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Espace Cliniciens

Arrêt sur image n° 4 - découverte des références bibliographiques du chapitre 11 (2).
Réanalyse des résultats d'une méta-analyse en considérant les "thérapies" impliquées pour la comparaison (étaient-ce de véritables thérapies ?)

Dr Jean-Michel Thurin. Psychiatre-psychanalyste
Expert chargé des psychothérapies psychodynamiques pour le rapport de l'Inserm
Tel : 01 48 04 77 70 – mail : jmthurin@techniques-psychotherapiques.org


Parmi les 94 articles qui composent la bibliographie du chapitre 11 et qui m'ont été adressés le 20 mars 2004 par le service de l'expertise collective de l'Inserm, nous aborderons une nouvelle méta-analyse après celles de Shapiro et de Shadish abordées dans l'arrêt sur image précédent.

Celle de Wampold et coll (2002) mérite que l'on s'y arrête particulièrement car il s'agit de la "ré analyse d’une méta analyse des effets de la thérapie cognitives versus « autres thérapies » pour la dépression"
WAMPOLD B E, MINAMI T, BASKIN T W, TIERNEY S C. A meta-(re)analysis of the effects of cognitive therapy versus “other” therapies for depression. J. Affect. Disorders., 2002 Vol 68, p : 159-165

La thérapie cognitive (TC) de la dépression s’est avérée efficace pour le traitement de la dépression. Comparée avec les autres thérapies, elle s’est révélée être approximativement égale aux thérapies comportementales, mais souvent supérieure aux « autres thérapies ». La méta-analyse comparative de Gloagen et Cottraux (1998) conduit Wampold et coll., qui ont publié en 1997 deux articles sur les résultats des méta-analyses sur les psychothérapies, à se poser la question suivante : que recouvrent exactement les « autres thérapies » qui sont comparées aux TC dans la méta-analyse de Gloaguen et Cottraux (1998)  ?

Les résultats de la méta-analyse de Gloaguen et Cottraux ne coïncident en effet pas avec ceux de méta-analyses précédentes (Wampold et col. (1997b). Celles-ci ont montré que les traitements sérieux ("bona fide") étaient uniformément efficaces. Comment expliquer cette différence ? Wampold et coll. ont d’abord remarqué que les résultats comparatifs de la thérapie cognitives vis à vis des autres thérapies étaient hétérogène. Cette hétérogénéité des résultats dans la méta-analyse de Gloaguen et Cottraux pourrait-elle avoir pour origine l’agrégation dans la catégorie des « autres thérapies » de thérapies sérieuses avec d’autres qui ne seraient pas destinées à être thérapeutiques ? Toute thérapie qui ne contient pas des composants basés des principes psychologiques légitimes est essentiellement un placebo (Grünbaum, 1981). La place de certains des "autres traitements" ne serait-elle pas de servir de contrôle plutôt que de traitement « sérieux » comparatif pour le trouble ?

Ces questions conduisent inévitablement à définir ce qu'est une thérapie sérieuse (« bona fide »). Wampold et col (1997, 1997b) les ont définies précédemment suivant trois critères :

(1) le thérapeute est formé pour pratiquer la thérapie et est porteur d’au moins un degré de maîtrise ou est inscrit dans un programme gradué dans un champ concerné (psychologie clinique, psychologie de conseil, travail social).

(2) Le thérapeute développe une relation basée sur des rencontres en face-à-face avec le patient et le traitement est individualisé pour le patient (c’est à dire, n’ implique pas un protocole standard délivré de façon rigide à chaque patient)

(3) le traitement contient des composant psychologiques valides, comme en témoignent deux au moins des quatre conditions suivantes :
(a) une référence est faite à une école établie ou à une approche de psychothérapie ;
(b) la thérapie décrite dans l’article et la description contient une référence à un processus psychologique (par exemple, le conditionnement opérant ) ;
(c) il existe un manuel de traitement et celui-ci est utilisé pour guider la mise en œuvre du traitement ;
(d) les ingrédients actifs du traitement sont identifiés et des références sont fournies pour ces ingrédients.

C'est à partir de ces bases qu'est entreprise la ré-analyse.
Une des études de la précédente méta-analyse n’a pas été retenue car « l’autre thérapie » était la bibliothérapie qui n’implique pas de relation patient/ thérapeute. Il est ainsi resté 21 « autres thérapies » parmi lesquelles 10 ont été classée comme « sérieuses » et 11 « non sérieuses » suivant les critères précédents.
En distinguant ces deux catégories de thérapies, les résultats devenaient homogènes, à l’exception d’une des études qui a été éliminée car elle présentait de nombreux biais.

Cette distinction conduit à un autre résultat que celui de la méta-analyse de Gloaguen et Cottraux. Lorsque les thérapies cognitives sont comparées à des thérapies sérieuses qui n’ont pas de composants cognitifs ou comportementaux, les résultats suggèrent qu’il est difficile de conclure que les TC sont supérieures aux autres thérapies. Bien que cela ne fournisse pas directement de preuve contre la spécificité des thérapies cognitives comme cela avait été annoncé dans la conclusion de Gloaguen et Cottraux (1998), cela suggère que les composants cognitifs spécifiques des TC peuvent ne pas être nécessaires pour traiter la dépression de façon psychologique.
Par ailleurs, comme prévu, la TC reste supérieure aux traitements psychologiques conçus pour servir de contrôles (c’est à dire les traitements non sérieux). La différence est pratiquement identique à celle de la différence traitement/placebo déterminée par différentes méta-analyses (cf Lambert et Bergin, 1994).

Les auteurs soulignent également que tant la méta-analyse initiale que la ré analyse n’ont reposé que sur la BDI (Beck Depression Inventory) comme instrument de mesure de résultat. Or cet instrument favorise la thérapie cognitive car il accentue les aspects cognitifs de la dépression. D’autres aspects de la dépression qui ne sont pas évalués par la BDI, mais qui sont cliniquement importants, n’ont pas été examinés dans cette analyse. Quelles seraient, si c'était le cas, les résultats de la comparaison entre psychothérapies ?


Comment cette ré-analyse de Wampold et coll. apparaît-elle dans le chapitre XI de l’expertise1 ?

Sous la forme d’une absence : elle n’est pas mentionnée. En revanche, avec une note méthodologique de 6/7, celle de Gloaguen et Cottraux (1998) est bien présente. Elle conclut que la TCC obtient une amélioration meilleure que pour des patients recevant d’autres thérapies (taille d’effet = -0,24) …

L'article de Wampold est présenté dans l'EBMH (Evidence-Based Mental Health) 2003 ;6:25

Référence bibliographiques

GRÜNBAUM A. The placebo concept. Behav Res. Ther. 1981, 19, 157-167

GLOAGUEN V., COTTRAUX J., CUCHERAT M. BLACKBURN I.M.. A meta-analysis of the effects of cognitive therapy in depressed patients. J. Affect. Disord.,1998 Vol 49, p : 59-72

LAMBERT MJ, BERGIN AE, 1994. Yhe effectiveness of psychotherapy. In: BERGIN AE, GARFIELD SL (Eds), Handbook of psychotherapy and behavior change. Wiley, New-York, pp 143-189.

WAMPOLD B E. Methodological problems in identifying efficacious psychotherapies. Psychother. Res.1997b, 7, 21-43

WAMPOLD B.E. MONDIN GW, MOODY M, AHN H. 1997b. A meta-analysis of outcome studies comparing bona fide psychotherapies : empirically, « All must have prizes ». Psychol. Bull. 122, 203-215

 

2. Expertise collective Inserm Psychothérapie, p 381-427


Dernière mise à jour : 29/07/08
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