Caractériser et Comprendre le Processus de Changement d’une Psychothérapie Complexe *

Modélisation des processus, mécanismes et conditions des changements associés à la psychothérapie de 66 enfants et adolescents présentant des troubles du spectre autistique

Jean-Michel Thurin ©

Chapitre 3

2. Méthodologie de l'étude

5. Instruments

  • Chronologie des évaluations
  • Figure 03 : Chronologie et Outils des évaluations

    Instruments d'évaluation et chronologie des évaluations

    Les instruments de cette figure sont de différents types. Nous allons les décrire maintenant.

  • La formulation de cas
  • La formulation de cas, issue de 3 premiers entretiens avec la famille et prise de contact avec l’enfant est un complément indispensable à la classification diagnostique catégorielle (CIM - DSM) dès que l’on entre dans les pathologies complexes et hétérogènes. C’est le cas avec les syndromes autistiques. Il s’agit d’établir une définition multi approches des problèmes et un diagnostic psychopathologique du patient qui permettent de formuler sous une forme clinique des objectifs et une stratégie pour les atteindre.

    La formulation de cas présente et organise ainsi cinq axes sous une forme synthétique:

    1. les symptômes et problèmes actuels ; traits de vulnérabilité et circonstances déclenchantes des comportements pathologiques ; éléments favorables ;
    2. les facteurs non dynamiques qui ont pu contribuer au problème de l’enfant (prématurité, séparation précoce...) ;
    3. le niveau de développement de l'enfant, de ses relations interpersonnelles, de son autonomie et de son handicap ; sa capacité de contenir et d’exprimer ses émotions, de se défendre et de s'ajuster ; les hypothèses associées aux problèmes actuels et généraux de l'enfant par le thérapeute ;
    4. le cadre général de la psychothérapie, ses objectifs et
    5. la stratégie de départ du thérapeute pour les atteindre.

    En résumé, elle permet au clinicien et au chercheur d'avoir une première représentation de l'enfant, de ses problèmes et du contexte de son entrée en psychothérapie et d’avoir une ligne de base de la situation psychopathologique.

    La situation contextuelle de l’enfant est abordée à partir de 10 critères (modérateurs) . Ils se définissent par leur présence antérieure au début de la psychothérapie et leur potentialité d’intervenir favorablement ou défavorablement sur les résultats. Le choix de ces éléments a été réalisé à partir de la littérature et des questions actuelles (par exemple, la scolarisation). Certains de ces éléments peuvent constituer des facteurs de vulnérabilité à prendre particulièrement en compte, d’autres sont des éléments favorables au développement de la psychothérapie (notamment, le soutien familial).

    Ce bilan clinique initial est complété par (a) une évaluation des symptômes et comportements autistiques ; (b) une évaluation du développement dans 8 dimensions (EPCA, Haag et al. 2010) et (c) un diagnostic CIM.

  • Le comportement et le développement évalués avec l’ECA-r et l’EPCA
  • L’Échelle des Comportements Autistiques (ECAR, Barthelemy et al. 1997) est un instrument de 29 items qui permet d’évaluer les comportements en général et dans 2 dimensions spécifiques, la déficience relationnelle (13 items) et le déficit de modulation émotionnelle (3 items). Les items sont cotés de 0 à 4, ce qui permet de distinguer nettement la gravité du syndrome autistique par rapport à un fonctionnement normal dans les domaines de la relation, du regard, de l’imitation, de la communication, de l’attention, du partage de l’émotion (l’enfant « ignore les autres », « recherche l’isolement », « n’imite pas les gestes, la voix d’autrui », « ne s’efforce pas de communiquer par la voix et la parole », « attention difficile à fixer, détournée », « ne partage pas l’émotion ») et de suivre l’évolution vers une normalisation de ces fonctionnements. Il décrit par ailleurs des comportements autistiques spécifiques (« troubles de la conduite vis-à-vis des objets, de la poupée », « activités sensori-motrices stéréotypées », « utilise les objets de manière irrésistible et/ou ritualisée ») et des troubles que l’on pourrait qualifier de fonctionnels non spécifiques (« troubles du sommeil », « troubles des conduites alimentaires », « agitation turbulence », « variabilité »). Un score de 27, issu des 13 items définissant la déficience relationnelle, confirme le syndrome autistique.

    L’Échelle d’Évaluation Psychodynamique des Changements dans l’Autisme (EPCA, Haag et al. 1995) permet d’évaluer la pathologie, le développement et les principales acquisitions d’aptitudes qui l’accompagnent. Cet instrument comprend 147 items répartis en 3 catégories : pathologie (47 items), développement acquis (47 items) et expressions développementales transitoires (53 items). Il évalue 8 dimensions:

    Ces dimensions sont décrites suivant une approche « pathologie/santé », certaines manifestations de la dimension s’inscrivant comme des traits pathologiques (par exemple, « regard vers autrui inexistant ») ou comme des traits de fonctionnement normal, de développement et de santé (par exemple, « regard vers autrui existant », « recherche du regard de l’autre pour l’attention conjointe », « regard pétillant, avec une bonne tonalité d’échange »). Un troisième aspect est pris en compte, celui de manifestations qui peuvent sembler pathologiques, mais qui traduisent un processus de développement en cours. Elles sont rangées sous le terme d’émergence développementale transitoire (par exemple, « alternance de jubilation et de crainte dans la rencontre du regard »).

  • Le processus de la psychothérapie évalué à partir du CPQ
  • Le Questionnaire à tri forcé sur le Processus Psychothérapique chez l’Enfant (CPQ, Schneider et Jones (2004) est la version "enfant" du Psychotherapy Process Q-set (PQS) dont la réalisation, après plus de quinze années d’effort, a donné lieu à de nombreuses publications . Le Manuel du CPQ a été traduit en français en 2010 par M. Thurin, JM Thurin et C. Schneider . Le CPQ rend possible l’intégration de l’action thérapeutique qui se déroule dans le processus de la psychothérapie dans l’explication des résultats.

    Ce questionnaire utilise la méthodologie du Q-sort qui sera présentée plus loin. Nous avons vu plus haut sa présentation par C. Schneider et al. (2009) .

    Le CPQ permet de décrire le processus interne de la psychothérapie. La description porte non seulement sur les attitudes et actions thérapeutiques du psychothérapeute, mais également sur les fonctionnements de l’enfant, du thérapeute et de leurs interactions. Cet instrument constitue un langage commun pour décrire et classer le processus de la thérapie à partir de 100 items. Chaque item est conçu pour être observable, éviter les références à une théorie spécifique. Il est destiné à pouvoir être utilisé pour n’importe quelle thérapie tout en incluant des descripteurs spécifiques des ingrédients les plus caractéristiques des principales approches.

    Le CPQ permet de représenter un éventail d’interactions thérapeutiques et notamment de caractériser systématiquement l’interaction thérapeute-patient. Le CPQ utilise la méthodologie du tri forcé qui conduit à retrouver un nombre d’items définis dans chacun des 9 niveaux qui vont du plus caractéristique (+4), au moins caractéristique (?4), en passant par un niveau neutre ou non pertinent (0). Cette méthode permet ainsi de quantifier précisément le caractère plus et ou moins caractéristique de chaque formulation/item par rapport aux autres à chacun des temps de la thérapie définis par le protocole.

    Parmi les 100 items du CPQ, 42 énoncés concernent l’enfant, 42 énoncés concernent le thérapeute et 16 concernent leur interaction.

    Parmi les possibilités ouvertes par le regroupement d’éléments, nous avons distingué des configurations relatives aux éléments concernant l’alliance thérapeutiques et des actions spécifiques ciblées sur l’expression des émotions, le langage, l’interprétation et les comportements. Nous avons également distingué dans 3 regroupements d’items ceux qui concernent plus spécifiquement le fonctionnement psychique de l’enfant. Ils portent sur l’insight, la gestion et l’expression des émotions, et la relation au monde, à soi et aux autres, qui sont également des témoins de l’évolution de la pathologie à la santé psychique. Enfin, l’instrument a été doté par ses auteurs d’une dimension « prototype d’approche » qui regroupe les items spécifiques d’une approche psychodynamique ou cognitivo-comportementale. Elle peut être utilisée pour préciser cette caractéristique dans les psychothérapies étudiées.

    Les données issues des quatre instruments sont qualitatives (description précise de l’enfant et des caractéristiques de la psychothérapie incluant le thérapeute et les interactions qui s’établissent avec lui). Elles sont également quantitatives (mesure de la dimension caractéristique des énoncés ou mixtes (quali/quanti /quanti quali). La formulation de ce second aspect provient de l’ordre dans lequel les données sont analysées et/ou présentées. Par exemple, la formulation de cas est initialement essentiellement qualitative, mais ses éléments peuvent aussi donner lieu à des récapitulatifs quantitatifs utilisables dans les analyses numériques et statistiques. De façon similaire, les mesures issues des indicateurs d’état et de changement prennent une nouvelle dimension lorsque les énoncés qui les sous-tendent sont abordés sous leur forme descriptive. Il en est de même avec l’instrument de processus.


    Dernière mise à jour : 29 juin 2018


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