Caractériser et Comprendre le Processus de Changement d’une Psychothérapie Complexe *

Modélisation des processus, mécanismes et conditions des changements associés à la psychothérapie de 66 enfants et adolescents présentant des troubles du spectre autistique

Jean-Michel Thurin ©

Chapitre 1

Engagée dans les années 1950 à partir de la question de l'efficacité des psychothérapies, la recherche en psychothérapie a situé l'étude du processus interne de la psychothérapie parmi ses thèmes en 1962, dans le premier des trois volumes sur la recherche en psychothérapie de l'APA. Elle se centre alors sur trois dimensions, les variables patients, les variables thérapeute, et leurs relations avec le processus et les résultats en psychothérapie. À partir des années 1980, au cours desquelles l’Evidence-based Medicine (EBM) prend son essor, la recherche empirique en psychothérapie se trouve orientée essentiellement sur l'efficacité globale d'interventions et de thérapies prédéterminées. Néanmoins, des recherches sur les techniques, les actions thérapeutiques, les ingrédients, puis sur les processus de changement en psychothérapie se développent progressivement parallèlement (Stiles, Hill &Elliott 2014). Leur objectif est de mieux saisir les ressorts de l'action thérapeutique et d'améliorer la qualité des soins. Le clivage entre la recherche sur les résultats et la recherche sur le processus se réduit nettement à partir des années 1990. La recherche processus-résultats se développe alors. Elle est accompagnée de nombreuses questions méthodologiques qui seront abordées dans la suite de ce texte ...

1.1. Début des études sur le processus

La tentative de comprendre ce qui peut expliquer l’efficacité d’une psychothérapie n’est pas nouvelle. Dès 1936, Rosenzweig pose déjà la double question provocatrice suivante : « Les facteurs, dont on prétend qu’ils opèrent dans une thérapie donnée, sont-ils bien ceux qui opèrent en réalité ? » et « Les facteurs qui interviennent vraiment dans différentes thérapies n’ont-ils pas plus d’éléments communs que ceux qui sont prétendus être opérants ? ». Il introduit ainsi la distinction entre facteurs communs et facteurs spécifiques qui sera largement développée ensuite. En 1978, Gomes-Schwartz aborde celle des ingrédients du processus qui prédisent le succès d'une thérapie. Son étude montre que la dimension du processus qui prédit le résultat de la thérapie de la façon la plus consistante est l’implication du patient.

Les études portant sur le processus et sa relation avec les résultats sont engagées dans les années 1950 par les travaux de Rogers (1942), réalisés à partir d'enregistrements audio, sur les actes de langage et l'analyse conversationnelle. Elles intègrent d’autres variables à partir des années 1980. Dans un premier temps, les interactions verbales et les techniques utilisées dans des approches sous-tendues par des théories différentes sont étudiées au niveau de séances isolées (micro analyse qualitative). Dans un deuxième temps, c'est l'impact des aptitudes des patients (mindedness), de la qualité de leurs relations d'objet et de leurs styles d'attachement, des caractéristiques des thérapeutes, de leur formation et de l'accordage de leurs personnalités avec celles des patients, et d'ingrédients thérapeutiques spécifiques qui sont étudiés isolément en relation à des approches définies, à partir d'études transversales (Thurin 2004 ; Garfield 1990) .


Dernière mise à jour : 13 septembre 2018


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