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Le site des recherches fondées sur les pratiques psychothérapiques

Editorial

Nouvelle politique adoptée par l’APA. Un nouveau paradigme de la preuve pour les pratiques professionnelles et l'évaluation des psychothérapies.


JM Thurin, M Thurin, B Lapeyronnie et X Briffault.

On dit souvent que ce qui se passe Outre-Atlantique va nous arriver dix ans plus tard. Espérons pour une fois que le délai se raccourcisse et que nous puissions éviter la période dramatique pour les patients et les praticiens que les psychothérapies et la psychanalyse en particulier ont traversée au cours de la dernière décennie. L’amplification de notre action pourrait sans doute le permettre.

Nous avions évoqué au cours de l'éditorial de juillet 2005 la Force de Proposition mise en place début 2005 par le président de l'Association Américaine de Psychologie, F Levant, sur la Pratique basée sur la preuve.

Un rappel d'histoire :

- 1985 : le NIMH (National Institute of Mental Health) décide d'appliquer à l’évaluation des psychothérapies la même méthodologie que celle utilisée dans la recherche pour les médicaments. Cette méthodologie est celle de l'Essai Contrôlé Randomisé (ECR).

- 1990 : La Médecine Basée sur la Preuve (Evidence Based Medicine, EBM) est introduite dans les pratiques médicales.

- 1995 : la Task Force de la division 12 de l’APA (American Psychological Association, une association de psychologie) s’inscrit dans la logique de l’EBM (vous avez bien lu, c'est-à-dire une logique médicale dure centrée sur la recherche expérimentale). Elle établit un premier rapport dans lequel « un certain nombre d'interventions psychologiques sont identifiées comme « traitements validés empiriquement » devenant par la suite « traitements soutenus empiriquement » du fait que le processus de validation n’est jamais total (Chambless et Holon, 1996).

En août 2005, le rapport de la Force de proposition a été adopté en assemblée générale. Il dresse un bilan assez sévère des répercussions de la politique menée jusqu’alors :

- L'usage et le mésusage des principes de la preuve à la pratique du soin en santé mentale ont affecté la répartition des financements, mais pas toujours au bénéfice du patient

- L'APA reconnaît le risque que les recommandations de bonne pratique puissent être utilisées de façon inappropriée par les organisations de santé mentale commerciales qui ne sont pas intimement familières avec la base scientifique de la pratique pour dicter des formes spécifiques de traitement et restreindre l'accès des patients au soin.

- Les recommandations n'ont pas toujours traduit de façon précise les preuves dont la revue avait été faite en "algorithmes" déterminant le protocole de traitement dans des configurations particulières. Un exemple en est la recommandation de l'utilisation des médicaments plutôt que d'interventions psychologiques en l'absence de données soutenant de telles recommandations.

- De nombreux psychologues ont fait part de leur préoccupation concernant la focalisation exclusive sur des traitements brefs, manuelisés ; leur applicabilité à différents éventails de patients variant en fonction de nombreux paramètres, tels que les comorbidités, la personnalité, les caractéristiques ethniques et culturelles.

L'APA fait ensuite ses recommandations sur ce que doit devenir la pratique basée sur la preuve en psychologie (Evidence-Based Practice in Psychology, EBPP).

Et d'abord, il s'agit de la différencier des traitements soutenus par la preuve (ESTs).

- l'EST part d’un traitement et se demande s'il marche pour un certain trouble ou problème dans des circonstances spécifiées.

- L'EBPP part du patient et se demande quelle preuve issue de la recherche (incluant les résultats pertinents issus des ECRs) aidera le praticien à obtenir les meilleurs résultats. Mais l'EBPP ne se limite pas aux EST. Elle prend en compte un large éventail d'activités cliniques (par exemple, l'évaluation psychologique, la formulation de cas, la relation thérapeutique). Enfin, il est clairement spécifié que l’EBPP doit tenir compte des caractéristiques du patient, de sa culture et de ses préférences.

La question de la recherche de la preuve est largement développée et la nouvelle politique insiste sur les évolutions qu’elle doit subir.

La recherche sur la preuve ne doit pas se limiter aux essais contrôlés. En particulier, elle devrait utiliser pleinement les études de cas systématiques dans le cadre de la pratique (particulièrement utiles quand elles sont réunies sous la forme de réseaux de recherche sur la pratique pour comparer des patients singuliers avec d'autres présentant des caractéristiques similaires, ainsi que pour établir des relations dans le contexte d’un individu. Les études de processus (pour l'identification des mécanismes de changement) doivent également impérativement être intégrées dans la recherche. L'expertise clinique et la prise en compte des particularités du patient doivent reprendre toute leur place par rapport aux données de la recherche.

La traduction intégrale de ce texte est en ligne sur le site « techniques-psychotherapiques » (document de travail en diffusion interne).

Mais, dès à présent, nous pouvons nous féliciter de cet appui que nous n'attendions pas à la position que nous avons prise et mise en oeuvre depuis février 2004.
- Affirmation et explicitation des limites des ECRs sur lesquelles s'est centrée l'expertise collective et des dangers qu'elle fait courir pour la démarche clinique et la qualité du soin
- Analyse et présentation de la littérature concernant les bases d'une nouvelle génération de recherche.

Nous pensons en effet que l'évaluation des psychothérapies est doublement indispensable : au regard des conséquences désastreuses que son absence a eu dans d’autres pays, mais surtout (c’est lié) parce qu’une discipline qui refuse de discuter de ses fondements, de sa pratique et de ses résultats à l’extérieur est condamnée à se marginaliser.
Mais nous pensons également que cette recherche ne peut se faire que dans des conditions qui respectent la complexité de ce qui est étudié, à savoir l’évolution d’un être humain, porteur d’une histoire et d’une expérience déjà longue de la vie, au travers d'un rapport particulier avec un autre humain. En particulier, on ne peut pas réduire les résultats d’une psychothérapie au soulagement du symptôme, doivent être également nécessairement pris en compte la qualité de vie, des relations interpersonnelles améliorées, une capacité à faire des choix de vie satisfaisants, une modification de la personnalité, et d’autres buts atteints en collaboration entre patient et thérapeute. On ne peut pas non plus réduire ce processus à une étude expérimentale conduite dans des conditions « irréelles » par rapport à la clinique et à la pratique.

Dans ce contexte, nous renvoyons à l'étude pilote que nous avons réalisée qui a montré la possibilité d’études naturalistes de haut niveau, c’est à dire d’études quasi-expérimentales prospectives de haute représentativité clinique …
En ce début d’année 2006, riche de promesses de changements et d’innovations dans le domaine de la psychothérapie, Techniques-Psychotherapiques poursuit son travail.

Bonne année à tous …

 


Dernière mise à jour : 25/01/07
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