Caractériser et Comprendre le Processus de Changement d’une Psychothérapie Complexe *

Modélisation des processus, mécanismes et conditions des changements associés à la psychothérapie de 66 enfants et adolescents présentant des troubles du spectre autistique

Jean-Michel Thurin ©

Chapitre 3 : Application méthodologique

3.4. Analyse des résultats. Cas regroupés

3.5.3. Modélisation du processus de changement par équations structurelles (1)

Construction du modèle et premiers résultats

Une seconde génération de méthodes statistiques s’est développée depuis le début des années 1990, dont celle de la modélisation par équations structurelles. Cette méthode permet d’associer plusieurs analyses de régression linéaire et de concevoir des « chemins » ou « pistes causales ». Il est également possible de considérer des variables latentes, variables inobservables mesurées indirectement par des variables indicateurs (Falissard 2005, Falissard 2012, Hair et al. 2014).

La possibilité d’appliquer cette méthode aux données réunies dans le réseau a d’abord été testée à partir de cas isolés. Leur analyse, développée avec R, a montré la grande diversité des situations individuelles et l’ajustement des thérapeutes aux besoins et possibilités de chaque patient. Cet ajustement concernait à la fois l’attitude générale du thérapeute, relative à la façon d’aborder le patient en relation à sa situation clinique et à sa référence théorique, et les actions spécifiques déployées au cours de l’évolution de chaque patient.

Cette dynamique individualisée et interactive pouvait-elle s’inscrire dans la modélisation du processus de changement avec un groupe ? Il fallait envisager qu’une structure commune puisse se retrouver dans la majorité des cas. Cette structure s’est retrouvée effectivement dans l’attitude générale du thérapeute, telle qu’elle se trouvait définie par les items concernant le thérapeute et à un moindre degré l’enfant. Il faut préciser ici que les psychothérapies qui ont été ainsi testées partageaient la même référence théorique (psychanalytique) et qu’elles étaient présentées dans le séminaire consacré aux questions relatives à l’articulation de la pratique et de la recherche (mais les données étaient celles qui avaient été envoyées au moment du recueil des données, plusieurs mois ou années auparavant).

Diagramme 1 : Modélisation du processus psychothérapique à partir d’un cas

Diagramme1

La partie centrale du diagramme présente la piste causale avec une voie directe qui relie la santé de l’enfant à T02 (SANT02) à celle qui est évaluée à T06 (SANT06), et une voie qui intègre la médiation réalisée par l’action thérapeutique à T02 (ACT02), action qui est relayée par celle engagée à T06 (ACT06).

L’application du même modèle de base aux données d’une série de cas et sa discussion avec les cliniciens a également montré : d’une part, l’intérêt d’une formalisation de la psychothérapie par étapes et par configurations d’ingrédients, à partir des variables composant le processus psychothérapique et les indicateurs de changement ; d’autre part, la relation répétée entre certains éléments psychopathologiques caractérisés de l’enfant et la pratique d’attitudes et de stratégies communes par différents thérapeutes. L’ensemble conduisait de façon cohérente, sur ces bases, à une réduction des éléments pathologiques et à l’émergence de fonctionnements de santé chez l’enfant.

Des premiers tests statistiques ont été réalisés avec l’ensemble des cas. Ils ont montré par exemple que les régressions linéaires pour la Déficience Relationnelle de l’enfant (DR) établissent que le médiateur «enfant dans sa thérapie» (AAR) est très significatif à chacune des cotations. L’attitude du thérapeute est également significative dans une moindre mesure à chacune des cotations. L’action du thérapeute (ACT) n’est que faiblement significative à 6 mois de thérapie et intervient sur DR à 12 mois. L’absence de corrélation avec l’insuffisance de modulation des émotion (IM) peut s’expliquer par le fait que ce déficit ne concerne fortement qu’environ un quart des enfants (17/60).

La méthode statistique utilisée est issue du Mooc « Introduction aux statistiques et à R », piloté par B Falissard. dans France Université Numérique (FUN). Le chapitre correspondant est intitulé Régression linéaire multiple. Analyse de variance.

Nous présentons ici, en illustration, le diagramme de la régression linéaire multiple et les feuilles résumées des résultats pour trois exemples de tests.

Figure 10b : Modélisation du processus psychothérapique de 2 à 12 mois à partir de 60 cas

Diagramme2

Ce diagramme met en relation l’état clinique de l’enfant (EC) relatif à la déficience relationnelle (DR) et au déficit de modulation des émotions (IM) à 2, 6 et 12 mois et un choix de médiateurs susceptibles d’intervenir dans l’action thérapeutique : l’attitude générale du thérapeute (ATT), des actions focalisées sur le langage et les affects (ACT) et la disposition psychologique de l’enfant (AAR).

La régression linéaire multiple teste la significativité de l’effet produit par les médiateurs potentiels. Elle conduit dans les exemple ci-dessous à des résumés de résultats où l’on trouve dans la colonne de gauche les identifiants des médiateurs sous forme numérique (1, 2, 3, ...) et dans la colonne de droite l’indication de significativité ou non, sous la forme d’étoile(s) pour les variables explicatives candidates dont le p est ≤ 0,05.

Diagramme 3 : Exemple de modélisation par équation structurelle 1. La variable déficience relationnelle de l’enfant à T02 (DR02) [ , 11] est significativement dépendante de la disposition psychologique de l’enfant (AAR02) (0.03) [ , 1] et de l’attitude du thérapeute (ATT02) (0.02) à T02 [ , 2].

Diagramme3

Diagramme 4. Exemple de modélisation par équation structurelle 2. La variable déficience relationnelle de l’enfant à T06 (DR06) [ , 12] est significativement dépendante de de l’attitude du thérapeute (ATT02) (0.02) à T02 [ , 2] et de la disposition psychologique de l’enfant à T06 (AAR02) (0.001) [ , 4].

Diagramme4

Diagramme6a : La variable déficience relationnelle de l’enfant à T12 (DR12) [ , 13] est très significativement dépendante de la disposition de l’enfant (AAR12) à T12 (0.0005) [ , 7].

Diagramme6a

Le poster 2015_ParisEDJ2Thurin récapitule cette présentation

La section suivante présente une extension dynamique des équations structurelles avec la méthode PLS-SEM qui permet de construire le processus de changement des psychothérapies en incluant les facteurs de médiation qui participentà étape par étape à son déroulement.


Dernière mise à jour : 28 juillet 2018


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