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Le site des recherches sur les psychothérapies psychodynamiques

Peut-on faire de la recherche empirique en psychanalyse, pourquoi et sur quelles bases ?

Dr Jean-Michel THURIN
Article paru dans Psychologie clinique 2005 ; 19 : 221-250

Le premier la première réponse à la lecture de ce titre sera sans doute négative pour le clinicien dont la référence théorique est la psychanalyse. La réalité psychique et le transfert constituant le cadre principal de sa pratique, il peut lui sembler difficile de se situer dans une position d’observateur externe du "chemin parcouru" (l'évaluation des résultats, c'est d'abord essayer de répondre à cette question) et encore davantage d'admettre qu’un observateur externe (fut-ce un enregistrement) y participe. D'autre part, la pratique psychanalytique reposant sur un ensemble de modèles, de techniques et de grilles de lecture, il aura sans doute le sentiment qu’il est impossible de mesurer les évolutions qu’elle vise. Comment concevoir, à plus forte raison, que cette pratique, individuelle et adaptée à chaque patient, puisse participer à une élaboration commune ? Qu'il soit possible d'appréhender - voire de mesurer - les changements très qualitatifs d'un patient au cours de sa psychothérapie ? Et même qu'il puisse être concevable d'envisager une démarche comparative avec d’autres approches psychothérapeutiques dont les objectifs ne sont pas identiques ?

D'autres questions se posent. La psychanalyse et les psychothérapies qui en dérivent visent des changements profonds de la personne qui s’expriment à différents niveaux. La guérison des symptômes n’en constitue qu’un des aspects (Glover et coll., 1937). Les critères de jugement sur lesquels porte l’évaluation de l’efficacité des psychothérapies psychodynamiques devraient donc naturellement inclure d’autres dimensions que celles de l’existence ou de la disparition de traits pathologiques rejoignant ainsi la définition de la santé mentale de l’OMS (OMS, 2001) : « La santé mentale ne consiste pas seulement en une absence de troubles mentaux. Il s'agit d'un état de bien-être dans lequel la personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et fructueux et contribuer à la vie de sa communauté. ». Elles devraient le fonctionnement psychique de la personne et ses acquisitions (par exemple, l’identification, la capacité d’insight et de distanciation, l’organisation de sa personnalité, son autonomie psychique, l’utilisation de ses capacités, la qualité de ses relations interpersonnelles, la possibilité et la nature de ses investissements).
En outre, les classifications actuelles (CIM et DSM) se prêtent difficilement à la description des comorbidités qui caractérisent les patients en psychothérapie dynamique et encore moins bien à leur description développementale et fonctionnelle. Ces classifications privilégient une approche statique où les évolutions et les transformations des pathologies peuvent ne pas apparaître. Comment concevoir qu'une recherche psychodynamique puisse s'inscrire dans un systèmes classificatoire aussi figé et cloisonné ?

Toutes ces questions existent et sont pertinentes. Et en même temps, force est de remarquer deux choses. D'une part, le contexte rend indispensable que les psychothérapies psychanalytiques explicitent leur technique et les résultats obtenus. D'autre part, il existe aujourd'hui un corpus de recherche empirique sur la psychanalyse et les psychothérapies psychanalytiques qui témoigne de sa faisabilité. Ce texte est ainsi une invitation à aller plus loin que la réponse spontanée.


L’évaluation des psychothérapies psychodynamiques, beaucoup l'ignorent, a commencé à la fin des années 1910 (Coriat, 1917) et s’est systématisée dès 1930 ; les 592 analyses menées de 1920 à 1930 à l’Institut psychanalytique (Fenichel, 1930) en sont l’illustration. Le travail s'est poursuivi avec des équipes américaines, puis européennes. La difficulté méthodologique de cette évaluation n'a jamais été niée. Les principaux éléments de cette difficulté soulignés par les « pionniers » sont récapitulés dans le tableau I. Pour les cliniciens-chercheurs qui se sont lancés dans le pari qu'une évaluation de leur travail était possible, ils ont fonctionné finalement comme un inventaire et comme un cahier des charges que comme une véritable barrière.

Tableau I : Réflexions méthodologiques des « pionniers » concernant l’évaluation des psychothérapies psychodynamiques

Freud, 1916 Difficulté de l’évaluation statistique à cause de la disparité des cas, de l’intervalle trop réduit entre l’évaluation et la fin de la thérapie pour affirmer qu’il s’agit de guérisons durables, de l’identification potentielle des cas publiés, de l’irrationalité qui accompagne ce qui concerne la thérapeutique.
Coriat, 1917 Il est essentiel de considérer le type de cas qui correspond le mieux à la psychanalyse, de définir des critères permettant de définir la « guérison » dans ces différents types de cas, la durée du traitement et comment les résultats sont analysés.
Jones, 1936 Sur quels critères mener l’évaluation ?
Alexander, 1937 Il existe de nombreuses difficultés pour l’évaluation :
- la durée longue des traitements psychanalytiques
- la difficulté d’enregistrer des centaines de données et des centaines d’heures passées avec des patients variés
- le caractère moins tangible des symptômes en psychopathologie, leur importance secondaire par rapport à des désordres encore moins tangibles de la personnalité
- la disparition de symptômes manifestes et bien définis ne peut être utilisée comme un signe de résultat que dans un nombre limité de cas
- les critères pour juger les résultats thérapeutiques sont nécessairement vagues et abstraits et requièrent un jugement subtil et expert
- les critères standard d’un tel jugement manquent
- les cas traités par la psychanalyse sont très complexes et diversifiés, et incluent souvent un grand nombre d’entités diagnostiques
- les cas dans une catégorie diagnostique peuvent présenter différents niveaux de sévérité
Knight, 1941 La psychanalyse peut-être (et est) utilisée par des analystes avec différents degrés d’expérience et de compétence. Elle reste une procédure thérapeutique relativement non standardisée.
Tout rapport des résultats thérapeutiques est ainsi issu de différents individus psychanalystes ayant des degrés d’expérience et d’habileté technique différents avec des cas de sévérité différente.
Concernant la nosologie, comment situer les cas « mixtes » ?

La qualité méthodologique des travaux réalisés, loin d’être homogène, n’a cessé de s’améliorer, tout particulièrement depuis une vingtaine d’années. Barber et Lane (1995) distinguent quatre grandes étapes dans cette progression : des d’études peu élaborées issues de cas uniques ; des revues quantitatives générales à partir des résultats d’études de cas ; des études de recherche d’efficacité par rapport à l’absence de thérapie, dans un contexte de remise en question globale de l’efficacité de la psychanalyse ; des études de recherche sur l’efficacité beaucoup plus sophistiquées.

Un point encore est à souligner. L’analyse des études concernant les psychothérapies psychanalytiques réalisée dans le cadre de l'expertise de l'Inserm porte sur les données objectives recueillies en situation clinique. Les conditions de construction des études, de recueil des données et de leur analyse peuvent leur donner un statut plus ou moins élevé en terme de valeur de preuve, mais il ne s'agit jamais de recherches expérimentales, au sens où la dimension clinique passerait au second plan ou serait totalement absente par rapport à l'intérêt du chercheur. La recherche est appliquée à la clinique, au service du soin, des patients et des professionnels, et non l'inverse. Cette recherche « empirique » ou « quasi-naturaliste » concerne tout d'abord les résultats. La dimension du processus n'y est qu'esquissée ; elle peut néanmoins inclure dans ses paramètres certaines variables individuelles, interindividuelles et techniques.

Cette présentation va développer quelques uns des points évoqués : celui de l'évaluation des changements psychodynamiques dans le contexte du DSM, de l'implication de variables spécifiques et non spécifiques dans les résultats, de l'évaluation des psychothérapies longues, des critères actuels d'une "bonne recherche" en psychothérapie psychodynamique et des études comparatives.

Évaluation des changements psychodynamiques dans le contexte du DSM

La place du symptôme dans le traitement d'une référence à l'autre

Il est incontestable qu'au delà de la prétention a-théorique du DSM, sa construction et sa présentation valorisent l'effet d'un traitement centré sur les symptômes apparents, situés comme des éléments que l'on peut appréhender de façon distincte du fonctionnement global de la personne et de son histoire.

Ce positionnement du symptôme se situe à l'inverse de son appréhension par le psychodynamicien, pour lequel les troubles constituent le degré extrême de l’expression d’un dysfonctionnement global du psychisme. Ce dysfonctionnement relève de différentes causes qui interagissent. Schématiquement, elles sont de trois ordres : développemental, traumatique et conflictuel (intrapsychique). Ainsi, plusieurs mécanismes sont susceptibles d'intervenir dans le déclenchement d’un trouble : la vulnérabilité issue d'événements psychologiques de la première enfance (et même quelquefois antérieurs) dans leur cadre d’interaction sociale, sa réactivation par une situation actuelle (perçue suivant une réalité psychique dont les traits dominants sont propres à chaque individu), et les conflits intrapsychiques issus de relations avec le monde externe et avec les pulsions internes (en particulier sexuelles). Cette perspective n’acquiert toute sa valeur que si l’on prend également en compte les conséquences en cascade liées à chacune des causes.

Ainsi, les conditions particulières qui perturbent et marquent le développement de la personne peuvent s’exprimer très précocement par une altération de la représentation et de la différenciation de soi, et de la possibilité d’établir des relations d’objet de qualité. Dans les cas les plus graves, ce défaut nuit à l’insertion sociale et produit de nouveaux désordres psychologiques, malgré la mise en place de mécanismes de défense et de tentatives d’adaptation plus ou moins pathologiques, comme le retrait et l’évitement des relations affectives chez les patients borderline (Paris et coll., 1987 ; Stone,1993).

Dans les cas habituels, la difficulté de la personne à résoudre les tâches présentées par le monde interne et par le monde externe peut s’exprimer dans une « névrose de caractère » qui peut se définir comme une constellation typique de traits qui caractérisent une personne particulière. Ces traits peuvent être exacerbés dans certaines situations difficiles jusqu’à constituer une organisation pathologique de l’ensemble de la personnalité. Quand ils ne permettent plus à la personne de prendre en main les exigences auxquelles elle est soumise, les symptômes se manifestent de façon plus active (Wilczek, 1998) et conduisent à la demande de soin.
Dans la psychothérapie dynamique, on considère l’amélioration comme le résultat de la résolution d’un conflit psychique et/ou d’un déficit développemental. Dans ce cas, il s’agit d’un véritable changement de la structure psychique.

Concordance entre les différentes approches diagnostiques : différence des éléments observés pour décrire une personne souffrante et sensibilité des mesures

La concordance entre traits psychopathologiques, fonctionnement psychodynamique et symptômes psychiatriques est une question complexe. D’abord, elle est susceptible d’évoluer au cours d’une psychothérapie (Jones, in Knight, 1941). Ensuite, la normalité ne s’identifie pas à l’absence de symptômes : il est par exemple d’observation commune que certains patients obtiennent une réduction symptomatique en réduisant certaines activités essentielles de leur vie. Enfin, le degré de santé ou de maladie psychologique ne correspond pas étroitement aux catégories diagnostiques ; chacun des principaux diagnostics présente un large éventail de sévérité psychiatrique. Même un diagnostic de psychose recouvre des niveaux de santé-maladie psychologique très différents (Luborsky et coll., 1993).

Une autre difficulté se situe au niveau de la définition nosologique. Dans la pratique clinique, celle-ci se heurte constamment avec le problème de savoir où situer les cas « mixtes ». « Comment classer par exemple une personne présentant un caractère obsessionnel rigide avec de fortes tendances paranoïdes et un état d’anxiété pour lequel elle consulte, et aussi quelques symptômes psychogènes qu’elle attribue à une fièvre tropicale survenue quelques années plus tôt ? » (Knight, 1941).

Il existe également un problème de convergence entre les résultats issus de différents niveaux et modes d’évaluation diagnostique. Trois exemples d'études illustrent cette difficulté.

Wilczek et coll. (1998) ont comparé le « diagnostic DSM » et le « diagnostic psychodynamique » dans une population de 55 patients ayant sollicité un traitement et pour lesquels une indication de psychothérapie avait été posée. Ces patients ont été évalués d’une part à l’aide du DSM-III-R (axes I : troubles nosologiques, II : troubles de la personnalité et V : fonctionnement global), et d’autre part à l’aide de deux échelles, l’une de caractère psychodynamique (Karolinska psychodynamic profile, KAPP) et l’autre de personnalité (Karolinska scales of personality, KSP), considérée plutôt sous une référence biologique.
Suivant le diagnostic DSM (n = 30), les patients souffraient pour la plupart de dépression. Avec la KAPP, les traits psychologiques les plus évidents concernaient la relation avec les affects agressifs (inhibition), la dépendance et la séparation, la tolérance à la frustration et le contrôle de l’impulsivité. Un autre aspect concernait les troubles des relations interpersonnelles (difficulté des relations intimes et réciproques ; capacité de vivre le conflit et l’ambivalence), également corrélés aux troubles DSM et au fonctionnement général (Global assessment of functioning scale, GAF). Un dernier aspect concernait les sous-échelles « Dépendance et séparation », « Conceptions de l’apparence corporelle », et leur signification pour l’estime de soi, qui était corrélée à des scores élevés au DSM et bas au GAF.
Cette étude fait apparaître que le diagnostic de dépression risque de masquer d'autres troubles au moins aussi importants. Des approches diagnostiques très différentessont nécessaires pour établir une véritable évaluation diagnostique. Non seulement elles s’avérent complémentaires, mais elles introduisent des données nouvelles par les corrélations qu’elles révèlent.

Les évaluations ne portant que sur les symptômes ne permettent également d'appréhender les changements que de façon partielle. Ainsi, Goin et coll. (1995) ont montré que l’entretien semi-structuré de McGlashan (MSI) met en évidence des dimensions (évolution des capacités métalinguistiques et de distanciation par rapport à l’état affectif) qui ne sont pas détectables par la SCL-90 (détresse symptomatique) même si les changements révélés vont dans la même direction. D’autre part, si globalement l’ensemble des patients est amélioré dans cette étude, de fortes différences interindividuelles, apparaissent dans le déroulement de l’évolution. Hoglend et coll. (2000) ont utilisé un instrument d'évaluation du changement dans la psychothérapie dynamique regroupant cinq sous-échelles. Cotées de 1 à 100, elles portent sur : (1) la qualité des relations amicales et familiales ; (2) les relations sentimentales et sexuelles ; (3) la tolérance affective ; (4) l’insight et (5) la résolution des problèmes et la capacité adaptative. Cette étude a concerné 50 patients dont les diagnostics à l’axe I du DSM-IV étaient pour la plupart des troubles de l’adaptation, des troubles anxieux et dépressifs ; environ la moitié d’entre eux présentaient un ou plusieurs troubles de l’axe II. Leur fonctionnement global a été évalué à partir du GAF et ils ont également rempli la SCL-90 ainsi que de nombreux autres autoquestionnaires. Un an après le début de la psychothérapie, les changements observés chez la plupart des patients se sont situés dans les dimensions de l’insight et de la tolérance affective. Les échelles se sont révélées discriminatives par rapport aux mesures de changement issues de mesures générales de symptômes, et suffisamment fines pour mesurer des changements statistiquement significatifs au cours d’une psychothérapie brève.

À partir du concept de santé-maladie psychologique, Luborsky (1975) a mis au point l’échelle de santé-maladie (HSRS) et ses dérivés (GAS ou GAF). Établie à partir de 24 cas classés selon leur gravité avec un score de 1 à 100, cette échelle permet au clinicien de situer ses patients par rapport à ces cas types en cotant les capacités d’autonomie, la gravité des symptômes, le degré de détresse subjective, les conséquences de l’état du patient sur son entourage, l’utilisation de ses capacités personnelles, la qualité de ses relations personnelles, l’ampleur et la profondeur de ses intérêts. Une revue portant sur plus de 80 études (1993) fait apparaître que la santé-maladie psychologique n’est que modérément corrélée aux diagnostics psychiatriques et que le niveau initial de santé-maladie psychologique est un facteur prédictif du résultat obtenu avec des psychothérapies dynamiques et d’autres types de psychothérapie.

Existence d'instruments d’évaluation des changements psychodynamiques

Pour compléter les mesures symptomatiques et nosologiques, différents chercheurs tels que Kernberg, 1973 ; Malan, 1973 ; Luborsky, 1975 ; Horowitz et coll., 1986 ; Hoglend et coll., 2000 (la liste est loin d'être exhaustive), ont conçu des mesures susceptibles d’appréhender les fonctionnements psychiques et leur évolution au cours d’un traitement psychothérapique. Les premiers projets reposaient sur des recueils de données et des instruments non standardisés ; des instruments mieux adaptés ont ensuite été élaborés. Ainsi, différentes études ont associé à des dimensions générales (variables démographiques et sanitaires) l’évaluation des symptômes (recherchés dans une pathologie spécifique ou systématiquement), l’évaluation du fonctionnement personnel (en particulier concernant les relations sociales et les passages à l’acte), et des mesures sur les dimensions d’acquisition telles que la construction du soi, la maturation, la conscience et la prise en compte des conflits de la réalité, la qualité des relations d’objet, les capacités affectives, la réalisation dans le travail, ou l’accès aux affects et leur intégration dans la personnalité (Monsen et coll., 1995). Des mécanismes de défense, situés à l’interface entre santé et maladie (selon qu'ils sont employés en association ou non avec d'autres), peuvent constituer un élément diagnostic important (Lingiardi et coll., 1999).

À partir d’un corpus de 150 rêves recueillis sur une période de 5 ans chez une patiente atteinte de troubles graves de la personnalité avec par moments des idées de persécution et des réveils paniques, Thurin et coll. (1996) ont examiné les fonctions potentielles des rêves, leurs relations au conflit central du patient et leur évolution. L'objectivation fine et polyaxiale du rêve permet une évaluation des changements du rêveur par rapport à ses problématiques centrales et de sa capacité de les élaborer au niveau cognitif.

En résumé, il est incontestable que les catégories du DSM sont peu appropriées à la présentation des changements se produisant au cours d'une psychothérapie psychanalytique. Des critères d’évaluation autres que symptomatiques ou nosologiques doivent pouvoir être pris en compte dans l’évaluation des résultats des psychothérapies et des instruments d’évaluation des changements psychodynamiques ont été développés. Ces instruments présentent une plus grande sensibilité pour évaluer les changements de la santé psychologique que ceux mesurant l’évolution des symptômes. De nombreux auteurs soulignent la nécessité d’associer mesures de résultats et de processus dans l’évaluation du traitement. Cependant, des mesures répétées afin de détecter des effets spécifiques du traitement ont été peu utilisées jusqu’à présent. Une étude (Jones et coll., 1993) illustre à propos d’un cas de dépression comment le déroulement du processus psychothérapique évolue en fonction des interactions et des états du thérapeute et du patient.

Les principaux instruments d’évaluation spécifique à l’approche psychodynamique sont récapitulés dans le tableau 5.II.

Tableau 5.II : Instruments d’évaluation de l’approche psychodynamique

Instruments d’évaluation des changements psychodynamiques

Dimensions et aires psychologiques multiples
- McGlashan semistructured interview (MSI ; Goin et coll., 1995)

Échelles de changement dans les psychothérapies dynamiques
- Échelle "relations (amicales ; sentimentales), affect, insight, adaptation" (Hoglend et coll. ; 2000)
- Karolinska psychodynamic profile (KAPP ; Weinryb et Rössel, 1991)
- Minnesota multiphasic personality inventory (MMPI)

Relations interpersonnelles
- Inventory of interpersonal problems – circumflex version (IIP) (Horowitz et coll., 1988 et 1993)
- Core conflictual relationship theme (CCRT ; Luborsky, 1977)
- Adult attachment interview (AAI ; Main et coll., 1985)

Tolérance affective (Monsen et coll., 1995)

Mécanismes de défense et capacités psychologiques
- Defense mechanism rating scale (DMRS ; Perry, 1991)
- Scales of psychological capacities (SPC ; DeWitt et coll., 1991)

Instruments d’évaluation d’utilisation des techniques et d’adhésion à la méthode thérapeutique

Penn adherence-competence scale for supportive-expressive therapy (PACS-SE)
Interpretive and supportive technique scale (ISTS) utilisable pour l’ensemble des psychothérapies psychodynamiques (Ogrodniczuk et Piper, 1999)
Specific therapeutic technique (STT) (Bogwald et coll., 1999)
Mesure des interprétations de transfert (Bogwald et coll., 1999)

Implication des variables spécifiques et non spécifiques dans les résultats

Un patient ne se réduit pas à ses symptômes, un psychothérapeute à son sourire et à son empathie. Du moins, on l'espère ! La contribution relative de variables spécifiques (les outils techniques du psychothérapeute, ses caractéristiques, celles du patient non réduit à ses troubles) et de variables non spécifiques (les qualités inhérentes à toute bonne relation humaine) sont a priori incontournables si l'on veut aborder sérieusement la question des changements issus d'une psychothérapie. Pourtant, l’étude contrôlée de Strupp et Hadley (1979) a semblé d'abord démontrer le contraire. Elle illustre au delà de sa simplicité apparente la complexité de cette question et les conclusions erronées qui peuvent être tirées d'une étude si l'on est pas attentif à sa conception.
Une population relativement homogène de 49 étudiants de 17 à 24 ans déprimés ou psychasthéniques au MMPI, recrutée par affiche et parmi les consultants du service de soin est confiée d’une part à des psychothérapeutes professionnels d’orientation psychanalytique et, d’autre part, à des enseignants sélectionnés sur la base de leur réputation pour leur empathie et la confiance qu’ils inspirent chez les étudiants. Le groupe « contrôle » est constitué d’étudiants sur liste d’attente. La thérapie est limitée à 25 heures sur une période de 3 à 4 mois, à un rythme de 2 séances par semaine. Les résultats montrent que les patients ayant une psychothérapie avec les professeurs présentent, en moyenne, une amélioration significativement aussi importante que les patients traités par des thérapeutes professionnels expérimentés.

Cette amélioration s’est produite durant la période de traitement et se maintient au moment de l'évaluation de suivi réalisée environ une année après l'inclusion. Le groupe contrôle manifeste également une amélioration, mais elle tend à être moins importante que celle constatée dans les groupes traités.

Les auteurs attirent d’abord l'attention sur le caractère relativement léger des troubles des patients, leur âge (favorable à des évolutions maturatives naturelles) et le fait que les psychothérapeutes professionnels n’avaient pas de compétence particulière dans les psychothérapies brèves. Par ailleurs, ils ont constaté une variabilité très importante suivant les couples thérapeutiques : certains patients ont fait l'expérience de bénéfices thérapeutiques considérables, d'autres sont restés virtuellement inchangés, certains montrant même une détérioration. Un examen plus précis fait apparaître qu’il existe toutes sortes de combinaisons entre les variables du patient et celles du thérapeute, que celles-ci donnent naissance à une relation particulière et à un résultat thérapeutique particulier. A un degré supplémentaire, il s’avère que les psychothérapeutes les plus professionnels ont eu une attitude finalement très proche de celle des professeurs : ils ont eu moins tendance à maintenir une distance interpersonnelle notable, à écouter respectueusement et à interpréter que leurs collègues plus jeunes. L’implication des patients était également importante et c’était avec eux que les psychothérapeutes professionnels avaient les meilleurs résultats. A ces éléments, il faut ajouter que les professeurs ont effectué leur travail thérapeutique sous la supervision d’un staff de professionnels qui étaient disponibles pour consultation et conseil en cas d’urgence. Waldron (1997) confirme les limites de cette étude : pas de répartition au hasard des étudiants (les thérapeutes ont traité les étudiants cherchant de l'aide ; les professeurs ont traité les étudiants ayant répondu par annonce) ; faible nombre par groupe réduisant la valeur statistique des résultats ; sélection sur des scores élevés aux échelles MMPI de dépression, de psychasthénie, et d’introversion sociale ; choix de professeurs bien perçus sur le campus ; durée réduite du traitement qui ne permettait pas d'appliquer l'ensemble d'une technique.

Cette étude fait bien apparaître les biais d’interprétation que peuvent suggérer les résultats d’une recherche quand de nombreuses variables sont ignorées ou méconnues.

Études concernant le rôle des facteurs spécifiques et non spécifiques dans le résultat des psychothérapies psychodynamiques

Les études sur le rôle de facteurs spécifiques et non spécifiques mettent en lumière la complexité des interactions entre différents éléments : variables liées aux patients (notamment à leurs représentations et à leur pathologie), aux thérapeutes (notamment à leur formation et à leur expérience), à l’interaction patient-thérapeute, aux modalités des psychothérapies utilisées. Nous en donnons quelques exemples.

Ogrodniczuk et coll. (2001) ont voulu savoir si les hommes et les femmes répondaient de façon similaire à des formes différentes de psychothérapie. Ils ont ainsi étudié l’effet de deux formes de psychothérapie individuelle brève (d'interprétation et de soutien), dans une population de patients dont 67 % avaient reçu un diagnostic de l’axe I (dépression majeure 64 %, troubles de l’adaptation 8%, dysthymie 7 % et trouble panique 7 %) et 60 % un diagnostic de l’axe II (trouble de la personnalité évitante 18 %, obsessionnel-compulsif 16 %, paranoïde 14 %, dépendant 11 % et borderline 10 %). Durant la période de traitement, les patients, qu’ils soient de sexe masculin ou féminin, se sont améliorés. Cependant, les patients hommes se sont améliorés davantage avec la thérapie d'interprétation qu’avec la thérapie de soutien, alors que la situation inverse a été observée avec les patientes femmes. Au suivi, celles qui avaient suivi une psychothérapie interprétative n’avaient pas le même résultat qu’avec la psychothérapie de soutien, même après 12 mois. Les auteurs suggèrent que les patientes sont plus sensibles à l'aspect collaboratif et personnel de leur relation avec le thérapeute, qu’il est important pour elles de pouvoir exposer leurs problèmes et de recueillir des réponses qui soulignent l’influence des circonstances extérieures sur leurs difficultés actuelles (critères de la psychothérapie de soutien). À l'opposé, les patients de sexe masculin préfèrent une relation plus neutre avec le thérapeute et bénéficient davantage d’interventions qui encouragent l’introspection et l’examen d’émotions inconfortables (critères de la psychothérapie d'interprétation).

Concernant les attentes du patient, la qualité des relations d’objet et l’alliance thérapeutique,une étude de Joyce et Piper (1998) a montré que les représentations du patient concernant l’expérience de la thérapie étaient fortement et directement reliées à la qualité de l’alliance thérapeutique, et que les relations entre les représentations et le résultat étaient moins fortes mais restaient substantielles. Quant à la qualité des relations d’objet et à la détresse liée à la dépression, elles n’intervenaient respectivement que peu ou pas du tout dans le résultat. Ainsi, soutenue et encouragée par le thérapeute, une alliance forte peut être le fondement d’un traitement réussi quant à ses résultats.

Concernant, les problèmes interpersonnels et leur relation avec les styles d’attachement, Horowitz et coll. (1993) ont étudiés 36 patients traités dans une unité de soins ambulatoires par psychothérapie dynamique brève (20 séances). Cette étude montre que le type de problèmes interpersonnels ou personnels constitue une variable prédictive du résultat. Ainsi, les problèmes de soumission amicale (« il est difficile pour moi de dire “non” à une autre personne ») semblent plus faciles à traiter avec la psychothérapie dynamique brève que les problèmes de dominance hostile (« il est difficile pour moi de m’engager à long terme avec quelqu’un » ou « il m’est difficile de faire confiance à quelqu’un »). De même, la prédominance de problèmes personnels (par rapport aux problèmes interpersonnels) est un indice de difficulté, et sans doute également un indice diagnostique dans la dépression (anaclitique ou introjective). Les résultats suggèrent également des relations entre le type de problèmes interpersonnels d’une personne et son style d’attachement principal (sécure, préoccupé, craintif, abandonnant). La difficulté de certains patients à décrire clairement leur entourage serait également un indice prédictif du résultat de la psychothérapie.

De nombreux travaux ont suggéré que les facteurs « thérapeutes » pourraient jouer un rôle important par rapport à l’issue de la thérapie, mais les études apportent des résultats qui sont loin d’être homogènes.

Une évaluation de l’empathie du thérapeute (dans le sens de la qualité de son attention, de sa compréhension et de ses interventions) a été effectuée par les patients, les thérapeutes et les superviseurs. Leurs cotations respectives étaient très différentes. La seule mesure d’empathie corrélée significativement avec les mesures de résultats (SCL-90-R, symptômes cibles et Échelle santé-maladie) était celle des patients, et seulement pour deux de ses variables (hostilité et qualité des relations interpersonnelles). Les auteurs considèrent que les superviseurs étaient plus sensibles à l’approche générale des thérapeutes qu’aux processus intellectuels qui guidaient leurs interventions, alors que les patients y étaient sans doute beaucoup plus sensibles. Ils recommandent l’usage d’enregistrements audio ou vidéo en plus des présentations traditionnelles basées sur des notes prises durant les séances.

Différentes études ont montré un taux plus réduit de sorties prématurées de la psychothérapie avec des thérapeutes mieux formés. L’étude de Lastrico et coll. (1995) a comparé un groupe de 59 psychothérapies analytiques menées par des psychothérapeutes en formation à un groupe de 19 psychothérapies menées par des psychothérapeutes formés. Ces psychothérapies étaient destinées à des patients présentant pour 68,7 % d’entre eux des troubles de l’axe I (dépression majeure, troubles anxieux) et pour 30 % de l’axe II (borderline). Un an après l’entrée dans l’étude, le taux d’interruption précoce de la psychothérapie par les patients était de 40,1 % dans le groupe suivi par des psychothérapeutes en formation et de 16,7 % dans le groupe suivi par des psychothérapeutes formés. Les traitements ont majoritairement eu une évolution favorable ; cependant, le nombre de succès thérapeutiques a été nettement supérieur dans le groupe de patients confiés à des psychothérapeutes formés. Cette discrimination s’établit nettement après la sixième séance ; un des facteurs y contribuant pourrait être la relative sévérité clinique des patients traités.

L'étude d'Aapro et coll. (1994) menée à partir du même centre et portant sur 291 sujets présentant des troubles semblables à ceux précédemment décrits montrait également que les psychothérapies interrompues avaient été effectuées par des thérapeutes ayant moins d’expérience (2,7 ans versus 6,7 ans de formation), alors que la gravité de l’anxiété et de la dépression n’entrait pas en compte dans le résultat. Les conduites addictives, antisociales ou alcooliques, les attitudes manipulatrices, l’impulsivité constituaient des facteurs prédictifs d’abandon prématuré, alors qu’en revanche l’autodépréciation, la motivation pour la psychothérapie et les capacités d’introspection constituaient des facteurs favorables. L’alliance aidante de type II (AA2 « nous travaillons ensemble, mon thérapeute et moi ») était clairement corrélée à l’évolution favorable, ainsi que l’authenticité du thérapeute (au sens rogérien du terme).

Ogrodniczuk et Piper (1999) ont sélectionné une quinzaine d’articles consacrés au traitement psychodynamique des troubles de la personnalité et ont recherché comment était abordé l'usage de l'interprétation du transfert dans les troubles de la personnalité. Cette question est particulièrement déterminante pour l’efficacité des traitements des patients borderline qui peuvent y répondre par une interruption du traitement, voire par des actes auto ou hétéro-agressifs. Les interprétations de transfert sont probablement susceptibles d’avoir des effets différents pour différents types de patients. Ainsi, il est impératif de considérer les caractéristiques du patient autrement qu’au niveau du sous-type diagnostic (c’est-à-dire les variables de personnalité). D’autre part, l’usage de l’interprétation du transfert peut avoir une relation différente avec le résultat selon qu’elle est utilisée à un stade précoce ou plus tardif du traitement, que l’alliance thérapeutique est forte ou fragile (Gabbard et coll., 1994 ; Bond et coll., 1998). En conclusion, il est nécessaire d’examiner la technique thérapeutique à différentes étapes de la psychothérapie et l’exploration soigneuse des multiples facteurs opérant simultanément dans le traitement permettra de guider les cliniciens dans le futur.

L'étude de Crits-Christoph et coll. (1988) porte sur un aspect encore plus précis de la compétence technique, à savoir la pertinence des interprétations dans le cadre de la psychothérapie dynamique de 43 patients ayant pour la plupart reçu un diagnostic de trouble dysthymique, anxiété généralisée ou de troubles de la personnalité. La notion de pertinence recouvrait ici le degré de congruence entre le contenu des thèmes conflictuels centraux du patient (établis à partir de la méthode du Core conflictual relationship theme – CCRT –) (Luborsky, 1977 et 1986) et les interventions du thérapeute, transcrites et cotées par deux juges. Une relation statistiquement significative et modérément forte a été trouvée entre l’interprétation pertinente (formulation du souhait inconscient du patient, du conflit dans les relations interpersonnelles « types » et de son effet rapporté à des expériences de vie similaires) et le résultat du traitement. Il n’a pas été mis en évidence de relation entre la pertinence des interprétations et la qualité de l’alliance thérapeutique, résultat surprenant étant donné qu’une alliance solide est souvent nécessaire pour que les patients tolèrent et utilisent les interprétations.

L’étude de McCullough et coll. (1991) a pris en compte l’effet que l’interprétation du psychothérapeute produisait chez le patient. Ce qui était prédictif du résultat était bien davantage la fréquence et le type des réponses affectives qu’apportait le patient dans les trois minutes qui suivaient l'intervention du psychothérapeute que la nature de l’interprétation. Si cette réponse était une réaction essentiellement défensive, le résultat serait négatif, s’il s’agissait d’un mouvement affectif positif, il serait positif. Cet effet de l’interprétation, à partir du mouvement affectif qu’elle produit, suggère qu’un thérapeute devrait modifier son approche quand un patient montre une trop grande tendance à des réponses défensives à ses interventions. Inversement, quand les interprétations patient-thérapeute sont suivies d’un affect positif, le thérapeute devrait logiquement considérer qu’il est sur la bonne voie.

En résumé, différentes études font apparaître l’interaction de différentes variables dans les résultats, plutôt que leur action spécifique. Il existe cependant des variables qui ont une valeur pronostique sur les résultats du traitement dans la mesure où elles conditionnent sa mise en œuvre et conduisent fréquemment à son interruption si elles ne sont pas prises en compte. Il s’agit de la préparation au traitement, de la qualité initiale des relations d’objet et de la formation des psychothérapeutes. L’adaptation qualitative des interventions techniques est importante et le patient en est, consciemment et inconsciemment un bon témoin (par ses réactions affectives).

Possibilité de réaliser des études d’évaluation de l’efficacité des psychothérapies longues

Bien qu’ayant fait l’objet d’un investissement considérable en recherche, les traitements psychodynamiques longs n’ont donné lieu que très récemment à des études de population méthodologiquement rigoureuses (Vaughan et coll., 2000 ; Blomberg et coll., 2001 ; Leuzinger-Bohleber, 2002).

Les évaluations réalisées (revues dans Knight, 1941 ; Bachrach et coll., 1991 ; Barber et Lane, 1995) ont porté tout d’abord sur des études de cas, puis progressivement des études plus systématiques ont été réalisées sur des populations. Menée de 1954 à 1972, l’étude Menninger a été la première tentative ambitieuse (et prospective) d'évaluer l’efficacité de la psychothérapie psychodynamique et de la psychanalyse. Elle a évalué les effets à long terme de la psychothérapie chez 42 patients borderline, présentant des psychoses latentes ou des troubles graves du caractère (Wallerstein, 1986). Quatre domaines principaux ont été examinés : les caractéristiques des patients, celles des thérapeutes, les modalités du traitement et les facteurs d’environnement. L’évaluation initiale et continue n'a pas lésiné sur les moyens. Qu'on en juge : 10 entretiens psychiatriques, des entretiens avec les membres de la famille, une batterie complète de tests psychologiques ancrés sur la théorie psychanalytique de la psychologie du moi. Elle était suivie d’enregistrements réguliers concernant le traitement en cours (impressions cliniques, rapports des superviseurs). Une nouvelle évaluation était conduite à la fin du traitement par des cliniciens seniors, puis de nouveau en période de suivi 2 ou 3 ans après, jusqu’à des périodes de temps approchant 30 ans. Parmi l’ensemble des cas, 22 analyses et 22 psychothérapies furent sélectionnées de façon aléatoire. Ces patients étaient très gravement atteints, puisque près de la moitié d’entre eux avaient un score inférieur ou égal à 40 (80 % ≤ 60) à l’HSRS (échelle santé-maladie de Luborsky).

L’information issue des enregistrements des thérapeutes était résumée dans un format standard s’accordant avec les principes psychodynamiques et les résultats ont porté sur trois mesures : amélioration globale, résolution du transfert et changement dans la constitution du moi. Plusieurs conclusions émergent de l‘ensemble des résultats (présentés dans 60 publications et 5 ouvrages) :

Les faiblesses de cette étude peuvent être résumées ainsi : les indications habituelles de la psychanalyse stricto sensu ont été largement dépassées, les niveaux de formation et d’expérience des analystes étaient très hétérogènes, l’échantillon était de taille relativement faible. De plus, le mode de recueil des données a varié à différentes périodes, la petite taille de l'institution a fait que les chercheurs connaissaient les diagnostics et les impressions des cliniciens concernant les patients sur lesquels ils faisaient leurs mesures. Par ailleurs, les évaluateurs étaient familiers avec la thérapie et prenaient en compte les variations de l’approche thérapeutique quand ils évaluaient les résultats. Enfin, l’absence de groupes de comparaison a rendu les résultats d’autant plus difficiles à interpréter que ces psychothérapies étaient longues et que de nombreux facteurs pouvaient les avoir influencés.

De nombreuses universités américaines et instituts psychanalytiques ont participé à la recherche sur l’efficacité de psychanalyses et psychothérapies longues en se centrant sur un aspect particulier. Ces travaux sont résumés dans le tableau III.

Tableau III : Recherches spécifiques menées par les universités et instituts de psychanalyse américains

Influence de la durée du traitement sur le bénéfice

Université de Columbia, Institut psychanalytique de New York

Développement des capacités d'auto-analyse

Institut psychanalytique de Boston

Caractéristiques du patient et variables du traitement

Université d'Alberta

Méthodologie, définition de concepts et développement de mesures opérationnelles

Université de Pennsylvanie

Facteurs spécifiques et non spécifiques

Universités de Vanderbildt, de Michigan et de Pennsylvanie

tudes de processus, interactions patient-thérapeute

Université de Chicago

Facteurs de santé

Université John Hopkins

Comparaison entre psychothérapies

Université de Temple

En résumé, beaucoup d’obstacles méthodologiques, liés à la complexité des éléments impliqués et à l’absence de définitions opérationnelles de concepts usuels, ont ponctué la recherche sur l’efficacité des psychothérapies psychanalytiques longues. Il en résulte en première approche « beaucoup de travail pour peu de résultats », du moins en termes de preuve de l’efficacité des traitements menés. L'incertitude ne porte pas sur la valeur des données, mais pour une bonne part sur le fait que les évaluateurs utilisaient souvent des échelles d'évaluation « faites maison », de validité et fiabilité inconnues. Fisher et Greenberg (1996) ont résumé en six points les réserves méthodologiques grevant les différentes études qui viennent d’être brièvement présentées : confiance totale sur des cas traités par un seul praticien ; manque de démonstration qu'un traitement standard fiable (psychanalyse) a été réellement mis en place ; absence d'un groupe contrôle sans traitement ou traité autrement ; participation à l'étude de psychothérapeutes sans expérience ; pas de randomisation ; efficacité du traitement déduite d’un taux de réussite attribué par les thérapeutes ou issu de leurs notes.

Le développement de psychothérapies brèves, focalisées sur des problèmes et des populations très spécifiques, a indiscutablement aidé l’évolution des modèles d’évaluation des psychothérapies longues sans que pour autant leurs conclusions dans ce cadre précis puissent leur être généralisées. La conjonction de l’analyse seconde des études menées sur les psychothérapies à long terme et des méthodes développées pour les psychothérapies brèves (qui se sont progressivement affinées) permet d’envisager comme possible (et nécessaire) l’évaluation des psychanalyses et des psychothérapies psychanalytiques longues. En voici trois exemples.

Leuzinger-Bohleber (2002) a coordonné en 1997 une recherche naturaliste menée à l’initiative de l’Association psychanalytique allemande (DPV). Son objectif principal était d’étudier les appréciations rétrospectives des patients sur leur psychanalyse ou leur thérapie psychanalytique et leurs effets, 4 ans au moins après la terminaison (ces psychothérapies devaient s’être produites durant une période de 4 à 7 ans avant le début de l’étude). Deux sortes de données ont été recherchées : (1) « extra-analytiques » portant sur les symptômes, les changements dans la capacité de se confronter aux événements de vie, l’estime de soi, l’humeur, la satisfaction vis-à-vis de la vie, ainsi que sur l’évaluation globale de leur thérapie, les évolutions concernant leur travail et l’utilisation des services de santé ; (2) « analytiques » évaluant en particulier les réactions de transfert et de contre-transfert, les associations libres, et procédant à des analyses de contenu orientées vers la théorie. Compte tenu du nombre important de patients concernés, deux méthodes de recueil des données ont été utilisées : l’entretien enregistré (129) et le questionnaire détaillé (159) ou semi-détaillé (401). Les entretiens (deux pour chaque ancien patient auxquels s’ajoutait un troisième avec l’ancien analyste) étaient enregistrés et discutés par un groupe de recherche. Sur la base des informations disponibles, deux évaluateurs estimaient le niveau de trouble au début du traitement et au moment où l’étude de suivi s’était mise en place à partir de divers instruments. Un diagnostic était établi à partir de la CIM-10 et confronté à celui posé par l’ancien analyste. Plus de 50 % des patients présentaient des troubles névrotiques, 6 % des troubles psychotiques. Les diagnostics multiples étaient fréquents, mettant en évidence des troubles psychosomatiques et psychopathologiques multiples. L’évolution la plus remarquable est que 84,3 % des anciens patients étaient en ascension sociale. Par ailleurs, ils avaient internalisé leur attitude analytique, se rendant par là capables de poursuivre le processus analytique après la fin de leur cure. D’un point de vue qualitatif, il est apparu que les analystes avaient appliqué leur concepts théoriques au matériel clinique de manière prudente, souple et adaptée. Les psychanalyses qui ont bien fonctionné sont celles où les analystes ont réussi à montrer de l’empathie et à s’adapter de façon flexible, ouverte et professionnelle aux besoins de leurs patients, plutôt que d’utiliser une technique orientée vers leurs propres convictions ou croyances. De nombreux analystes ont souligné qu’ils considéraient le diagnostic et le degré de perturbation comme moins déterminants que l’observation des potentiels du patient, par exemple de bonnes relations d’objet malgré d’importants traumatismes, des capacités de réflexion sur soi partielles ou des signes de réaction positive aux interprétations. Les états limites, dont la mise en acte était très destructive, ont été traités avec un assez bon résultat lorsque l’analyste lui-même avait eu suffisamment de soutien personnel (sous la forme, par exemple, d’une supervision). Les patients psychotiques (dont le traitement était conduit en coopération avec une institution psychiatrique et suivant une technique modifiée (face-à-face, basse fréquence) ont obtenu de bons résultats.

Sandell et Blomberg (2001) rapportent les résultats d’une étude menée en Suède de 1990 à 1998 sur l’efficacité de la psychanalyse et de la psychothérapie analytique chez 418 patients (74 en psychanalyse, 331 en psychothérapie analytique d’une durée de deux années ou plus, et 13 en psychothérapies variées à faible dose). Cette étude impliquait deux groupes contrôles, « en bonne santé » et « normal » (650 personnes). Les modalités du traitement, psychanalyse ou psychothérapie de longue durée, ont été choisies librement par les patients eux-mêmes. Les mesures portaient sur trois types de variables : dépendance économique (utilisation des services de santé, travail…) ; santé (symptômes, relations sociales, vision générale de la vie) à partir de la SCL-90, de la SAS (échelle d'ajustement social) et de l’Échelle du sens de cohérence (Sence of coherence scale, SOCS) ; changements structurels internes et prise de conscience. Ces mesures étaient complétées par un autoquestionnaire concernant l’identité thérapeutique des praticiens (cursus, expérience et orientation thérapeutique, représentations des facteurs de changement, style thérapeutique).

Les résultats font apparaître une réduction importante des symptômes à la SCL-90. Cependant, alors que le groupe de psychothérapie n'a atteint qu'un niveau légèrement inférieur à la ligne de signification clinique, le groupe d'analyse a approché de près la valeur moyenne du groupe normal. Concernant la SAS, le développement de l'ajustement social (relativement faible) était pratiquement le même qu'un patient fut en psychothérapie ou en psychanalyse. Il n’était pas homogène, l'échelle concernant le travail s'améliorant beaucoup, alors que les échelles portant sur les relations avec les proches (parents, proches parents, famille étendue) n’évoluaient pratiquement pas. Concernant le facteur « thérapeute », il est apparu que les thérapeutes plus âgés obtenaient de meilleurs résultats avec leurs patients, indépendamment du sexe du thérapeute ou du patient, et indépendamment du fait qu'il s'agisse d'une psychanalyse ou d'une psychothérapie. À propos de leur style, l'attitude classique psychanalytique (importance majeure accordée à la neutralité technique et à l'insight) n'est pas optimale, au moins du point de vue des résultats sur les symptômes, pour les patients en psychothérapie.

Vaughan et coll. (2000) ont réalisé une étude de faisabilité destinée : à rechercher si les patients en traitement psychodynamique, incluant la psychanalyse, pouvaient être recrutés et retenus comme sujets pour des études ; à déterminer la compliance du patient et du thérapeute à participer aux mesures d’évaluation, à partir de questionnaires, d’entretiens structurés et de séances enregistrées ; à obtenir des données pilotes sur les changements dans ces mesures après un an de traitement.

Les mesures étaient multiples associant à la fois des instruments classiques de diagnostic et d’évaluation de la dépression, de l’anxiété, de l’adaptation sociale, des troubles de la personnalité, et des instruments permettant d’évaluer des domaines considérés comme relevant particulièrement de la psychanalyse et de la psychothérapie psychodynamique : la mentalisation psychologique, le contrôle du comportement, le comportement social, les problèmes interpersonnels et l’alliance thérapeutique. Les patients présentatient des troubles mixtes, associés pour plus de la moitié d'entre eux à des troubles de la personnalité.

Tous les patients qui sont restés en traitement (15/24) se sont améliorés. Les résultats ont montré une réduction des symptômes, un meilleur fonctionnement mental, une amélioration significative des problèmes interpersonnels après un an de traitement, pas de modification significative des mesures de personnalité, une amélioration significative de la capacité de réflexion, mais pas de véritable évolution du contrôle du comportement.
Ils sont restés dans le protocole de l'étude, ce qui montre qu'elle n'a pas été appréhendée de façon négative par eux. La difficulté du recrutement de patients pour le groupe « psychanalyse » (27 %) par rapport au groupe « psychothérapie » (83 %) semble relever essentiellement des cliniciens. Il existerait encore une forte résistance à ce type d'étude parmi les psychanalystes cliniciens, résistance qu’ils communiquent à leurs patients. La situation pourrait changer si la recherche sur l'évaluation devenait une mission centrale des instituts psychanalytiques.

Quels sont aujourd'hui les critères d'une « bonne recherche » évaluative des effets d’une psychothérapie psychodynamique ?

Bachrach et coll. (1991) ont procédé à une analyse systématique des études d’efficacité de la psychanalyse (incluant les psychothérapies psychanalytiques) depuis ses débuts (Coriat, 1917) jusqu’aux années 1990. Ils remarquent que dès l’origine, les psychanalystes investigateurs ont été conscients de l’importance de l’objectivité, de la fiabilité et de l’indépendance de l’observation. Cependant, à l’exception de l’étude Menninger (Kernberg, 1973) et de toutes les études basées sur la méthodologie de Pfeffer (Pfeffer, 1959), la plupart des études n’ont pas réalisé une exploration soigneuse de la nature individuelle du changement. C’est ainsi que de nombreuses études ont été construites sur des modèles statistiques multivariés plus adaptés à la détermination de tendances générales. La plupart des études ne fournissent aucune indication sur la nature de la contribution de l’analyste au processus du traitement dans des cas individuels, facteur qui concerne beaucoup plus directement les analystes. Alors que les études révèlent une relation substantielle entre le développement d’un processus analytique et le bénéfice thérapeutique, les caractéristiques initiales du patient ne permettent pas vraiment, sauf dans des cas extrêmes, de prédire la nature du résultat.

Bachrach et coll. (1991) proposent cinq critères pour une recherche évaluative : il faut montrer que le traitement évalué a réellement été mis en place ; le traitement doit être conduit par des praticiens suffisamment formés et expérimentés suivant des principes de pratique classiquement acceptés ; il doit être évalué en relation avec les conditions cliniques dans lesquelles il est applicable ; les patients doivent correspondre aux pré-requis du traitement ; les variables pertinentes doivent être spécifiées, opérationnalisées et étudiées systématiquement.
Ils remarquent que si les caractéristiques des patients ont été plutôt bien spécifiées et étudiées, celles du processus (à l’exception peut-être des conditions de sa mise en place et de l’interaction analyste-analysant) l’ont été beaucoup moins. Quant à celles concernant l’analyste, elles n’ont été étudiées que de façon rudimentaire. Il reste à obtenir des définitions opérationnelles claires et consensuelles de termes tels que l’amélioration, le bénéfice thérapeutique, le processus analytique et même les conditions de terminaison.

Poursuivant le travail engagé par Bachrach, Waldron (1997) a réalisé une revue synthétique de différents moyens permettant d’étudier les résultats de la psychanalyse. Il en tire un certain nombre d’enseignements et de recommandations. Les principales sont les suivantes :

Nous ne voudrions pas laisser le lecteur sur le sentiment que toutes ces conditions font de la réalisation d'une recherche de bonne qualité méthodologique en psychothérapies psychanalytique un objectif inatteignable. Ces recherches se multiplient depuis quelques années et le lecteur en trouvera un nombre significatif dans la partie "études" (chapitre 6 de l'expertise, téléchargeable à partir du site www. techniques-psychothérapiques.org, ainsi d'ailleurs que la traduction de bon nombre des articles cités dans ces lignes).

L'étude de Meares et coll (1999) portant sur des patients borderline est un exemple d'étude contrôlée randomisée correspondant aux critères actuels d'excellence. Cette équipe a voulu comparer les résultats obtenus au sein d'un groupe de patients traités par psychothérapie psychodynamique interpersonnelle (psychothérapie dérivée du modèle conversationnel de Hobson) avec ceux d'une liste d’attente contrôle constituée de patients « traités comme d’habitude » (thérapie de soutien, intervention de crise, thérapie cognitive, pharmacothérapie).

La présentation de la psychothérapie est associée à celle du modèle théorique sous-jacent. Les auteurs font remarquer que le catalogue des critères de troubles de la personnalité borderline dans le DSM-III est constitué de trois facteurs qui concernent l’affect, l’impulsivité et le self, sans que soit précisée laquelle de ces constellations d’expériences et de comportements est primaire. C'est pour eux le troisième facteur (le self), qui inclut l’expérience du vide, qui est le plus fondamental. Le modèle est basé sur l’idée que le trouble de la personnalité borderline est une conséquence d’une interruption du développement du moi. La principale hypothèse est qu'un certain type d’activité mentale, se trouvant dans la rêverie et se situant en dessous du jeu symbolique, est nécessaire à la constitution du moi. Cette sorte d’activité mentale est non linéaire, associative et liée à l’affect. Dans la période précoce, sa présence dépend d’une relation de l'enfant avec son entourage dont la réponse entre en interaction avec ce qu'il communique, et lui exprime que son expérience est comprise et reconnue. En l'absence de cette possibilité de relation, l'enfant va se tourner vers l'extérieur. Sur cette base, qui s'inscrit dans la perspective générale des cliniciens psychodynamistes des troubles borderline (revue dans Adler, 1989 ; Thurin, 1997), le but de la thérapie est maturatif. Spécifiquement, il consiste à aider le patient à découvrir, élaborer et se représenter une réalité personnelle. Pour y parvenir, le thérapeute va veiller à établir une atmosphère dans laquelle l’activité mentale de développement peut se mettre en place, amplifier les éléments du monde personnel et interne qui apparaissent dans la conversation, particulièrement comme des sentiments ou des métaphores implicites, identifier les moments où le souvenir traumatique surgit dans la conscience originaire, afin de travailler à l’intégration du système de mémoire traumatique dans le système du self.

Sur ces bases, les résultats de l'étude montrent que parmi les 30 patients traités, 30 % ne réunissaient plus les critères de diagnostic de trouble de la personnalité borderline (DSM-III) après une année de psychothérapie. Les 30 patients de la liste d’attente durant 1 an ou plus n’ont pas montré de changement dans le diagnostic. Les scores de réduction du nombre de critères DSM-III des individus dans le groupe de traitement, évalués suivant une échelle à 27 points, ont été moyenne 4,78 fois plus importants que ceux des sujets appartenant au groupe contrôle, sur la période de 12 mois. L’amélioration dans le groupe traité par psychothérapie s’est maintenue à la fois au suivi d’un an et de 5 ans. Le traitement ambulatoire, suivant une modalité spécifique, est au moins aussi efficace que les traitements plus lourds.
Évidemment, ces éléments ne nous renseignent qu'indirectement sur les changements de la structure de la personnalité. Autrement dit, ils ne nous précisent pas si des mesurres ont tenté d'appréhender l'évolution de la construction du soi, l'évolution de la relation à la réalité, à travers notamment les réactions affectives et de passage à l'acte que certaines situations sont susceptibles de produire. C'est une modalité complémentaire de la recherche, plus précise et ouvrant à une dimension plus fondamentale. Elle est aujourd'hui à l'ordre du jour.

Interface entre recherche évaluative en psychanalyse et d’autres méthodes psychothérapiques

La comparaison des résultats obtenus avec des techniques psychothérapiques se référant à des modèles différents et dont les objectifs ne sont pas les mêmes est complexe. Le problème se pose à trois niveaux : celui des catégories diagnostiques, celui des dimensions évaluées et celui des protocoles de recherche. Nous avons vu précédemment que les deux premiers niveaux peuvent avoir des espaces communs (par exemple les symptômes) mais qu’il existe des divergences concernant le découpage des troubles et les critères d’évaluation des résultats. Le troisième niveau implique la nature même du traitement et la façon dont il est prescrit ou « engagé ». Pour une psychothérapie psychodynamique, le patient est amené à choisir un psychothérapeute en lequel il peut placer toute sa confiance. L’activité du psychothérapeute doit par ailleurs, pour une grande part, s’adapter au fonctionnement du patient qui ne vient pas seulement pour se débarrasser d’un symptôme gênant, mais pour exprimer sa souffrance et en appréhender les causes internes. Les études montrent qu’il est possible de réaliser une formalisation générale du protocole de la psychothérapie psychodynamique mise en oeuvre pour évaluer ses résultats (Freud l’a fait dès le départ pour les cas qu’il suivait) et qu’il est également possible de concevoir des groupes contrôles qui ne contredisent pas l’éthique la plus élémentaire. Cependant, deux critères « d’excellence » paraissent actuellement inapplicables aux recherches concernant les psychothérapies psychodynamiques : l’application directe de manuels de traitement (différente d’une référence à un manuel précisant ses points essentiels accompagnée d’une supervision) et la randomisation autoritaire des patients dans différents groupes de traitement (Waldron, 1997 ; Bateman et Fonagy, 2000 ; Blomberg et coll., 2001). Au delà des solutions particulières qui doivent être recherchées pour résoudre les problèmes précédents, une démarche sensiblement nouvelle s’exprime dans les travaux récents : plutôt que de vouloir comparer des populations définies très globalement et en fait très hétérogènes, la recherche devrait s’efforcer de mieux préciser les caractéristiques des patients qui peuvent leur permettre, à un moment donné de bénéficier dans les meilleures conditions d’une approche thérapeutique spécifique.

En conclusion, la possibilité existe d’associer à des approches symptomatiques et nosologiques des approches dimensionnelles portant sur le fonctionnement psychodynamique et la santé mentale. Des instruments d’évaluation des changements psychodynamiques ont été développés. Ils ont montré une plus grande sensibilité dans l’appréciation des changements que les mesures quantitatives de symptômes. Concernant les variables impliquées dans les effets des psychothérapies psychodynamiques, les études existantes font surtout apparaître leur interaction, plutôt que leur action isolée. Il apparaît aujourd’hui possible d’identifier les critères d’une recherche qualitativement bonne applicable aux psychothérapies psychodynamiques et ainsi de réaliser des études méthodologiquement rigoureuses pour évaluer l’efficacité des psychothérapies longues.

En plus de la nécessité pragmatique de démontrer l’efficacité dans un cadre de soins, il y a également un besoin de valider les constructions théoriques et les techniques utilisées. Tout en respectant une rigueur scientifique, un des enjeux pour les chercheurs est de produire une recherche qui soit pertinente et compatible avec la pratique clinique quotidienne. Cette recherche devra aborder conjointement l’évaluation des résultats et l’évaluation des processus. En effet, si une certaine technique thérapeutique montre qu’elle est efficiente, il est nécessaire que les mécanismes de changement soient pris en considération et analysés par rapport à l’approche théorique pour comprendre ce qui se passe dans cette thérapie. Il est indispensable de considérer également les interactions qui se produisent entre certaines caractéristiques des patients et des aspects particuliers du traitement.

 

 

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Dernière mise à jour : 21/12/05
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