Sous l'égide de l'IPA (2000) : Une revue ouverte des études de résultat en psychanalyse

Rapport préparé par le comité recherche de l'IPA à la demande du Président

Translated from the original English language version with permission of the International Psychoanalytical Association. For details of how to purchase the printed, English language edition of An Open Door Review of Outcome Studies in Psychoanalysis please visit the IPA’s website http://www.ipa.org.uk or email: Publications@ipa.org.uk"

Traduit à partir de la version originale en langue anglaise avec l'autorisation de l'Association Internationale de Psychanalyse. Pour obtenir des détails sur les modalités d'achat de l'édition en langue anglaise de "An Open Door Review of Outcome Studies in Psychoanalysis" veuillez visiter le site Internet de l'API http://www.ipa.org.uk ou adresser un email à : Publications@ipa.org.uk

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2ème partie : arrière plan épistémologique et méthodologique

Section A : réflexions sur les problèmes de recherche psychanalytique - le point de vue francophone

[Cette partie, écrite par Roger Perron, a été publiée en français dans le Bulletin de la Société psychanalytique de Paris, n° 50, juillet-Août 1998, p 39-51. On y trouve en plus du texte ci dessous une introduction situant le cadre de cette intervention]

2. Réflexions sur les problèmes de la recherche en psychanalyse
( Rapport à l'intention de la Commission Permanente Recherche de I'IPA, juin 1998)

PRÉAMBULE

Le texte qui suit a été élaboré sur la base d'une assez large consultation auprès d'analystes de langue française membres de l'IPA (Société Psychanalytique de Paris, Association Psychanalytique de France,
Sociétés belge, suisse, canadienne) ; il exprime des positions très largement partagées par les analystes consultés.

Cet accord semble réalisé sur deux points:

(a) On approuve en général le voeu de O. Kernberg de voir I'IPA, et ses sociétés composantes, engager des actions dc recherche de nature à crédibiliserla psychanalyse, en tant que discipline et en tant que pratique, auprès du grand. public, du public cultivé, des scientifiques eux-mêmes (y comp ris ceux qui pratiquent les «sciences dures») .

(b) Cependant, de nombreuses questions sont soulevées sur la délimitation des objets possibles de telles recherches, et sur le choix des méthodes à utiliser. Bien des recherches qui paraissent souhaitables et possibles à certains de nos collègues (notamment aux USA) suscitent de vives objections chez les analystes de langue française, en particulier, celles qui portent sur le matériel et le processus de la cure classique ; il est donc nécessaire de distinguer les travaux de recherche selon leurs objets et
leurs méthodes.

Le texte qui suit n'engage cependant, en tant que tel, que son auteur. On y envisagera deux questions

(a) en tant que préalable nécessaire, la question : qu'entendre par «recherche» en psychanalyse ?

(b) sur cette base, comment peut-on délimiter des objets de recherche, et, pour chacun de ces objets (ou type d'objets), quelles sont les méthodes adéquates?

I. QU'ENTENDRE PAR «RECHERCHE» EN PSYCHANALYSE ?

On peut distinguer en l'espèce deux grands types de recherches : celles ou prévaut l'attitude clinique, et celles qui utilisent des procédures d'ob jectivation et de systématisation formelle.

La recherche clinique

La recherche clinique suit le modèle traditionnel des études de cas en médecine : c'est celui qu'a utilisé Freud pour fonder et développer la psychanalyse, et de l'avis de beaucoup il y reste central.

Définition

Cette démarche de recherche est centrée sur le cas individuel. On s'efforce de comprendre la spécificité du fonctionnement global de l'individu en cause. Ce qui guide alors la démarche, c'est l'effort.de compréhension d'une structure fonctionnelle saisie en rant que telle. Il faut rappeler que pour Freud, et pour la plupart des psychanalystes à sa suite, on comprend mieux le fonctionnement d'une structure en restituant par hypothèse les étapes successives de sa mise en place. Tout cas est saisi à la fois dans sa structure et dans son histoire : point de vue structural et point de vue développemental sont inséparables.

Il est évident qu'on ne peut se limiter à l'étude d'un seul cas individuel; il est nécessaire de comparer plusieurs cas analogues;en recherchant les similitudes et les différences (remarque : il s'agit ici, dans le cas de la recherche clinique, d'un établissement des similitudes et des différences qui constitue une procédure fondamentale de toute démarche de recherche, y compris dans les techniques expérimentales des sciences exactes). On constitue ainsi une "famille de cas", au sein de laquelle on énonce des variantes. On en abstrait alors un modèle fonctionnel, lui même alors structural et développemental. C'est ainsi que, sur la base d'une longue expérience clinique et d'une longue réflexion, Freud a procédé en illustrant et précisant son modèle de la névrose obsessionnelle avec l'Homme aux Rats, celui de la paranoïa avec Schreber, etc.La psychanalyse, à sa suite, a procédé ainsi pour proposer de nouveaux modèles, et nous n'avons aucune raison d'abandonnc cette procédure.

Les objectifs de la recherche clinique

Les objectifs de la recherche clinique sont de trois ordres :

(a) préciser des syndromes, des psychopathologies, etc. On peut en citer de nombreux exemples, tel le tableau de l'autisme infantile proposé par Kanner, et ses développements avec M. Mahler, D. Meltzer, etc. Il faut cependant distinguer clairement le travail de délimitation d'un syndrome, et la description de son tableau symptomatique (qui ressort de la psychiatrie, ou de la psycho-pathologie), de l'étude du modèle fonctionnel appliqué à la compréhension de ce syndrome, lorsqu'y sont utiliés les moyens théorico-pratiques de la psychanalyse (par exemple distinguer te tableau descriptif dc l'autisme infantile du modèle du démantèlement suggéré par Meltzer pour rendre compte de ces états). Au delà est posée la question : peut-on accepter l'idée d'une nosographie
psychanalytique sans contredire à l'essence même de la inétapsychologie ?

(b) formuler des constructions théoriques. C'est bien de cette démarche clinique qu'ont été jusqu'ici issus tous les grands modèles théoriques proposés aprè Freud : et c'est sur la base de la clinique que se sont développées les controverses suscitées par ces modèles (par exemple les controverses britanniques opposant les partisans de M. Klein et ceux de A. Freud)

(c) fournir des bases de recherche à l'approche thérapeutique. La recherche clinique forunir également la base des approches thérapeutiques psychanalytiques, avec leurs divergences considérables - telles que celles qui existent entre les techniques des kleiniens (Klein, Heimann, Issacs, & Riviere, 1946), lacaniens(1964), tenants de l'ego-psychology(Greenson, 1967), kohutiens (1977), etc.

Avantages et inconvénients de l'approche clinique en recherche psychanalytique

Freud a fait la preuve de sa valeur ! Mais quelle est sa force de conviction ?

On s'accorde en general à reconnaître que la valeur d'un modèle ainsi élaboré se mesure à son utilité, lorsqu'elle est reconnue par une large communauté…

Cependant quelle doit être la popularité d'un modèle pour qu'il soit admis comme valable ? Aucun critère précis ne peut évidemment alors être énoncé. Parmi les propositions de Freud lui-même, ce degré d'accord varieconsidérablement :ainsi en ce qui concerne la seconde théorie des pulsions, voire la notion même de pulsion. Après lui, les modèles kleinien, hartmannien, lacanien, bionien, kohutien, etc., sont loin de faire l'unanimité parmi les psychanalystes. Dès lors comment définir la li!mite au delà de laquelle un modèle est tenu pour non valable par la communauté des psychanalystes, et éventuellement exclut son auteur de cette communauté ? Adler et Jung ont été rejetés, Melanie Klein a failli l'être, Bowiby est tenu pour marginal, etc.: l'histoire se fait en général au niveau politique bien plus que sur des critères "scientifiques" dont nous ne disposons pas. C'est donc tout le problème de l'unité de la psychanalyse, et des "schismes" qui se trouve par là posé, faute de critères nets qui puissent emporter la conviction, au sein même de la psychanalyse, quant aux résultats d'une recherche clinique.

La situation, est sans doute pire s'il s'agit d'emporter la conviction de non-psychanalystes. On rencontre très généralement l'objection selon laquelle, par cette démarche dinique, nous produisons et construisons théoriquement des faits ad hoc selon une théorie préconçue ; l'expérience montre qu'il est à peu près impossible de convaincre le sceptique en invoquant l'experience, le cadre théorique general, l'autorité de Freud, etc. Se consoler en taxant l'attitude de l'interlocuteur de «résistance à la psychanalyse» n'a en général pour résultat que de surcharger son scepticisme d'ironie, et de le conduire à considérer l'analyste comme un croyant ou un sectateur ... Il est donc tentant de se tourner versdes démarches de preuve qui puissent fournir de meilleurs arguments

L'utilisation de méthodes d'objectivation et de systématlsation

On se tourne alors vers des procédures de preuve dont l'utilité est reconnue dans d'autres disciplines. On peut ici penser aux démarches de l'historien, du préhistorien, du sociologue, etc., mais ces -références sont assez rarement évoquées.

Les modèles scientifiques

Deux disciplines sont en général invoquées :

(a) la biologie. Le cadre conceptuel de la biologie ne tend pas à être utilisé dans le contexte de ses approches modernes, elles-mêmes inspirées de la physico-chimie (en biologie moléculaire, dans les recherches génétiques, etc.), mais plutôt dans la voie ouverte par Claude Bernard (celle de l'analyse fonctionnelle). C'était le modèle central pour Freud, et c'est celui qui reste au coeur de la recherche clinique.

C'est dans cette voie qu'on a pu tenter, par exemple, de rapprocher: les modèles théoriques et de recherche de l'immunologiste etdu psychanalyste, à partir de la notion de «défense ». Le problème est alors cependant de dépasser le niveau de la simple analogie, qui ne prouve rien, ou de la métaphore, qui n'est qu'illustrative. Dans cette voie c'est en fait le statut de la notion même de «modèle» qui doit être précisé.

(b) les «sciences dures», c'est à dire en fait la physique; ou la physico-chimie. Il est clair que de nombreux psychanalystes sont attirés par ce modèle, fort de ses réussites théoriques, de son. efficàciié technique, de son prestige auprès du public et des politiques… et même riche des crédits engagés ! Une certaine fascination les pousse parfois à déclarer,que "la psychanalyse est une science" en la désignant comme «science» par
référence à ce modèle ; ceci par ce qui ressemble fort à une formation réactionnelle à l'encontre même des doutes éprouvés à cet égard. (Trop souvent de plus ce modèle de la science reste celui qui prévalait pour la physique pré-quantique, et ignore les profondes transformations modernes des modes de pensée dans ce domaine, en ce qui concerne la causalité, le statut du temps et de l'espace, la définition du réel, etc.

Peut-être la psychanalyse est-elle. une science, mais la question est : quel genre de science ? Le problème se pose au triple niveau de l'épistémologie, de la construction des théories, et des techniques de recueil et de traitement des faits en articulation avec ces théories.

Les critères de scientificité .

En référence au modèle des "sciences.dures", plusieurs critères de scientificité sont en général invoqués, en particulier :

(a) les procédures de constitution des faits : un fait doit être constatable sans ambiguïté par tout observateur qualifié (ceci pose dans le problème des critères de qualification de l'observateur)

(b) la quantification : les données doivent être quantifiables comme base d'un traitement logico-mathématique

(c) la répétabilité de l'observation : il devrait être possible de répéter toute observation dans des conditions identiques et d'identifier le même phénomène

(d) la prévisibilité : une bonne théorie doit permettre de prévoir l'apparition des phénomènes dont elle rend compte

(e) la "falsifiabilité" : critère fort à la mode depuis qu'il a été mis en avant par Popper (une théorie, pour être scientifique, doit pouvoir-être soumise à une procédure démontrant qu'elle est fausse)

(f) l'ambiguité de la terminologie : dans la construction théorique, l'usage de termes univoques et leur utilisation par des relations sans ambiguïté

Nous pourrions allonger la liste de tels critères. Dans le champ même des sciences exactes, on peut discuter de la pertinence de ces critères. Ainsi, certaines disciplines sont acceptées comme scientifiques sans que la quantification y soit instrumentale et sans que l'expériencen soit stricto sensu répétable, par exemple la paléontologie ; la théorie de Newton n'est pas «falsifiable», etc. Il est de plus évident qu'à un certain niveau de généralité une théorie n'est pas «prouvable», elle peut seulement être acceptée ou non comme organisatrice d'un vaste ensemble de faits : ainsi des théories post-darwiniennes de l'évolution.

Dans.le champ des recherches conduites par des psychanalystes; l'appliccabilité:dc ces critères varie beaucoup selon leurs objets tels que distingués ci-dessous (en II). Il faut souligner ici que les psychanalystes de langue française semblent très généralement s'accorder sur le fait que ces critères sont inapplicables au matériel et au processus de la cure classique (divan-fauteuil) : toute procédure qui tente de les y introduire a pour résultat de «tuer» son objet même; Ceci se justifie de considérations d'ordre épistémologique.

Remarques sur l'épistémologie de la psychanalyse

Toute démarche scientifique produit et organise des faits à l'intersectionde théories et de techniques ; que ce soit nécessaire et difficile est bien mis en évidence dans le champ de la physique contemporaine, par les relations entre physique mathématique et physique expérimentale. Qu'en est-il dans le champ de la psychanalyse?

Fait psychanalytique versus événement historique

La psychanalyse, par définition, porte sur des faits psychiques, et plus précisément sur ce que l'on peut désigner comme comme des faits psychanalytiques, c'est à dire des observables construits à l'intersection des théories et des techniques psychanalytiques. . ''.

Il importe de bien distinguer le fait psychanalytique, ainsi défini, de l'événement. Par exemple, si l'analyste est conduit à poser l'hypothèse d'un traumatisme psychique chez son patient, ce traumatisme psychique est évidemment tout autre chose que l'événement de l'enfance allégué par le patient, voire accepté comme « réel » par l'analyste, et supposé originaire de cette organisation traumatique du fonctionnement psychique :

Comme cela a été souligné dans ce qui précède, les faits psychanalytiques sont organisés, dans le cas individuel, dans la double dimension de leur structure et de leur histoire. Mais on s'accorde généralement à penser que cette histoire n'est pas l'histoire événementielle « réelle» du patient (telle qu'elle aurait pu être écrite au fur et à mesure par un observateur neutre, à supposer qu'un tel observateur existe) : c'est une histoire remodelée par les effets d'après coup, et de plus "recomposée" au fil de la cure par le travail même de l'analyse. A cet égard, les réflexions suscitées par Serge Viderman ont eu une grande influence sur la psychanalyse de langue française.

Coïncidence de la méthode et du sujet de l'observation

La démarche psychanalytique présente une caracteristique sans analogue en aucune autre discipline : le sujet et la méthode de l'étude sont identiques, en ce sens que l'appareil psychique est connu par les moyens de l'appareil psychique. Bien entendu, il s'agit cependant d'une démarche «objective» dans la mesure où est maintenue la distinction entre appareil psychique du patient et appareil psychique de' l'analyste. On sait cependant que cette distinction ne saurait être trop radicale, sous peine de devenir aveugle à tous les problèmes des réponses du transfert et du contre-transfert ; et c'est bien pour éviter un tel clivage que l'analyse personnelle de l'analyste est une condition préalable à toute pratique analytique.

Il est sans doute souhaitable que la pensée psychanalytique, comme toute autre, utilise des termes sans ambiguïté. Il est notoire qu'elle n'y parvient souvent que difficilement. Ceci est lié à son objet même, puisqu'elle porte sur des phénomènes et des processus caractérisés par la multiplicité du sens : à vouloir les dépouiller de cette multiplicité, elle se renierait elle-même.

Il résulte de ces considérations que, plus qu'en toute autre discipline, c'est la théorie qui prime dans la constitution et la construction des faits psychanalytiques : c'est bien ce qui rend ses constructions si vulnérables à la critique du sceptique non psychanalyste.

Preuve versus utilité

On peut enfin observer, en ce qui concerne la métapsychologie considérée dans son ensemble, qu'il s'agit d'une théorie générale du fonctionnement psychique. Or une théorie générale, embrassant un vaste ensemble phénoménal, ne peut être soumise aux démarches de la preuve, on la juge ou non utile pour articuler un ensemble de faits connus, et pour intégrer des faits nouveaux (mais ces faits sont en général suscités par la théorie elle-même, d'où risque de circularité). Ainsi, les théories post-darwiniennes de l'évolution sont improuvables, mais jugées indispensables par un grand nombre de bons esprits.

La métapsychologie présente des qualités similaires, non seulement en tant que théorie générale, mais aussi pour certains de ses aspects majeurs. Ainsi en ce qui concerne la psychogenèse : on peut en effet alors poser que :
- ou bien qu'on décrit les étapes «réelles», telles qu'elles seraient repérables par l'observation directe» du bébé, des relations mère-enfant, etc.
- ou bien qu'il s'agit d'un «enfant virtuel», d'un modèle utile pour rendre compte de la structure achevée, mais, sans qu'on doive affirmer qu'il s'agit de "l'enfant réel". Dans ce second cas, on se contente de poser qu'il s'agit d'un modèle utile, c'est à dire organisateur (la question a été posée en termes particulièrement vigoureux par André Green contestant entre autres les positions de D. Stern).

Identification des objets de recherche et définition des méthodes

Au regard des principes posés dans ce qui précède, la question du choix des objets et des méthodes de recherche peut être réexaminée dans différents cas de figure.

Traitement psychanalytique et psychothérapique

Le premier type est celui de la cure psychanalytique, dans sa forme « classique» (définie ici, au plus simple, par le dispositif divan-fauteuil). L'accord semble largement réalisé par les psychanalytes de langue française pour considérer que seule est utilisable la démarche clinique, et que tout essai de soumettre le matériel des séances aux critères de scientificité des «sciences dures», et de le traiter par des techniques qui en découlent, revient à tuer l'objet même de la recherche et ne saurait faire preuve aux yeux des sceptiques. On exclut dès lors les enregistrement (audio et/ou vidéo), non seulement pour des raisons déontologiques (respect du secret), mais aussi parce qu'un telle situation, même avec l'accord explicite du patient, modifie profondément le jeu du transfert et du contre-transfert. On peut certes songer à utiliser des notes prises par l'analyste lui-même, et traiter ensuite ce matériel par telle ou telle "grille" de notation ouvrant la possibilité de traitements quantitatifs (selon des démarches largement utilisées en psychologie clinique). Cependant, les objections, sont nombreuses : contre le caractère parcellisant d'une telle démarche, aucun traitement statistique ultérieur, même sophistiqué, ne pouvant restituer l'unité ainsi brisée ; contre le recours à des "juges", dont l'objectivité risque de n'être qu'apparente, etc.

Les mêmes objections sont avancées dans le cas des psychothérapies psychanalytiques (dans le dispositif du face à face). Elles sont cependant plus nuancées considérant que le recours à de telles démarches est plus ou moins envisageable selon les types de cas et les modes de conduite de
la cure.

Pratique des psychanalystes dans d'autres cadre

Il faut en distinguer des travaux de recherche sur l'intervention du psychanalyste dans d'autres démarches thérapeutiques. On peut citer :

(a) Des démarches où la position psychanalytique est prévalente telles que le psychodrame analytique et les dynamiques de groupe, les thérapies corporelles, en association ou non avec des techniques de relaxation, les thérapies conjointes mère-bébé, et les thérapies familiales

(b) Des démarches inscrites dans un autre cadre professionnel, mais où le praticien utilise son expérience psychanalytique; On peut citer : la cure institutionnelle, le travail du psychiatre (diagnostic et prise en charge psychiatrique, - y compris médicamenteuse) ou du psychologue (examen psychologique, tests projectifs, entretiens, etc.). Ceci correspond à la position de nombreux professionnels qui ont fait une bonne analyse mais n'ont pas souhaité devenir candidats.
- toutes les démarches de «psychanalyse appliquée» (à la:critique littéraire, artistique, historique, etc.).

Recherche en institutions

Il est nécessaire de considérer séparément les activités de recherche se situant dans et portant sur le fonctionnement d'institutions. Dans le cas d'institutions thérapeutique, éducatives, etc., on peut alors proposer diverses études qui impliquent :

(a) l'analyse des caractéristiques de la population prise:et:charge (contexte géographique et socio-écononiique structure des familles, etc.)

(b) l'analyse des éléments de la demande, du diagnostic d'entrée et des indications de prise en charge

(c) l'étude comparative des moyens de ce diagnostic en comparant les grilles proposées par le DSMIV et par la classification française des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent élaboiée sous la direction de S Lebovici, R Misès et N Quemada et qui tient compte de l'approche psychanalytique de ces troubles)

(d) en fonction de leurs indications, l'étude comparative des techniques thérapeutiques et éducatives effectivement utilisées

(e) les études du déroulement de ces traitements et l'évaluation de leur résultat : c'est la question de "l'efficacité", et il s'agit alors des travaux souhaités juste titre par Otto Kernberg. On peut remarquer que, bien conduite, une telle étude suppose son articulation avec les précédentes.

Les problèmes spécifiques des études d'efficacité

Les difficultés sont relatives aux moyens d'une telle évaluation d'efficacité. Elles concernent :

(a) les critères de changement. Une évaluation portant uniquement surla réduction des symptômes ne saurait suffire : on sait, bien que les symptômes sont erratiques, que celui qui disparaît peut être remplacé par un autre, que certains symptômes sont utiles en tant que contribuant à des défenses qu'il serait dangereux de détruire imprudemment, etc.

(b) la traduction technique de ces critères pour conduire l'évaluation :
grilles standard, type DSMIV, grilles construites ad hoc dans le cas d'une recherche particulière, evaluation clinique, etc.?

(c) Ie choix du ou des. «juges» utilisant ces moyens : l'analyste lui-même, un collègue analyste, un non-analyste, le. patient lui-même?
Aucune de ces possibilités ne peut être écartée a priori. Il est clair cependant que se pose dans tous les cas la question de l'objectivité des jugements ainsi formulés ; cette question ne peut être résolue de façon vraiment. satisfaisante par le recours à plusieurs juges et le calcul de leur degré d'accord, puisqu'un bon accord peut résulter d'un biais commun.

(d) des aspects importants du changement ne peuvent guère être évalués par de tels moyens (la réduction du mal être, la transformation de la "misère psychique" en "malheur banal", etc.),

(e) enfin, il faut prendre en compte les cas - assez nombreux - où le traitement se termine sans amélioration notable, mais où l'on peut penser à bon droit que la situation eût empiré sans ce traitement (cas des patients à qui l'on évite ainsi la dérive vers une prise en charge psychiatrique lourde).?..

Recherche impliquant l'institution psychanalytique

(a) Les études de.recherche historique : histoire de la psychanalyse, de ses acteurs, du développement des notions et des théories, etc. L'analyse de la genèse du.dveloppement des conflits qui émaillent cette histoire est particulièrement importante : qu'est-ce qui confère à ces, conflits leur spécificité du fait de la formation des analystes, du mode de transmission, de l'exercicede la pratique analytique elle-même ?

(b) Les études portant sur le fonctionnement de nos institutions. De telles études concernent la ';création de nouveaux groupes de travail à I'IPA elle-même, en passant par les Sociétés composantes : si, elle s'avérait possible, une analyse objective des dynamiques de groupe y serait particulièrement utile (ceci en collaboration avec des spécialistes compétents(sociologues, ethnologues)).

CONCLUSIONS

La délimitation des objets de recherche et le choix des méthodes est à opérer sur la base des considérations avancées en I, mais de façon très différente selon les cas de figure distingués en II.

Ce devrait être un objectif majeur de la Commission Permanente sur la recherche instituée par l'IPA que de travailler à cette double délimitation ; il serait très souhaitable qu'elle favorise, au niveau des régions et des sociétés elles-mêmes, l'institution de Commissions Recherche qui lui fourniraient la matière de ce travail.



Dernière mise à jour : 19/03/04
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