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VARIATIONS DE LA TECHNIQUE PSYCHANALYTIQUE CLASSIQUE

R HELD

Publié dans "De la psychanalyse à la médecine psychosomatique (Payot, 1968) et paru dans l'Encyclopédie M. C. (Psychiatrie) 37812 C 10 et C 30. Avec la collaboration du D Jacques FINKELSTEIN.

CONCLUSIONS

C'est à dessein que nous avons clos le chapitre consacré à la classification des variations par cette citation. Elle nous permet
d'insister à nouveau sur l'importance croissante que prend au fur et à mesure des perfectionnements de la théorie, elle-même toujours liée à la pratique, la compréhension, non plus seulement de ce qui « se passe » dans le « psychisme » du patient, mais aussi de ce qui se passe, à chaque instant du déroulement de la cure, dans « celui » du psychanalyste. On sait que le transfert, qui à l'origine fut considéré comme l'obstacle majeur à la bonne marche du traitement, une fois compris et intégré à la technique devint le véritable moteur de la cure. Il en est de même quant au contre-transfert, celui-ci étant considéré non plus seulement comme conditionné par un apprentissage insuffisant ou des résidus névrotiques ayant passé
à travers le filtre de l'analyse didactique, mais comme l'expression, dans la plupart des cas, de la personnalité profonde de l'analyste, « de ce qu'il est » en réalité (NACHT) et qu'il chercherait en vain, si cette réalité était incompatible avec sa fonction, à dissimuler « derrière une attitude cultivée de détachement analytique ».

Si l'on admet comme établi ce qui précède, l'étude des variations de la technique, tout comme celle de la technique elle-même, doit sans cesse nous ramener vers la singularité de cette association qui se fait entre le malade et son médecin analyste sous le signe d'un « contrat » que les deux parties se doivent de respecter consciemment, du point de vue de la plupart des « clauses » qui y sont inscrites, mais que l'un et l'autre peuvent enfreindre ou enfreignent, sous le masque de la résistance et du transfert ou sous celui de la contre-résistance et du contre-transfert. Si le « choix » de la résistance renvoie aux conflits intériorisés du patient, le « choix » de la forme contre-transférentielle qui va gêner le plus le bon déroulement de la cure, renvoie, non aux conflits profonds de l'analyste, en principe suffisamment amenuisés pour ne pas faire obstacle,
mais à sa personnalité la plus authentique. Celle-ci non seulement va commander le recours à une variation, mais le choix même de la variation. Mais, tantôt la technique « classique » n'aura pas suffi du fait du patient (Moi, structure, etc.), tantôt du fait de l'analyste et de ses propres défenses ou décharges pulsionnelles indésirables. Le recours à une variation aura donc été motivé tantôt rationnellement (pour le médecin), tantôt irrationnellement si le seul contre-transfert était en cause. On ne saurait en attendre, dans tous les cas, le même résultat.

On conçoit aussi, dans ces conditions, et nul ne l'a mieux démontré que GLOVER, à l'aide de son fameux questionnaire (GLOVER : Technique de la psychanalyse (2° partie)), qu'un colloque consacré à l'étude des variations, voire un article destiné à couvrir l'ensemble de la question, puissent laisser les participants ou le lecteur insatisfaits. L' « équation personnelle » intervient à chaque instant pour tout gauchir et peut favoriser les mélanges les plus hétérogènes et la pire des confusions.

On n'aura donc pas été surpris, du moins les auteurs peuvent le souhaiter, si la gamme des variations étudiée dans l'historique ne recouvre pas entièrement les mêmes « octaves » que celle ayant
fait l'objet, in fine, d'une tentative rationnelle de classification.

Si maintenant, au lieu de multiplier les rubriques, nous tentons un essai de synthèse, quelques grandes divisions apparaissent assez naturellement dans le groupe disparate des variations :

1° En fonction de l'époque : cure classique première manière, centrée sur l'étude et la découverte de l'inconscient, avec prévalence de l'analyse des rêves, actes manqués, etc., puis acceptation du caractère obligatoire du transfert, ainsi que des effets thérapeutiques liés à sa manipulation ; variations en rapport avec le déplacement de l'accent significatif sur le Moi ; affrontement plus systématique du contre-transfert ; déplacement global de la technique interprétative, corrélatif à l'analyse des résistances avant celle du contenu, etc.

2° En fonction des progrès généraux de la théorie et de la pratique (eux-mêmes se faisant aussi dans le temps) : extension des indications de la psychanalyse, englobant désormais non seulement les « bonnes » névroses dites de transfert (hystérie, phobies, obsessions), mais aussi les névroses de caractère, les cas-limites, les pré-psychoses, enfin, dans un dernier mouvement d'ouverture nosologique, les psychoses elles-mêmes.

3° En fonction de la réévaluation du complexe d'OEdipe, qui, sans perdre réellement de son importance, s'efface quelque peu tant du point de vue de la formation de la personnalité que de l'étiologie des névroses au profit des stades prégénitaux, singulièrement de la relation orale mère-enfant.

Couronnant ces divers mouvements évolutifs de la technique classique, et d'ailleurs leur étant intimement liées, les variations
destinées à « moduler » plus harmonieusement la relation intersubjective, en fonction de la personnalité « profonde » des deux parties engagées dans le « drame » psychanalytique, semblent récemment devoir être prises de plus en plus en considération.

En ce qui concerne l'importance grandissante prise au cours des dernières décennies par la psychologie analytique du Moi,
et qui conditionne la plupart des variations de la technique, on aurait peut-être tendance à attribuer exclusivement à l'apparition de nouvelles formes cliniques de déséquilibre mental la nécessité où se sont trouvés les psychanalystes de remonter, dans leur compréhension des phénomènes et dans leur attaque thérapeutique, de l'inconscient vers la surface, quand bien même et en même temps ce cheminement technique et clinique leur faisait découvrir des aspects du Moi de plus en plus régressifs et immatures.

Sans nier que le milieu culturel, l'évolution socio-économique et l'amenuisement de certains tabous aient pu faciliter l'« émergence » à travers les « formes les plus fréquentes de névroses où un Moi relativement unifié semblait gêné par les symptômes, d'autres formes de névroses où le Moi lui-même se montra impliqué dans le processus pathologique » (FENICHEL), on peut, à ce sujet, faire une hypothèse qui peut contribuer à rendre compte de ce changement radical d'optique.

On sait que beaucoup de patients, qu'ils présentent une névrose « classique » ou même quelque chose de plus, nous disent parfois, cherchant à se déculpabiliser en prenant de la distance par rapport au symptôme « Ce n'est pas moi, c'est mon " inconscient " qui l'a fait ! », tout de même que ledit patient racontera, quelquefois, avec moins de gêne un rêve, qu'il ne nous fera part d'associations libres « en direct ». Il se pourrait que l'analyste des premiers temps de la recherche, prospectant avec prédilection les abysses de l'inconscient, ait eu tendance, pendant de longues années, à scotomiser le fait de voir, en même temps que le Moi du patient, le sien propre impliqué dans tout le processus psychanalytique. Ainsi, désirant rester à distance des défenses et des résistances du patient, dont le siège était dans le Moi, il aurait pu retarder de quelques décennies le moment de se pencher sur ses propres contre-résistances ou réactions contre-transférentielles, retirant, au surplus, de cette subtile stratégie inconsciente un bénéfice secondaire non négligeable : la défense par éloignement des pulsions oro-dévoratrices les plus régressives du patient, ou plutôt de sa propre angoisse, réactionnelle à ces mêmes pulsions et siégeant dans son propre Moi

Imaginons maintenant, avant d'en terminer, le jeune analyste, frais émoulu des séminaires et des contrôles, et qui, aux prises avec l'un de ses premiers patients, sinon le premier, tenterait, afin de s'orienter dans les labyrinthes de la résistance de transfert ou de contre-transfert, d'avoir présents à son esprit, à chaque instant du déroulement des séances, les premiers rudiments de son art et s'essaierait à toujours faire le meilleur choix parmi les innombrables rayons de son esprit où, soigneusement étiquetées et cataloguées, gisent les nuances varicolores de la technique classique ou des variations. Devrait-il se demander, devant chaque obstacle: « Est-ce que ceci est une résistance de caractère ou de transfert ? Ce que je fais là, est-ce du «classique » ou une variation ? Est-ce que je parle ou est-ce que je me tais ? Est-ce que j'interprète ou est-ce que je questionne ? Dois-je maintenant gratifier ou dois-je frustrer ? Rester grave comme un pape ou plaisanter ? Répéter ou me taire ? Agir ou attendre, etc. ? »

Nous répondrons immédiatement par la négative et rappellerons que quel que soit le degré de culture théorique et d'expérience clinique de l'analyste, le moment vient où il doit - tout comme le phénoménologiste, mais à d'autres fins - mettre entre parenthèses tout son savoir et se laisser guider par sa seule intuition. Il est impossible, en analyse comme en physique (l'analogie valant ce qu'elle vaut, c'est-à-dire pas grand'chose comme toutes les analogies !), de connaître à chaque instant la position exacte d'un point et sa vitesse, on veut dire l'allure générale de la cure et le détail de ses variations. Si l'on «met au point e sur ces dernières, la compréhension globale stratégique se fluidifie. Au contraire, si l'on prend de la distance par rapport à la variation, celle-ci se pulvérise !

Ainsi, le psychanalyste « d'aujourd'hui » se veut d'autant plus « souple » dans ses approches et d'autant plus et tout bonnement humain que sa science a davantage progressé. Mais il se souviendra toujours que dans son maniement de la frustration, moment capital de la cure, il se doit de détendre le fil au bon moment pour ne pas tout casser. Si cette sorte de « tyndallisation affective » : frustrer, moins frustrer, frustrer davantage (à savoir « chauffer », « refroidir », etc.) devient finalement la technique la plus dynamique, il faut savoir rester en deçà des limites du point de rupture, même si cela devait se faire par le truchement d'une légère entorse à la « loi »! Mais serait-ce alors vraiment une « entorse »? Si nul n'est
censé ignorer la « loi », le psychanalyste, moins que tout autre, où sont les frontières de celle-ci ? En dernière analyse, « les variations de la cure-type » ne serait-ce pas tout bonnement... la cure-type elle-même (Pierre MALE (Communication personnelle)) ?

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Dernière mise à jour : 13/10/06 info@techniques-psychotherapiques.org