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Éditorial

La formulation de cas (1)

Jean-Michel et Monique Thurin

Le DSM est un outil catégoriel, quantitatif, dont l’objet initial a été de permettre un accord sur les critères définissant les différents troubles mentaux dans le cadre de la recherche épidémiologique. Présenté comme athéorique, il est aujourd'hui largement utilisé en clinique. Mais peut-on réellement avoir une pratique clinique en psychiatrie et en santé mentale sans référence à une ou plutôt plusieurs hypothèses explicatives de ce qui se passe chez le patient qui consulte ?

Cette évolution tout à fait paradoxale d'une psychiatrie qui évoluerait vers la "non pensée" du thérapeute pose question. Comment l'expliquer ? Est-ce un fonctionnement viable ? Une explication pourrait être que le DSM a été, de façon logique, utilisé dans les expérimentations médicamenteuses pour tester l'efficacité de différentes molécules sur différents troubles. L'efficacité de ces molécules dans le traitement des symptômes majeurs de nombreux patients a ainsi peu à peu orienté l'abord thérapeutique en psychiatrie vers le traitement médicamenteux de troubles définis. Par extension, le diagnostic clinique s’est souvent réduit à la recherche d’un groupe de traits et de symptômes correspondant à un diagnostic DSM établi, auquel pourrait répondre un traitement défini. Cette évolution a semblé pouvoir s'appliquer aux traitements psychothérapiques, jusqu'au moment où il s'est avéré qu'elle ne pourrait concerner qu'un nombre très réduit de patients souffrant d'un problème isolé (et encore).

La démarche "médicale", qui relie de façon circulaire la thérapeutique à une cause isolée (et non nécessairement identifiée), ne peut pas être appliquée pour les psychothérapies. En effet, dans ce cadre, les symptômes d'une personne ne peuvent pas être dissociés de son fonctionnement général, de son histoire et des circonstances actuelles dans lesquelles ils s'expriment, en bref de ses particularités. Et parallèlement, l'action thérapeutique ne peut être simplement attribuée à un "principe thérapeutique" qu'incarnerait le praticien et sa technique. La compréhension intellectuelle des problèmes du patient et de leur agencement à laquelle s'associe nécessairement l'autre dimension de la compréhension qui est la possibilité de se représenter les expériences et les vécus de l'autre font partie intrinsèque de l'action thérapeutique. La question de l'origine des troubles est immédiatement posée dans des termes différents de ceux du schéma médical le plus élémentaire où le trouble pourrait être rattaché à un dysfonctionnement unique que le traitement réduirait. Les aspects environnementaux, l'organisation et l’histoire individuelle de la personne, sa vie psychique, sont immédiatement impliqués. Le psychothérapeute est partie prenante de leur compréhension et de leur explicitation. La pertinence de ces éléments, que ne peut ignorer une approche psychothérapique, ne relève pas seulement d'une attitude ou du bon sens. Elle trouve un appui dans les très nombreuses études cliniques, physiologiques et épidémiologiques qui confirment les effets en chaîne de l’histoire précoce, des événements de vie et des circonstances actuelles sur le fonctionnement et les troubles d’une personne, ainsi que les effets des interactions humaines dans son évolution. On ne peut plus parler d'une cause générale de l'expression d'un trouble, mais d'un ensemble de causes pour lesquelles la conception d'actions ajustées et hiérarchisées en fonction des caractéristiques de chaque cas et de ses modalités potentielles de changement sont indispensables. Cet ensemble peut être appréhendé à partir de la formulations de cas.

La formulation de cas correspond globalement à ce que les praticiens rangent sous le terme de diagnostic psychopathologique avec toutefois une différence notable : il est formalisé et recherche d’emblée la possibilité de lier les objectifs thérapeutiques aux causes inférées des troubles (hypothèses cliniques).
La formulation de cas en psychothérapie est une approche dynamique des troubles et des problèmes rencontrés chez une personne. Elle reflète une perspective plus dimensionnelle dans laquelle les problèmes sont appréhendés dans une continuité du normal au pathologique. Elle apporte des éléments complémentaires et significatifs pour le développement des symptômes : les forces et les vulnérabilités de la personne, les facteurs précipitant les exacerbations symptomatiques, l’impact des symptômes sur le développement, leur signification pour le patient, sa famille ou son entourage. Les éléments nosographiques et psychopathologiques y sont introduits dans une démarche active impliquant des inférences sur la causalité des troubles et des problèmes constatés et sur le processus thérapeutique qui peut apporter un changement.
La formulation de cas est une démarche appelée à s’inscrire dans tout diagnostic et donc prise en charge de patient. Elle est un préalable également à la démarche scientifique.

Il apparaît ainsi aujourd'hui de plus en plus nécessaire, de façon générale et particulièrement pour la mise en oeuvre des psychothérapies, de réaliser un second niveau de diagnostic, celui de la formulation de cas.

Nous reviendrons dans les éditoriaux suivant sur des questions plus ciblées et spécifiques sur la formulation de cas et vous sollicitons dès à présent pour une large discussion sur ce sujet.

 

 


Dernière mise à jour : 23/08/08 info@techniques-psychotherapiques.org