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Editorial

Un Manuel Diagnostique Psychodynamique pour aller au delà des classifications du DSM et de la CIM !

Jean-Michel Thurin

Développé par un Groupe Opérationnel issu de l'Association psychanalytique internationale (API) et des principales associations américaines de psychanalyse, le Manuel Diagnostique Psychodynamique (MDP) vient (enfin) de paraître [1]. Portant sur l'éventail complet du fonctionnement mental et couvrant le champ des nourrissons, de l'enfant et de l'adolescent, et des adultes, il met l'accent tant sur les variations individuelles que communes. C'est un complément essentiel aux descriptions symptômatiques et comportementales du DSM et de la CIM.

Cet ouvrage part de la description des fonctionnements "sains", notamment de la personnalité, pour atteindre celle des troubles. Il s'agit donc d'une perspective dimensionnelle, complétée d'une approche contextuelle. Les profils individuels du fonctionnement mental incluent les complexes de sentiments qui lui sont associés, qu'ils soient vécus ou exprimés, les modalités de réponse au stress et à l'angoisse, l'observation de ses propres émotions et comportements, et la formation du jugement moral. Les symptômes sont décrits en référence aux différences d'expérience personnelle et subjective chez chaque personne.

Le MDP est en cohérence avec les études actuelles de neurosciences et d'évaluation des résultats (qui sont discutées dans la section "recherche"). Les premières démontrent l'importance de considérer l'éventail et le niveau des fonctionnements émotionnel et social, de même que l'implication de nombreuses aires interconnectées travaillant ensemble, plutôt qu'isolément. Les études de résultat montrent bien l'importance de travailler avec la complexité et le fait que la relation thérapeutique est le facteur prédictif majeur des résultats. Elles démontrent également que les traitements qui se concentrent sur des symptômes ou des comportements isolés ne sont pas efficaces pour des bénéfices à long terme ou pour s'attaquer aux configurations complexes de personnalité [voir à ce sujet la rubrique que nous avons ouverte sur le forum].

S'appuyant sur les constats d'Allen Frances [2] et même de Robert Spitzer lui-même [3], dans une interview publiée en 2005 dans le New Yorker [3], les auteurs ne manquent pas de souligner que la fiabilité attendue du DSM n'a pas été obtenue par cette classification, et même que sa fiabilité parmi les cliniciens est très faible [4]. Les entretiens structurés du DSM n'ont pas toujours grand chose de commun avec l'entretien clinique des thérapeutes et aucune étude importante n'a démontré une amélioration de la fiabilité du diagnostic dans ces cadres moins formels. Plus grave encore, l'hypersimplification des phénomènes de la santé mentale dans le but d'atteindre une cohérence de description (fiabilité) et de pouvoir évaluer empiriquement un traitement (validité interne) ont pu compromettre le but louable d'une compréhension plus scientifique de la santé mentale et de la psychopathologie.

Ce rappel argumenté concernant le DSM étant fait, les auteurs n'ignorent pas pour autant qu'il existe deux problèmes que les psychanalystes ont bien du mal à dépasser : le premier est que les descriptions des processus mentaux ont été exprimées suivant des théories concurrentes et des métaphores qui, à terme, ont inspiré davantage de désagrément et de controverse que de consensus. Le second est qu'il reste très difficile de faire la distinction entre les constructions spéculatives d'un côté et les phénomènes qui peuvent être observés ou raisonnablement inférés de l'autre. Ces difficultés sont en sorte les contre-points qui ont permis au discours "scientifique" et hypersimplifié du DSM de prendre tant d'ampleur. Cette situation est loin d'être dépassée, mais il est important de souligner que des progrès importants ont été réalisés ces dernières années qui permettent une approche opérationnelle des phénomènes mentaux complexes et subtiles qu'appréhende la psychanalyse. De plus, un corpus croissant d'expériences cliniques riches commence à être réuni qui constitue un cadre de travail.

Ce manuel vient sans doute au bon moment : d'une part, le DSM est en train d'engager une évolution vers un processus d'élaboration plus transparent et décentralisé, évitant l'addition sauvage et occasionnelle de troubles. Il devrait également inclure une approche plus dimensionnelle et s'ouvrir à l'introduction d'hypothèses causales. D'autre part, depuis des années un travail de fond a été entrepris par un certain nombre de chercheurs ouverts à la psychanalyse [5] pour que la complexité et la recherche n'apparaissent plus comme des termes antagonistes, mais puissent travailler ensemble. Il est probable que cet ouvrage va faciliter le développement de cette perspective et que la recherche empirique en psychanalyse notamment, devenue indispensable, va se renforcer et apporter des données plus proches des conditions naturelles que celles qui ont servi de référence au cours des 30 dernières années. De façon plus générale, il sera sans doute une ressource très utile pour les cliniciens.

Remarquons aussi qu'un petit chapitre [6] du MDP a été écrit par une poignée de français autour de D Widlöcher (ancien président de l'AIP) . Situé dans la partie "Fondements historiques et conceptuels", il présente la façon dont différents auteurs (Freud, Glover, Greenson, Zetzel, Echtegoyen, Bowlby et Lacan) ont abordé la difficile question des critères à partir desquels on pourrait considérer que quelqu'un se prête ou non à un travail analytique.

En attendant une éventuelle traduction de ce manuel, nous présenterons, notamment sur www.techniques-psychotherapiques.org, des résumés et des extraits des différents chapitres. La traduction de l'introduction, que vous trouverez dès à présent en ligne, en est une première étape. D'autre part, cet ouvrage est très probablement le début d'un processus qui va permettre de l'améliorer et de le compléter. On trouve dès à présent un début de débat sur le site d'Amazon et sans doute ailleurs. Il serait intéressant qu'une discussion puisse aussi avoir lieu en France à son propos et un thème de forum est donc ouvert dans ce sens.

 

1. Il peut être commandé sur Internet à partir de la présentation traduite que nous avons mise en ligne, ou par Amazon.com dont les tarifs sont très compétitifs
2. Allen Frances préside la force opérationnelle du DSM-IV de l'Association américaine de psychiatrie, et a dirigé la quatrième révision de cette classification.
3. Robert Spitzer a introduit et dirigé la mise en place du DSM-III et DSM-III-R, durant la période où il a pris une extension considérable. .
3. Spiegel, A. (2005). The dictionary of disorder: How one man revolutionized psychiatry. The New Yorker, 56-63.
4. Elle serait même, d'après Kutchins et Kirk, dans l'article d'Alix Spiegel qui constitue un historique passionnant de l'histoire du DSM et dans lequel Allen Frances est interviewé, peu différente de celui des années 1950-1960 et même, dans certains cas, moins bonne.
5. Plusieurs d'entre eux ont contribué à la rédaction de cet ouvrage, dont Kernberg, Wallerstein, McWilliams, Drew Westen et Blatt
6. A. Braconnier, N. Guedeney, B. Hanin, F. Sauvagnat, J. M. Thurin, and D. Widlöcher. Suitability and Indications for Psychoanalytical Psychotherapy

 

 


Dernière mise à jour : 4/03/07 info@techniques-psychotherapiques.org