Caractériser et Comprendre le Processus de Changement d’une Psychothérapie Complexe *

Modélisation des processus, mécanismes et conditions des changements associés à la psychothérapie de 66 enfants et adolescents présentant des troubles du spectre autistique

Jean-Michel Thurin ©

Chapitre 3 : Application méthodologique

3.4. Analyse des résultats. Cas regroupés

3.5.4. Analyse PLS-SEM de l’interaction dynamique processus-résultats

Introduction

PLS-SEM s'inscrit dans les statistiques de seconde génération. Ces méthodes dénommées modélisation par équations structurelles (Structural Equation Modeling (SEM)) permettent d'intégrer des variables quantitativement inobservables de façon directe en les mesurant indirectement par des variables indicateurs. L'analyse PLS se centre sur l'explication de la variance dans les variables dépendantes quand on examine le modèle.

L'hypothèse générale testée dans notre recherche est que l’action psychothérapique intervient comme une médiation spécifique qui peut expliquer (pour une part) un processus de changement allant des troubles jusqu'à un fonctionnement se rapprochant de la santé chez les enfants/adolescents souffrant d’autisme qui en bénéficient. Les troubles sont indiqués par les mesures concernant les comportements autistiques et les déficits développementaux.

Cette médiation fait intervenir plusieurs médiateurs. Notre hypothèse est que les médiateurs sont les intermédiaires entre les manifestations psychopathologiques et différents dysfonctionnements qui les accompagnent ou les produisent. L’action thérapeutique se trouve ainsi à l’intersection entre les hypothèses cliniques issues de l’analyse de la causalité des manifestations pathologiques manifestes (chaîne causale 1) et de la mise en oeuvre pratique d’actions suspensives et réparatrices (chaîne causale 2). La santé s'exprime par l'acquisition de nouvelles aptitudes et par une évolution favorable des fonctionnements psychiques émotionnels et relationnels, ainsi que par une une ouverture active au monde s'orientant vers la normale.

Pour situer la méthode, plusieurs définitions peuvent être rappelées ici.

Quelques propriétés générales de PLS-SEM.

PLS-SEM fonctionne efficacement avec des échantillons de petite taille et des modèles complexes. L’analyse ne fait pratiquement aucune hypothèse sur les données sous-jacentes. Elle peut éventuellement considérer des modèles avec des construits à un seul item, mais ne peut pas fonctionner avec des modèles structurels contenant des boucles causales ou des relations circulaires entre variables latentes.

La mesure multivariée implique l’utilisation de plusieurs variables pour mesurer indirectement un concept afin d’améliorer la précision des mesures. L'hypothèse et l'objectif qui l'accompagne est que l’utilisation de plusieurs variables, les "indicateurs" (variables manifestes pour mesurer un concept unique), sont susceptibles de représenter tous les aspects différents du concept, et ainsi de donner lieu à une mesure plus pertinente du concept.

La santé et l'action thérapeutique sont des dimensions relativement abstraites et en tout cas complexes au niveau des paramètres qui les composent. Elles sont définies ici comme des construits ou variables latentes. Nous ne pouvons pas directement calculer les variables « santé » et « action thérapeutique ». En revanche, nous avons accès à des variables qui mesurent leurs manifestations et leurs éléments. Ces indicateurs servent de proxy variables (variables par procuration). Chaque indicateur représente un aspect particulier d'un concept plus large qui est la variable abstraite. En combinant plusieurs indicateurs qui peuvent eux-mêmes constituer une synthèse de plusieurs items observables, nous pouvons finalement aborder quantitativement les concepts de santé/maladie et d'action thérapeutique, en définissant les caractéristiques et les effets de leur relation dans les conditions d'une population particulière étudiée.

Dans le modèle présenté, les variables latentes sélectionnées sont l'état fonctionnel de santé psychique de l'enfant et l'action thérapeutique qui est développée pour l'améliorer. Ces variables sont étudiées à partir des mesures réalisées aux différents temps de l'étude.

La médiation met l’accent non seulement sur le chemin de relation directe entre deux variables latentes, mais aussi sur le chemin indirect qu'un ou plusieurs composants de médiation, théoriquement pertinents, peuvent produire. C’est seulement quand la médiation possible est prise en compte théoriquement et qu'elle est aussi testée empiriquement que la nature de la relation cause-effet peut être pleinement et précisément comprise. C'est alors que ce type d’analyse identifie sa « véritable » conclusion. Mais le point de départ est théorique et le temps d'en concevoir le parcours, qui précède les analyses empiriques, est essentiel (voir chapitre 7 de Hair et al. , p 245, et aussi Kazdin et Kendall 1998).

Cette approche conduit à aborder différentes hypothèses de causalité. Elles conduisent à obtenir un résultat non significatif ou significativement positif pour la relation inférée. Dans notre cas, on peut concevoir d’abord que la cause de la variation des scores de comportement d'une évaluation à une autre est simplement un effet du temps ; une autre hypothèse peut être que le changement est essentiellement associé à l’alliance (meilleure elle sera, meilleur sera le résultat) et à des interventions spécifiques visant des problèmes et/ou des déficits particuliers ; une troisième hypothèse est que les troubles du comportement sont mobilisés par des éléments de contexte, en particulier événementiel et relationnel. Le contexte se retrouve dans la psychothérapie, à la particularité près que le thérapeute sait comment éviter et faire avec les comportements pathologiques. Cette attitude spécifique du thérapeute en relation aux événements de la cure est une hypothèse complémentaire dont un exemple a été présenté avec la psychothérapie de Y078.

Techniquement, une variable fonctionne comme un médiateur quand elle remplit les conditions de Baron et Kenny (1986) : les variations dans les niveaux de la variable indépendante interviennent significativement dans les variations du médiateur présumé ; les variations dans le médiateur interviennent significativement dans les variations de la variable dépendante ; quand le chemin indirect est contrôlé, une relation antérieurement significative entre les variables indépendante et dépendante change significativement de valeur.

 

Structuration du modèle structurel et de mesure

Cette méthode permet de mettre en relation les éléments qui participent à l'action de la psychothérapie ("Action Thérapeutique") et les résultats qu'elle produit aux différents temps de l'évaluation.

La première étape de structuration du modèle est de déterminer dans quel ordre interviennent les construits. Déterminer la séquence des construits est rarement une tâche facile car des perspectives théoriques contradictoires peuvent conduire à différentes dispositions chronologiques des variables latentes. Ici, est-ce l'état de l'enfant qui détermine la conduite thérapeutique et la relation thérapeute-patient qui l'accompagne, ou l'inverse ? Différentes études ont abordé cette question de façon générale à propos de l'alliance thérapeutique. Leurs résultats sont mitigés et orientent vers une interaction réciproque entre alliance et résultats.

Dans notre modèle, notre hypothèse est que l'action thérapeutique est initiée à partir de l'évaluation clinique, opérée par le thérapeute, de l'état et du fonctionnement de l'enfant, en relation aux informations qui lui sont transmises par l'enfant et ses proches. Sur cette base, le thérapeute développe son action en référence à son approche théorique et à son expertise clinique. Sa technique est ajustée et modulée pour répondre aux besoins et possibilités de l'enfant.

Avec l'approche psychanalytique, qui est largement majoritaire dans les études, l'attention aux besoins et capacités de l'enfant est associée au respect de ses initiatives. L'action thérapeutique implique particulièrement la dyade patient-thérapeute ainsi orientée, incluant la sensibilité tolérante du thérapeute et la participation directe de l'enfant. L'objectif général est que ses symptômes autistiques se réduisent lorsque son fonctionnement avec lui-même, les autres et le monde s'améliore. Tester cette approche, c’est examiner si « l’action thérapeutique » ainsi définie réalise un effet de médiation centrée sur les variables d'état fonctionnel de l'enfant et les facteurs qui les mobilisent. La variable de médiation permet alors de clarifier ou d’expliquer la relation entre les construits originaux (ici, le fonctionnement et l'état de l'enfant aux différents temps de l'évaluation). Cela se produit en particulier quand la relation qui réunit chaque séquence de construits varie au cours du temps. Nous avons vu plus haut (Stiles et al. 1998, Kramer & Stiles 2015) que l’ajustement comme modalité de réponse permanente du thérapeute (responsiveness) peut contrarier l’analyse statistique.

Dans notre étude, nous sommes également concernés par les effets de modération. L’effet de modération se produit quand le modérateur (une variable indépendante ou un construit) change la force et même la direction d’une relation entre deux construits dans un modèle. Cet aspect sera considéré dans un second temps à partir de la variable âge.

La seconde étape est la définition des indicateurs. Leurs mesures, issues des instruments, apportent des informations sur la constitution des variables latentes et leur caractère opérationnel. Chaque construit est associé à un ou plusieurs indicateurs. Ces indicateurs sont de deux types : formatif ou réflectif suivant la relation de causalité qu'ils entretiennent avec le construit. Lorsque l'indicateur se situe comme la ou une cause du construit (par exemple, "dans cette maladie pulmonaire le bacille de Koch est retrouvé dans les crachats, (donc) cette maladie est une tuberculose") l'indicateur est formatif. En revanche, lorsque les indicateurs sont une conséquence du construit et participent à sa description (p.e., comme le sont les principales manifestations de l'autisme), les indicateurs sont réflectifs. Ces indicateurs peuvent être considérés comme un échantillon représentatif de tous les éléments possibles disponibles dans le domaine conceptuel du construit. Il est alors essentiel d'accorder une attention particulière à la validité de contenu des mesures en déterminant la façon dont les indicateurs et les items qui les composent représentent l’ensemble du domaine exploré (ou du moins ses aspects majeurs). En revanche, les indicateurs réflectifs similaires sont interchangeables et il n'y a pas de problème de chevauchement.

Deux questions se posent : (1) comment sélectionner ces éléments qui représentent, sinon l’ensemble du domaine, du moins ses aspects majeurs et qui vont aussi constituer les mesures du construit ? et (2) comment établir leur rôle propre dans celui, global, du construit ?

Le choix des indicateurs de l'état de l'enfant et de son évolution a été de considérer les comportements autistiques comme indicateurs initiaux et de leur associer deux paramètres de santé psychique qui sont le fonctionnement général et l'ouverture à soi, au monde et aux autres. L'évolution des comportements autistiques a été centrée à partir de T2 sur deux indicateurs, la déficience relationnelle et la modulation des émotions. Ils se trouvent de facto impliqués avec les indicateurs de santé dans le modèle de chaîne prédictive/causale.

Le choix des indicateurs de l'action psychothérapique s'est fait : 1) à partir des connaissances générales qui attribuent aux composants de l'alliance thérapeutique (Gaston & Marmar 1993) un rôle majeur dans les résultats ; il est important de préciser que cette alliance ne va pas immédiatement de soi pour l'enfant autiste puisque, précisément, il souffre d'un déficit relationnel et de réactions très fortes lorsqu'il est confronté à des situations nouvelles ou frustrantes. L'alliance représente aussi une élaboration ; 2) à partir de l'analyse individuelle des cas et de l'analyse factorielle qui ont révélé une attitude spécifique commune des thérapeutes psychodynamiques avec les enfants autistes ; 3) en impliquant les éléments du prototype psychanalytique (dont l'effet avec les enfants autistes représentait une hypothèse) ; et 4) les aptitudes acquises par l'enfant dans son développement. Les différents indicateurs sont constitués de plusieurs items, voire (comme dans l'alliance ou dans les comportements autistiques), de regroupements d'items. Ces choix sont possibles avec le CPQ, dans lequel l'enfant est représenté par 42 items, le thérapeute par 42 items et leur interaction directe par 16 items. Avec l'ECA-r, la déficience relationnelle est représentée par 13 items et le déficit de modulation des émotions par 3 items.

Le rôle propre des indicateurs et la façon dont il est établi seront précisés plus loin.

Les données empiriques dont sont issus les indicateurs ont été collectées à l’aide des questionnaires ECA-r, EPCA et CPQ. Il n'y a pas de données manquantes, de profils de réponses suspectes (réponses en doublure ou incohérentes), de valeurs aberrantes et la distribution des données est satisfaisante.

Figure 11 : Indicateurs de l’état de l’enfant et de l'action psychothérapique (AT).

Dans l’AT, les 3 premiers indicateurs concernent le thérapeute. Ils sont suivis par l’interaction, puis par ceux concernant l’enfant. Les indicateurs 3:6 participent à l’alliance thérapeutique.

Figure11

 

Comment démontrer l’effet de l'Action psychothérapique ?

Pour s'assurer que ces changements existent, nous posons d'abord le chemin entre l'état initial, à 2 mois, à 6 mois et à 12 mois de l'enfant, en situant les comportements, le fonctionnement et l'ouverture de l'enfant au monde et aux autres comme indicateurs.

Les comportements autistiques sont évalués à partir des mesures des 29 items de l'ECA-r pour l'ensemble de ses 3 dimensions (EG, DR et IM), le fonctionnement (AAR) et l'ouverture (RMA) à partir des mesures de 8 et 12 items du CPQ. Chacune des variables présente bien une évolution propre et associée à celle des autres s'inscrivant dans le processus longitudinal général de changement.

Figure 12. Chemin des changements de la déficience relationnelle et de la modulation émotionnelle T0 à T12.

Figure11

Le changement concernant les comportements a été focalisé à partir de T2 sur la déficience relationnelle (DR) et la modulation émotionnelle (IM) qui sont des problèmes centraux pour les thérapeutes et pour lesquels ils ont développé des approches spécifiques. Deux autres variables sont prises en compte le fonctionnement et l’ouverture au monde de l’enfant.

L'action thérapeutique a été construite à partir de l'approche générale spécifique à l'autisme du thérapeute (ATT), de l'alliance thérapeutique (ALM), de l'approche psychanalytique (PPD) et cognitivo-comportementale (TCC), de la traduction clinique du développement de l'enfant dans l'acquisition de ses aptitudes (ACQ) et éventuellement d'actions spécifiques centrées sur l'émotion et le langage (ACTE et ACTL). La figure ci-dessous ne présente que ceux qui sont restés significatifs après tests. Ces indicateurs sont constitués à partir de mesures issues du CPQ et de l'EPCA pour les aptitudes.

Figure 13. Variables latentes de l'action psychothérapique et leurs indicateurs réflectifs à 2, 6 et 12 mois.

Figure13

 

Modèle général et appliqué de la médiation

La médiation met l’accent sur le chemin de relation directe entre deux variables latentes, ainsi que sur un autre composant théoriquement pertinent qui fournit indirectement une information sur l’effet direct via son effet indirect.

Ainsi, dans le modèle de la médiation, la relation indirecte par le construit "Action Thérapeutique" est théoriquement susceptible d'affecter la relation directe entre "Enfant T0" et "Enfant T2". Le descriptif longitudinal du processus de changement (fig. 12) et celui de la médiation (fig. 14) montrent que la relation directe de "Enfant" entre T0 et T2 est réduite par la médiation "Action Psychothérapique » (elle passe de 0.59 à 0.37).

À T0, l'indicateur du construit "Enfant T0" est relatif aux comportements autistiques mesurés par l'ECA-r. L'indicateur "Comportements Autistiques" étant le seul, il prend la valeur 1. À T2, le construit "Enfant T2" est informé par 4 indicateurs réflectifs : (1) comportements autistiques, en distinguant les dimensions Déficience Relationnelle et Insuffisance de Modulation des émotions (2) Fonctionnements et Santé mentale, distinguant l’état émotionnel et dynamique de l'enfant (AAR : activité, humeur, affect, expression verbale) et son ouverture au monde, aux autres et à soi (RMA : assurance, confiance, sécurité, attention aux autres). La corrélation entre "Enfant 1" et "Enfant 2" mesure l'effet direct (sans médiation) dont l'origine n'est pas identifiée.

La médiation par l'action thérapeutique inclut 2 corrélations, celle entre "Enfant T0" et "Action Thérapeutique" et celle entre "Action Thérapeutique" et "Enfant T2". L'effet indirect est égal au produit de ces 2 corrélations. Les indicateurs de "Action Thérapeutique" ont été présentés ci-dessus.

Figure 14. Première étape (T0-T2) de la médiation de l'état de santé mentale de l'enfant par les médiateurs potentiels activés à partir des objectifs et de la stratégie issus de la formulation de cas initiale.

Figure14

Médiation par l'action psychothérapique du processus de changement

La présentation précédente de la médiation est étendue aux périodes de 2-6 mois et de 6-12 mois et la valeur des indicateurs est précisée (fig. 15).

Les variables latentes de la ligne médiane ("Enfant") sont représentées par les ronds orange. Elles concernent l'état clinique de l’enfant aux quatre temps d'évaluation. Chacune de ces variables latentes est située comme la variable dépendante de celle qui la précède directement et la corrélation qui les associe se fait sur cette base. [Hair p 77]. Le construit "Enfant" à T2 est à la fois variable dépendante pour "Enfant T0" et indépendante pour "Enfant T3", et ainsi de suite.

Les mesures de ces variables sont associées à des indicateurs réflectifs « intitulés » comportements autistiques, fonctionnement, ouverture se rapportant à l'enfant. Le loading de chaque indicateur réflectif correspond à la corrélation qu'il entretient avec la variable latente dont il est une variable dépendante. Par exemple, à T2, la corrélation de la déficience relationnelle (DR) avec le construit "Enfant" est égale à 0,80, alors qu'elle n'est que de 0,10 avec le déficit de modulation des émotions (IM). En revanche, sa corrélation est proche de celle du fonctionnement général de l'enfant (AAR) qui est 0,74. Plus les coefficients sont proches de 0, plus les relations sont faibles. Les valeurs très basses, proches de 0, ne sont généralement pas significatives. La valeur incluse dans chaque rond orange (R2 : coefficient de détermination) représente le niveau de variance expliquée dans le construit. Par exemple, 0,42 signifie que 42% de la variance de E2 est expliquée par E T0 et (E T0 -> AT . AT-> T0-2).

Figure15 : Chemins, coefficients de corrélation et charges des indicateurs des construits.

Figure15

La direction des flèches dans les parties supérieures et inférieures du diagramme traduit la nature réflective des indicateurs. L’orientation de la flèche vers l’indicateur signifie qu'il est une conséquence, une expression de la variable latente (dans le cas contraire, l'indicateur en serait la ou l'une des causes). Les flèches entre les variables latentes traduisent l’influence des unes sur les autres. Par exemple, la santé de l’enfant à 2 mois est influencée à la fois par l'état initial de l’enfant et par l’action que le thérapeute a engagée immédiatement.

Les variables latentes représentées par des ronds bleus concernent l'action thérapeutique. Les mesures associés aux indicateurs décrivent la corrélation de la variable latente (construit) « Action thérapeutique » (AT) avec le niveau de développement de l'enfant (à travers ses aptitudes acquises), l'approche spécifique du thérapeute associée aux troubles autistiques, l'alliance thérapeutique, et le prototype psychodynamique. Ces variables sont également des indicateurs réflectifs car elles sont des mesures descriptives manifestes (externes) du sujet « Enfant », à partir de ses aptitudes acquises, son engagement, sa participation, sa relation avec le thérapeute dans la thérapie, ainsi que du sujet « Thérapeute » à partir de son expérience, de sa référence théorique et des éléments qu’il a observés et appris à partir des premiers entretiens. Ces connaissances permettent au thérapeute d’intervenir à bon escient en relation avec ce que lui transmet l’enfant, avec l’objectif d’une évolution favorable.

Les mesures sur les flèches entre les variables latentes concernent les coefficients de chemin et correspondent aux relations entre construits dans le modèle structurel.

Les évaluations intermédiaires distinguent plusieurs étapes. Concernant les changements manifestes, nous sommes renseignés par la corrélation entre les construits. Le carré de cette corrélation explique le pourcentage de variation expliqué par les construits avec lesquels il est en relation, et indirectement par les composants de chaque construit à partir de la valeur respective des loadings de leurs indicateurs réflectifs. L'action psychothérapique est également renseignée par les indicateurs qui la composent. À l'approche/action du thérapeute, s'est associée celle de l'enfant. Elle apparait nettement dans sa participation à l'alliance qui s'exprime à T6 par son engagement (EP) et sa participation aux activités de la thérapie (PP).

Ce diagramme permet de rechercher les ingrédients majeurs du changement dans le groupe constitué par l'ensemble des 60 enfants. C'est dans ce cadre que la méthode statistique PLS-SEM est utilisée. Un diagramme similaire peut être utilisé également pour représenter l’analyse fonctionnelle d'un enfant, mais les valeurs manifestes qui sont incluses ne permettent qu’une appréciation subjective de la variable latente auxquelles elles sont associées (Virués-Ortega & Haynes 2005).

Mesures éclairant les pistes causales du processus de changement

Cette étape est celle de la mise en relation de l'évolution de l'enfant avec les médiations psychothérapiques susceptibles de l'expliquer.

La figure 12 établit les corrélations de départ pour les indicateurs de changement, c’est-à-dire sans prise en compte de l'effet des médiateurs qui vont être testés. S'ils sont efficaces, les mesures de cette ligne de base doivent se trouver réduites.

Dans la figure 15, la ligne inférieure (en orange) présente les corrélations directes entre les variables latentes décrivant le fonctionnement de l'enfant et leur carré R2 (variance moyenne extraite (AVE)). Ces corrélations subissent l'effet des médiations psychothérapiques car elles se trouvent réduites par rapport à celles établies sans prise en compte des médiations (0.374 vs 0.592 ; 0.596 vs 0.741 ; 0.509 vs 0.672) (figure12). L'effet des médiations peut donc être considéré et calculé. À chaque indicateur réflectif est associée sa charge (loading) qui traduit son degré de corrélation avec le construit.

La ligne supérieure (en bleu) présente les variables latentes décrivant les principales actions thérapeutiques mises en oeuvre. Ces actions sont engagées dès le départ de l'étude à partir de la formulation de cas et sont renouvelées sous une forme ajustée à l'évolution du fonctionnement et des aptitudes de l'enfant. À chaque indicateur réflectif est également associée sa charge (loading). Chaque construit est relié à l'état de l'enfant à partir de, et pendant le temps de sa mise en oeuvre. La corrélation de chaque indicateur avec le construit donne une idée de son degré de proximité avec le construit qu'il contribue à représenter.

Au niveau des calculs, nous nous sommes d'abord assuré que l'effet direct (sans médiation) était significatif. Il l'est aux 3 temps et dans les 3 dimensions (comportements, fonctionnement, ouverture de l’enfant) dont le processus d’évolution est analysé. Il faut maintenant s'assurer que l'effet indirect (E-AT . AT-E) l'est également. Si l'effet indirect est significatif, le médiateur « absorbe » une partie de l'effet direct. La question est de savoir quelle est la quantité que la variable médiateur absorbe. Le rapport effet indirect / effet total (Variance accounted for : VAF) détermine la taille (de 0 à 1 ou de 0% à 100 %) de l'effet indirect en relation à l'effet total (c-à-d, effet direct + effet indirect). Ainsi par exemple, de T0 à T2, la VAF = (E0-AT2 . AT2-E2)/(E0-AT2 . AT2-E2 + E0-E2 ).

Ainsi, nous pouvons déterminer le niveau auquel la variance de la variable dépendante est directement expliquée par la variable indépendante et quelle part de la variance du construit cible est expliquée par la relation indirecte via la variable médiateur. Les 3 scores de la VAF sont supérieurs à 0,20. La médiation de l’action thérapeutique telle qu’elle est décrite par ses indicateurs est donc significative (sans pour autant expliquer l’ensemble de la variance).

Évaluation des résultats des modèles de mesure

Tests de validité avec le groupe de 60 enfants.

Plusieurs tests sont réalisés. La fiabilité composite mesure le degré de fiabilité de la cohérence interne ; elle n’exige pas l’égalité des charges d’indicateurs comme le fait l’alpha de Cronbach. La fiabilité des indicateurs est le carré de la charge externe d’un indicateur normalisé. Elle représente la quantité de variation d’un item qui s’explique par le construit et est appelée variance extraite de l’élément. La validité de contenu est une évaluation subjective mais systématique de la façon dont le contenu du domaine du construit est capturé par ses indicateurs.

Dans ces choix, un aspect ne doit pas être perdu de vue : la relation entre la variable latente et ses indicateurs est une relation de corrélation dont les caractéristiques ne vont pas de soi. Dans la présente étude, trois ordres de facteurs ont été pris en compte dans le choix des indicateurs à conserver ou à supprimer :

Evaluation des résultats du modèle structurel

Les critères essentiels pour évaluer le modèle structurel sont la signification des coefficients de chemin et le niveau des valeurs des coefficients de determination (R2) .

Tableau 36. Évaluation des résultats du modèle structurel PLS-SEM (intervalle de confiance)

Tableau36

Les coefficients de chemin représentent les hypothèses de relations entre construits. Les coefficients proches de 1 représentent des relations fortes qui sont pratiquement toujours significatives. Inversement, celles qui sont proches de 0 sont pratiquement toujours non significatives. Pour interpréter plus précisément les résultats du modèle de chemin, il est nécessaire de tester la significativité de toutes les relations du modèle structurel. Cela peut se faire par l'examen de la valeur empirique t, la valeur de p ou l'intervalle de confiance par bootstrapping. Les tableaux 36 et 37 décrivent les valeurs des intervalles de confiance et de p .

Tableau 29. Évaluation des résultats du modèle structurel PLS-SEM (p)

Tableau37

Les valeurs de p sont toutes égales à 0,00 ou, pourAT 2-6 —> E T6 inférieure à 0,02.

Les coefficients de chemin sont donc significatifs.

Il est également nécessaire de considérer leurs valeurs qui indiquent le niveau de l'association du construit exogène avec le construit endogène. Dans cette étude, les effets indirects issus des construits "action thérapeutique" interviennent en plus des effets directs. Le calcul général en a été présenté ci-dessus. Il montre qu'aux 3 temps du processus, l'impact de la médiation testée est significatif mais partiel (0.33 % ; 0.20 % ; 0.22 %). Cette première analyse sera complétée avec la prise en compte d'une hétérogénéité accessible, celle liée à l’âge.

Structurellement, l’hétérogénéité des cas et de leur profil de développement interviennent, non seulement sur la description de l’enfant, mais également sur les stratégies thérapeutiques mises en place et ajustées individuellement. Par exemple, l’action sera centrée pour les uns sur l’état émotionnel et ses déclencheurs, pour d’autres sur les ruptures de communication et le regard, pour d’autres encore sur le langage, etc.

La particularité du CPQ, de définir pour chacun les éléments les plus caractéristiques aux dépens des valeurs numériques des autres, peut conduire les spécificités à s’annuler mutuellement dans la moyenne.

- Le niveau des valeurs des coefficients de détermination (R2). Ce coefficient est une mesure de valeur prédictive du modèle et est calculé comme la corrélation au carré entre les valeurs réelles et prévues d'une construction endogène spécifique. Le coefficient représente les effets combinés des variables latentes exogènes sur la variable latente endogène. Comme le coefficient est la corrélation au carré des valeurs réelles et prévues, il représente également le montant de la variance dans les constructions endogènes expliquées par l'ensemble des constructions exogènes qui lui sont liées. Il se situe entre 0.17 et 0.60 (moyenne : 0.39).

Comparaison des pistes causales de changement dans les psychothérapies des 3-6 ans et des 7-15 ans

L'hétérogénéité de la population peut intervenir sur les résultats. Une possibilité pour le tester est de comparer les résultats de sous-groupes classiquement ou potentiellement distinctifs (âge, sévérité initiale du trouble, contexte précoce, contexte actuel de la psychothérapie, ...). Mais l'hétérogénéité peut également ne pas être directement observable.

La comparaison des chemins, indicateurs et coefficients de détermination des enfants de 3-6 ans (“groupe 3-6“) et de ceux de 7-15 ans (“groupe 7-15“), avec un nombre équivalent d’enfants participant à chacun des groupes, montre les éléments suivants (figures 16 et 17) :

Figure 16. Pistes causales du processus de changement dans les psychothérapies des 3-6 ans.

Figure16

Figure 17. Pistes causales du processus de changement dans les psychothérapies des 7-15 ans

Figure17

En résumé, la comparaison de ces 2 diagrammes montre que l’impact de l’AT paraît plus important chez les 3-6 ans que chez les 11-15 ans durant les périodes T0 -> T2 et T6 -> T12. C’est l’inverse pour la période T2 -> T6. Les loadings des indicateurs « approche spécifique de l’autisme » et « approche psychodynamique » sont plus importants chez les 3-6 ans que chez les 11-15 ans, avec toutefois un rapprochement des loadings de l’attitude spécifique à T6 -> T12. La variation des loadings d’ouverture de l’enfant est importante chez les 3-6 ans, mais le loading correspondant chez les 11-15 ans est déjà élevé et il le reste.

Cette partie de la thèse montre que le PLS-SEM, méthode statistique de dernière génération, permet de considérer comment l’action psychothérapique peut être abordée comme une médiation spécifique. Cette médiation est constituée d’un ensemble de variables décrivant les relations et la communication entre l’enfant et le thérapeute. Elle explique, pour partie mais objectivement, le processus de changement qui s’est réalisé dans une population d’enfants de 3 à 15 ans souffrant d’autisme.

Ce processus de changement ne se limite pas à la réduction des principaux symptômes et comportements pathologiques. Il prend en compte les gains d’aptitudes et de santé psychique qui s’expriment chez l’enfant dans ses rapports à lui-même, au monde et aux autres.

L’action psychothérapique peut être précisée comme l’effet des activités relationnelles entre l’enfant et le thérapeute, en y intégrant un certain nombre de qualités. Elles concernent à la fois l’enfant et ses aptitudes, le thérapeute et son attitude spécifique, ainsi que les éléments particuliers que l’on retrouve dans l’approche psychodynamique. PLS-SEM a fonctionné avec un échantillon de petite taille (60 psychothérapies). Le modele a été présenté de façon simplifiée, en adaptant la méthode explicitée en détail dans l’ouvrage de Hair et al. et les chapitres de Falissard. Il peut et sera complexifié au fur et à mesure des recherches complémentaires qui sont et seront réalisées. Il est possible avec le format réflectif des indicateurs de préciser les variables actives.

Il est important à ce sujet de signaler que la mise en relation des modèles "cas individuel" et "cas regroupés" fait apparaitre à la fois les continuités et les différences particulières qui se dessinent à partir des deux approches. Le PLS-SEM fonctionne avec un ensemble de corrélations qui éliminent les particularités. À l’inverse, il fait ressortir des composantes générales que l’on peut avoir tendance à sous-évaluer à partir des cas individuels.

 

 

 


 

Compostion des variables indicateurs

Fonctionnement de l’enfant (AAR) - 8 items

Ce facteur est composé de 8 items : (8, 13, 40, 54, 72, 94, 95), dont 40, 56, 94, 95 en negatif.

  • 08. L’enfant est curieux
  • 13. L’enfant est animé ou en éveil
  • 40.R. les communications de l’enfant sont chargées d’affect.
  • 54. L’enfant est clair et organisé dans son expression verbale
  • 56. R. l’affect et l’importance de ses expériences sont apparents, mais bien modulés et équilibrés).
  • 72. L’enfant est actif.
  • 94. R. L’enfant est joyeux ou gai.
  • 95. R le jeu de l’enfant est imaginatif, vif, Il génère de nouvelles idées.

  • Relation au monde et aux autres (RMA) - 12 items

    Ce facteur est composé de 12 items : 7 (*-1), 8, 13, 25 (*-1), 26 (*-1), 44 (*-1), 59 (*-1), 61 (*-1), 63, 73 (*-1), 94 (*-1), 95 (*-1).

    Ils témoignent de la relation à la réalité de l’enfant.

    Un score négatif traduit une relation difficile qui se manifeste chez l’enfant par son degré d’anxiété et de tension, de décalage, de méfiance, d’infériorité, de timidité, de crainte, de tristesse, de manque de spontanéité.

    Un score positif traduit une relation marquée par la détente, la confiance, l’imagination, la curiosité et l’exploration des relations avec les autres.

  • 07 R. L’enfant est calme et détendu.
  • 08 L’enfant est curieux
  • 13 L’enfant est animé ou en éveil
  • 25 R L’enfant finit la séance avec une facilité remarquable.
  • 26 L’enfant est attentif aux interactions sociales).
  • 44 L’enfant est confiant et en sécurité.
  • 59 R. l’enfant exprime un sentiment d’efficacité, de supériorité ou même de triomphe
  • 61 L’enfant est assuré et n’exprime pas de gêne.
  • 63 L’enfant est curieux ou explore les relations qui concernent ses proches
  • 73 R. l’enfant semble calme, courageux, et même à l’aise avec des choses impressionnantes
  • 94 R. L’enfant se sent joyeux et transmet une humeur de bien être
  • 95 R Le jeu de l’enfant est imaginatif, vif et inventif
  • Attitude du thérapeute spécifique à l’autisme (ATT) - 10 items

    Ce facteur est composé de 10 items : (6,9,18,21,28,37,47,77,86,88), dont 9,18,21,37 en négatif.

  • 06. T est sensible aux sentiments de E
  • 09. R. T est implique affectivement
  • 18. R. T ne porte pas de jugement ni transmet un desaccord
  • 21. R. T ne fait pas référence à des choses personnelles
  • 28. T perçoit précisément le processus thérapeutique
  • 37. R. T recourt à des formulations exploratoires
  • 47. Quand l interaction avec E est difficile, T s adapte a E
  • 77. Interaction du T avec E est sensible au niveau du develop.de E
  • 86. T est confiant, assuré.

  • Dernière mise à jour : 31 juillet 2018


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