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Le site des recherches fondées sur les pratiques psychothérapiques

Editorial

Retour du 38ème congrès annuel de la Society for Psychotherapy Research (20-23 juin 2007 - Madison USA)

Jean-Michel Thurin et Monique Thurin

Le congrès annuel de la Society for Psychotherapy Research vient de se tenir du 20 au 23 juin à Madison (Wisconsin USA). Il a réuni environ 300 personnes venant pour 1/3 de l'Europe (Royaume Uni, Suède, Allemagne, Suisse, Italie, Espagne, France (2)), de Norvège, du Japon, … et pour 2/3 de toutes les régions des EU et du Canada.

Constituée essentiellement d'universitaires en psychologie (E.U.) et de services universitaires en psychiatrie (Europe), cette société a réuni depuis sa fondation en 1970 tous les leaders que l'on retrouve dans les publications concernant la recherche en psychothérapie. Les principaux courants y sont présents. Les différences d'approche apparaissent davantage dans les différentes méthodologies présentées et dans des questions transversales que dans des "marques" de psychothérapie officiellement revendiquées.

Quelles sont actuellement les grandes tendances ? Nous n'avons pas pu évidemment participer à tous les symposia (environ 75) qui accompagnaient les sessions pleinières. Nous donnerons donc quelques exemples de travaux qui nous ont paru particulièrement significatifs.

1) Études de résultats : Indiscutablement, les recherches se tournent vers les pratiques réelles plutôt que vers le laboratoire où elles sont restées si longtemps cantonnées. Les limites, en terme de validité externe (l'applicabilité dans le monde réel), des conclusions des essais contrôlés randomisés centrés sur résultats ont été largement rappelées. Parmi les recommandations, citons celles de :

Un aspect important de cette évolution est le développement, au cours des dix dernières années, de méthodes longitudinales qui sont en train de révolutionner notre compréhension du résultat (H Kordy, Heidelberg, G). Le caractère individuel des réponses à une psychothérapie a été démontré et l'objectif est de le prendre en compte. Deux sessions* ont été spécifiquement consacrées aux études pragmatiques de cas (modérateur, D Fishman, Piscataway NJ) et de nombreuses interventions ont fait référence à la dimension individuelle du déroulement et des résultats d'une psychothérapie.

Concernant les études de cas, la généralisation a longtemps été un problème qui paraissait indépassable. Cette vision s'est largement modifiée. Une des stratégies est le regroupement de cas qui ne sont plus "uniques" mais plutôt initialement "isolés". Comment le mettre en oeuvre ? En amont, il est nécessaire de concevoir une certaine standardisation du recueil et des instruments. En aval, c'est la méthode d'analyse des informations émanant d'un collection de cas isolés qui se pose. Ce problème a été abordé en détail. L'idée générale est de ne pas perdre le bénéfice du particulier (en réalisant des moyennes), tout en tirant avantage du nombre de cas réunis. Deux réflexions extraites d'interventions présentant des méthodologies différentes mais complémentaires résument le problème et sa solution : "Des millions d'enfants reçoivent des soins en santé mentale et nous savons très peu à propos des ingrédients utilisés pour leurs prises en charge" (Ann Garland, San-Diego, Californie), à propos du réseau sur les processus de la psychothérapie dans la communauté) et "En inter-individuel (études de groupes), l'agrégation des cas précède l'analyse, alors qu'en intra-individuel (études de cas), l'analyse des données précède leur agrégation " (Tracy Eells, (Luisville, KY)), à propos de l'analyse des données issues de cas isolés regroupés).

2) Facteurs et modèles de changement. La question n'est plus celle de l'inventaire des facteurs de changement, mais de ce qui conditionne leur activité et comment cette activité se produit. Cette question a été appliquée par Per Hoglend et son équipe (Oslo, N), à l'effet de l'interprétation. Il a ainsi montré comment une variable de modération, telle que l'insight, pouvait devenir une variable de médiation. Rappelons que les modérateurs spécifient pour qui et dans quelles conditions une intervention marche, alors que les médiateurs identifient les mécanismes possibles à partir desquels une intervention peut atteindre ses effets. L'étude de cette équipe a en effet démontré qu'il y a deux explications possibles de l'effet de l'interprétation : soit une voie non spécifique directe (intégrée aux facteurs communs) "relationnelle", soit une voie spécifique indirecte qui passe par l'insight (une connaissance de soi et de ses fonctionnements). Cette nouvelle aptitude devient alors un médiateur et agit sur le résultat. Les deux effets peuvent se cumuler. La deuxième question qui se pose quand on utilise cette approche est de différentier les effets. Un modérateur précède le traitement ; un médiateur se produit pendant le traitement. Dans ce cas l'insight, initialement modérateur de la psychothérapie (par son absence), devient médiateur (à partir du processus de pensée qu'il ouvre). Cette question de la temporalité des effets est importante car elle permet aussi d'aborder la question du facteur causal de changement dans un ensemble initialement indistinct.

Deux sessions ont été consacrées aux modèles de changement. Chaque intervenant a été invité, en tant que représentant d'une école différente de psychothérapie (familiale, intégrative, comportementale, cognitive, psychodynamique(s), expérientielle) à présenter brièvement le modèle du changement thérapeutique auquel il croit "vraiment" et les preuves à l'appui de ce modèle. L'idée majeure était de contribuer à une nécessaire formalisation et à un véritable dialogue. Seul le premier objectif a été (en partie) atteint.

3) Études de processus et de processus-résultats. Elles sont en étroite relation avec les précédentes. Il s'agit à, la fois de décrire le déroulement de la psychothérapie et les effets qui lui sont associés ou en découlent. L'intégration d'une approche qualitative et d'une approche quantitative, ainsi que le pragmatisme (une connaissance qui conduit à une application pratique) sont au coeur de cet axe en développement. L'évaluation de départ, qui n'est pas seulement diagnostique au sens réduit du terme (nosographique), y tient une place essentielle. Elle comprend à la fois des dimensions de compréhension incluant le contexte, de définition des objectifs et de prédiction.

Concernant le processus, il a été surprenant pour nous de constater à quel point la place réservée à la psychopathologie peut varier suivant les modèles théoriques. Elle peut occuper une place quasi-nulle (certaines techniques utilisent des réponses "clés en main" à des symptômes ou des problèmes et se préoccupent peu de la façon dont cela marche, puisqu'il a été démontré que cela marchait (DeRubeis)), intermédiaire (les dysfonctionnements actuels sont analysés plus ou moins profondément pour y apporter des réponses ciblées qui auront des effets en chaîne), ou importante (il est indispensable de connaitre les fondements et l'organisation de la pathologie (par exemple, à travers les mécanismes de défense) pour y adapter la psychothérapie dans une interaction patient-thérapeute contrôlée ).

4) Les réseaux de recherches fondées sur les pratiques structurent des approches à différents niveaux : descriptif, comparatif et causal. Borkovec et Castonguay (Penn State University USA) ont une expérience déjà conséquente dans ce domaine. Parmi les expériences présentées :

Une session a également été consacrée aux approches innovantes permettant de jeter un pont entre la recherche et la pratique en impliquant les cliniciens dans la recherche en psychopathologie et en psychothérapie. Ce sont les cliniciens qui passent le plus de temps avec les patients et qui ont le plus d'opportunités pour observer et innover. Une meilleure collaboration entre chercheurs et praticiens peut conduire à de nouvelles découvertes et perspectives pour le travail clinique, ainsi qu'à extraire des résultats qui sont plus directement pertinents pour la pratique clinique. Parmi les recherches présentées, celles portant sur le rôle charnière de vulnérabilités associées à la personnalité dans le développement, l'expression et le maintien de troubles ; sur la réceptivité particulière de certains patients à certains types d'interventions ; sur les modalités d'approches de problèmes relationnels entre entre de jeunes adultes et leurs parents ; ou sur les incidents qui peuvent émailler la relation entre thérapeutes et patients.

4) Parmi les autres champs abordés : les instruments (incluant l'approche qualitative) et les indicateurs d'évaluation ; la mesure de l'alliance, de l'attachement, de l'insight, les variables psychobiologiques ; l'ordinateur ; les aspects culturels et anthropologiques

Au terme de cette présentation, la question centrale reste celle de ce que tout cela apporte, et tout d'abord au clinicien. Tous ces travaux de recherche ouvrent un espace qui soulage et fait travailler le matériel clinique en lui donnant une dimension concrète. Nous pourrions parler d'ancrages conceptuels (par exemple avec les définitions opérationnelles de la mindedness (Horowitz), du conflit (Simmonds et Perry), d'organisation et de mise en relation des principaux modèles qui renvoient forcément aux pratiques différentes que l'on utilise avec différents patients. L'action thérapeutique accompagne la réflexion dans ce monde a priori si impalpable et subjectif que constitue la psychothérapie. Cela apporte aussi le sentiment que les questions que l'on se pose sont partagées par d'autres et que des travaux commencent à les structurer.

 

* Comité du programme : Jacques P.Barber (Chair), Anna Buchheim, Gary Diamond, Gregory G. Kolden, David Orlinsky
(culture interest group representative), Bernhard Strauss (General Vice-President)
Comité local d'organisation : Gregory G. Kolden, Bruce E. Wampold, William Shattuck, Tracey L. Smith

Références bibliographiques

Programme du congrès. télécharger

Livre des abstracts . télécharger

Psychotherapeutic Interventions: How and Why They Work séminaire du NIMH , déc 2002. traduction

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Dernière mise à jour : 20/07/07 info@techniques-psychotherapiques.org