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Le site des recherches sur les psychothérapies psychodynamiques

Éditorial

Peut-on attendre quelque chose de la recherche évaluative dans le domaine des psychothérapies et qu'y devient le sujet souffrant ?

Dr Jean-Michel THURIN

 

Nombreux sont les collègues qui répondent à la première question par la négative, ou du moins qui sont méfiants quant à la possibilité même de concevoir des méthodes qui aient une signification clinique. En particulier, qu'en est-il de la parole du sujet souffrant, l'évaluation ne se limite-t-elle pas à l'opinion "d'experts", qu'ils soient praticiens voire simples évaluateurs ?

Nous avons reçu un courrier dans ce sens d'un collègue que nous remercions de sa participation à ce débat difficile.

Cette question est évidemment essentielle, mais le fait qu'elle soit posée traduit d'abord une méconnaissance des recherches sur l'évaluation des psychothérapies. D'abord, il existe évidemment des instruments pour recueuillir l'opinion des patients. Mais il existe également au moins une étude qui a fait l'hypothèse que cette opinion pouvait être un indicateur encore plus fiable du changement réel que celui de l'avis du praticien ou du superviseur, y compris sur des points très techniques comme la qualité de ses interventions1 ou l'effet d'une interprétation2. Nous la relaterons en détail à une autre occasion. Nous voudrions surtout insister sur une étude très connue, celle de Seligman (1995)3 qui a concerné plus de 7000 abonnés (sur 22 000) d'une revue du type "60 millions de consommateurs" (Consumer Reports), auxquels on a demandé leur sentiment sur leur expérience de la psychothérapie.

Ces abonnés se sont en effet déclarés intéressés par les questions de santé mentale, et parmi eux près de 60% avaient consulté un psychologue ou un psychiatre au cours des trois années précédentes. Les principales questions auxquelles ils étaient invités à répondre concernaient leurs troubles, la modalité de leur psychothérapie, son coût et son niveau de prise en charge par les assurances, la compétence de leur thérapeute, l'aide qu'ils y avaient trouvée et leur satisfaction de la thérapie, ainsi que les raisons qui les avaient conduit à la terminer.

Les données ont été ainsi très riches, probablement exceptionnellement riches, et l’analyse des données a été sophistiquée. Voici quelques résultats qui font en particulier apparaître l'intérêt d'études "naturalistes" (avec des vrais patients, dans des conditions non expérimentales) par rapport aux essais contrôlés. En particulier, ils portent sur des psychothérapies qui ont duré le temps qu'il fallait ou qui était possible, qui n'étaient pas conduites suivant un manuel mais avec la possibilité d'une auto-correction quand une technique était hésitante. L'échantillon reflétait plus étroitement les gens qui recherchent réellement un traitement que les patients filtrés et ne présentant qu'un seul trouble des études d'efficacité potentielle.

Il a été possible de mesurer les changements déclarés dans la productivité au travail, les relations interpersonnelles, le bien-être, l'Insight, et le développement, en plus de l'amélioration concernant le problème présenté. L'amélioration était plus grande pour des traitements qui duraient plus de 6 mois. Cette étude montre clairement que le traitement va au delà de la pure élimination des symptômes. Parmi ceux qui avaient commencé en se sentant très fragiles, 54% ont répondu que le traitement avait rendu les choses bien meilleures, et un autre tiers a répondu que cela avait rendu les choses plutôt meilleures.

Seligman souligne l'impartialité de cette étude à partir des arguments suivants que chacun comprendra :

"Finalement, il ne peut être ignoré que l'étude du CR est à peu près aussi impartiale qu'un examen de marchandises et de services comme cela existe dans le domaine public. Ils n'ont aucune hache à déterrer pour ou contre les médicaments, la psychothérapie, le managed care, les compagnies d'assurance, les médecin de famille, les AA, ou le traitemment à long terme. Ils ne se soucient pas de savoir si les psychologues font mieux ou moins bien que les psychiatres, les conseillers conjuguaux ou familiaux, ou les travailleurs sociaux. Ils ne sont pas à la recherche de fonds gouvernementaux ou de faveurs des laboratoires. Ils n'acceptent pas de publicité. Ils ont une réputation de loyauté envers les consommateurs. Ainsi cette étude vient avec une crédibilité plus élevée que les études qui émanent des laboratoires pharmaceutiques, ou de l'APA, des conférences de consensus de l'institut national de la santé mentale, ou même des cercles de l'académie".

Cette étude, dont la vertu méthodologique principale est son réalisme, a évidemment ses limites. On a envie d'en "savoir plus" et de connaître plus précisément ce qui s'est passé pour ces personnes, quels ont été les facteurs déterminants (selon eux) de leur évolution. On aimerait comparer leur avis à celui des praticiens qui les ont accompagnés dans leur psychothérapie ou la leur ont prescrite.

C'est la raison pour laquelle se manifeste actuellement au niveau international l'exigence d'études d'efficacité réelle, prenant en compte les processus. Elles seront prospectives plutôt que rétrospectives et s'appuieront sur une méthode suffisamment rigoureuse pour que les données recueillies à partir de cas puissent être utilisées au delà de la définition de résultats généraux et de grandes tendances.
S'inscrivant dans une approche pragmatique, elles auront aussi le grand mérite d'apporter directement un retour d'expérience et de connaissance aux cliniciens.

Cette exigence est un défi. Des solutions se dessinent. C'est la démarche que nous suivons et que nous continuerons à expliciter et préciser dans ces colonnes.

JM. T


1. FREE NK, GREEN BL, GRACE MC, CHERNUS LA, WHITMAN RM. Empathy and outcome in brief focal dynamic therapy. Am J Psychiatry 1985, 142 : 917-921

2. MCCULLOUGH L, WINSTON A, FARBER BA, PORTER F, POLLACK J et coll. The relationship of patient therapist interaction to outcome in brief psychotherapy. Psychotherapy 1991, 28 : 525-533

3. SELIGMAN M. E. P. (1995). The Effectiveness of Psychotherapy:The Consumer Reports Study. American Psychologist, 50, 965-974.
Available World Wide Web : http://www.apa.org/journals/seligman.html
Traduction en français sur demande à techpsy@technniques-psychotherapiques.org


Dernière mise à jour : 25/01/07 info@techniques-psychotherapiques.org