont ultérieurement articulé un cadre pour aider à clarifier et distinguer les modérateurs et les médiateurs. Dans le cadre de Kraemer et al., les questions d'antériorité temporelle et de corrélations sont centrales. Un modérateur précède le traitement ; un médiateur se produit pendant le traitement. Par exemple, le niveau de ligne de base de l'estime de soi au prétraitement devrait être considéré comme un modérateur, mais le changement du niveau de l'estime de soi pendant le traitement pourrait être un médiateur. De plus, un modérateur n'est pas corrélé avec le traitement ; un médiateur l'est. Dans ce cadre, la même variable ne peut pas être un modérateur et un médiateur. D'ailleurs, l'accent se situe au niveau de la taille d'effet des interventions dans la population, pas de la valeur de P (qui dépend de la dimension de l'échantillon).

Il conviendrait de noter que les modérateurs ont la potentialité de rendre visibles des médiateurs potentiels qui peuvent être opérants. Ainsi, s'il y a de forts modérateurs d'un traitement, les médiateurs peuvent différer selon le modérateur (par exemple, la spécificité de population). Les modérateurs peuvent être utiles aider à analyser l'échantillon pour découvrir des médiateurs. De plus, l'identification des médiateurs est une étape de la découverte des mécanismes potentiels des résultats d'une intervention. Tandis que tous les mécanismes sont des médiateurs, tous les médiateurs ne s'avèrent pas être des mécanismes de changement (Kraemer et al., 2001, 2002). L'identification des mécanismes de changement peut être vue comme un processus ou un cycle de recherche, incluant la recherche observationnelle ou qualitative rigoureuse, les approches guidées par la théorie, les études d'analogie et les ECRs.

Cet atelier a considéré une approche adaptée à la recherche des mécanismes de changement dans la recherche sur les interventions (Kraemer et al., 2002). Tandis que les limitations de cette approche pour étudier les complexités des interventions psychothérapeutiques ont été discutées, le besoin de le champ de commencer quelque part en examinant de telles variables essentielles a été reconnu. Les approches de Kraemer et al. (2002) peuvent être un point de départ important pour le champ.

Pièges potentiels des analyses de médiateur

Cet atelier a également identifié plusieurs pièges et/ou défis potentiels de la recherche dans ce domaine. Ceux-ci
incluent :

- Confondre le traitement et le médiateur (par exemple, évaluer le niveau d'un médicament dans le sang en tant que médiateur de la réponse au traitement dans un essai médicament versus placebo).

- Confondre le médiateur avec les résultats (par exemple, la cessation de tabagisme à 6 mois en tant que médiateur de cessation de tabagisme à 12 mois). En psychiatrie, le problème est que le médiateur ou les résultats sont souvent dimensionnels et ne constituent pas un événement qui peut être localisé de façon discrète dans le temps. La possibilité de distinguer une période d'induction du traitement durant laquelle les médiateurs potentiels peuvent être mesurés versus une période de résolution du traitement durant laquelle les résultats peuvent être mesurés a été discutée.

- Le moment et l'espacement des évaluations des médiateurs : Quand le changement se produit-il et à quelle fréquence les évaluations devraient-elles se produire ? Puisque les effets se renforcent et s'affaiblissent, les effets peuvent être à un point maximal ou bas selon le moment où les observations sont programmées, affectant profondément la puissance statistique. En outre, la longueur et la périodicité des évaluations de résultats de suivi sont des considérations importantes car le changement peut émerger avec le temps.

- La distinction des mécanismes et des médiateurs : alors que tous les mécanismes sont des médiateurs, tous les médiateurs ne sont sont pas des mécanismes. La médiation implique une relation de corrélation, et comme telle, l'identification des médiateurs peut être une étape préliminaire à l'identification des mécanismes causals réels. Le
mécanisme porte une inférence de causalité, dont l'examen final exige un essai clinique randomisé.

- Les questions de collinéarité (à distinguer de l'interaction, qui est l'effet commun de deux variables sur des résultats) : une collinéarité parmi des variables de prédiction peut se produire si les variables sont liées aux résultats. La colinéarité peut mener à des évaluations décentrées et à une puissance réduite.

- Les problèmes de prévision : il est nécessaire de distinguer les prédicteurs des modérateurs/médiateurs. Les prédicteurs peuvent être ou peuvent ne pas être une caractéristique du sujet avant que le traitement commence.
D'autre part, les modérateurs sont des caractéristiques qui existent avant le traitement, et les médiateurs se produisent pendant le traitement.

- La charge subjective et la fiabilité de la réponse en rapport à des évaluations accrues : des modèles théoriques de réponse à un élément pourraient être explorés pour agréger les données et réduire le poids.

Les analyses statistiques ou les ensembles d'interventions ne sont pas l'approche pour étudier les mécanismes d'intervention. Une conception d'étude bien projetée est cruciale pour une interprétation valide et signicative.

Points à prendre en considération en étudiant les médiateurs et les mécanismes d'action d'une intervention

1. La mise à jour des médiateurs/mécanismes est un processus itératif. La recherche des médiateurs potentiels pourrait procéder par étapes comportant l'identification des médiateurs potentiels sur la base de la théorie et de la littérature existante, l'exploration des médiateurs dans des analyses génératrices d'hypothèses, suivies de la validation des résultats dans des analyses de test d'hypothèse dans la prochaine génération d'ECR. En particulier, l'utilisation des méthodologies de comparaison inter-groupes (par exemple, l'utilisation de méthodologies de contrôle des éléments, additives ou paramétriques) est une approche puissante en isolant les mécanismes causals spécifiques (Borkovec et Castonguay, 1998).

2. D'autres approches telles que les méthodes qualitatives rigoureuses ou l'observation naturaliste pourraient être employées pour identifier les médiateurs candidats qui pourraient alors être ultérieurement étudiés dans des essais cliniques.

3. Les questions de mesure (par exemple, le moment des évaluations, l'identification de mesures valides des médiateurs, la colinéarité des mesures de médiateurs/traitement/résultats) et d'autres questions appropriées de conception méthodologique doivent être soigneusement considérées à l'avance afin de maximiser les occasions d'étudier les mediateurs/mécanismes dans les ECR.

4. L'identification des médiateurs pourrait s'appuyer sur des avancées dans d'autres domaines (par exemple, technologies d'imagerie cérébrale, génétique) et bénéficier de collaborations interdisciplinaires qui pourraient faciliter l'identification des mécanismes potentiels d'action.

5. Dans les analyses générant des hypothèses visant à examiner les médiateurs/mécanismes potentiels, l'accent devrait être placé sur la taille d'effet plutôt que sur la signification statistique.

6. Les dimensions de l'échantillon devront être plus grandes (au delà de 80 pour cent de puissance pour les effets de traitement).

Recommandations pour faciliter la recherche sur ce sujet

1. Le NIMH a été encouragé à faciliter l'utilisation des données existantes ou archivées d'essais cliniques qui ont incorporé des évaluations bien identifiées dans le temps de médiateurs potentiels pour exploiter l'identification des médiateurs qui pourraient être examinés dans les futurs ECR.

2. En outre, le NIMH a été encouragé à soutenir le développement d'un ensemble de critères ou de recommandations qui puisse être diffusés pour la conception méthodologique des recherches. Cela a été vu comme essentiel pour aider les investigateurs à évaluer soigneusement la faisabilité de conduire de telles analyses de données et faciliter les réponses réussies aux offres de crédits.

3. De plus, le soutien d'une collaboration entre les scientifiques a été fortement encouragé de sorte que les principes des analyses de médiateurs conformément à cet atelier puissent être appliqués dans le but de générer des hypothèses et d'identifier ce qui marche et ce qui ne marche pas.

4. La recherche de processus pourrait être passée en revue pour déterminer sa contribution potentielle à la compréhension des médiateurs/mécanismes de changement au cours d'une intervention (par exemple, voir
Moras, 2002). Les êtres humains sont des processus dynamiques non linéaires (attentionnel, cognitif, de mémoire,
physiologique, affectif, comportemental, etc...) en interaction constante entre eux et en réponse à des changements constants des conditions environnementales. Dans ce contexte, le processus et les résultats ne sont pas substantiellement différents de quelque façon que ce soit ; c'est une distinction arbitraire.

5. Le NIMH a été encouragé à réunir des experts dans le domaine pour développer des programmes de recherche établis consensuellement afin de diriger plus explicitement la recherche directe dans ce domaine.

6. Le NIMH a été encouragé à publier et/ou à diffuser le travail sur ce sujet pour aider les reviewers et les chercheurs à reconnaître/insister sur l'utilité potentielle d'une information sur les médiateurs/les mécanismes pour faire progresser le champ, étendre le pouvoir des interventions, et faciliter la diffusion des interventions à des configurations du monde réel.

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[1] Les modérateurs spécifient pour qui et dans quelles conditions une intervention marche. Les médiateurs identifient les mécanismes possibles à partir desquels une intervention pourrait atteindre ses effets.

Références bibliographiques et suggestions de lecture

http://www.nimh.nih.gov/scientificmeetings/interventionsreading.pdf

 

 


Dernière mise à jour : 25/05/11 info@techniques-psychotherapiques.org