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Espace Cliniciens

Découverte des références bibliographiques du chapitre 11 (1)

Dr Jean-Michel Thurin. Psychiatre -psychanalyste
Expert chargé des psychothérapies psychodynamiques pour le rapport
Tel : 01 48 04 77 70 – mail : jmthurin@techniques-psychotherapiques.org


Ça y est. Je viens de recevoir (20 mars 2004) les 94 articles qui composent la bibliographie du chapitre 11. Tout du moins ceux cités en possession du service de l'expertise collective de l'Inserm.

Un premier parcours des bases et conclusions principales des auteurs des 25 premiers articles fait apparaître dès à présent trois points : 1) beaucoup d'études "comparatives" ne concernent de fait que les TCC (10/25) - 2) celles qui comparent les TCC et les psychothérapies psychodynamiques (5/25), ne montrent pas ou très peu de différence de résultats entre les méthodes. - 3) les auteurs des différents articles recommandent de façon permanente un abord plus précis que celui des comparaisons "globales" et font de nombreuses recommandations sur ce que peut être une étude comparative intéressante. Comment se fait-il que cet avis (qui revient en permanence depuis une quinzaine d'années) n'ait pas été pris en compte pour cet expertise ?

On peut souligner les éléments de quelques conclusions :

Celles de la méta-analyse d'études comparatives de Shapiro et Shapiro (1982)
(1) l'impact moyen des traitements psychologiques dans la recherche récente approche une déviation standard de 1.
(2) les différences modestes sont largement indépendantes d'autres facteurs influençant le résultat.
(3) la recherche contemporaine de résultat n'est pas représentative de la pratique clinique.

Celles de la méta-analyse de Shadish et col. (2000) sur les effets des thérapies psychologiques dans des conditions cliniques représentatives :
1) les thérapies psychologiques sont efficaces de façon robuste dans des conditions qui vont de l'orientation recherche à la clinique ;
2) les résultats antérieurs suivant lesquels la représentativité clinique conduit à une taille d'effet plus faible sont probablement un artefact d'autres variables confondues, en particulier le biais d'auto-sélection dans le traitement dans de nombreuses études quasi-expérimentales qui arrivent à être cliniquement représentatives ;
3) une dose accrue de thérapie est associée à un meilleur résultat, bien qu'il semble probable que le niveau de bénéfice puisse plafonner à un certain point ;
4) les études tendent à montrer des effets plus importants si elles évaluent le résultat en utilisant des mesures qui sont étroitement taillées pour les buts qui sont visés dans le traitement (de façon similaire à l'effet "d'enseigner le test" de la recherche en éducation). [cela est évidemment important dans le cadre d'une approche très "cocorico" des études comparatives où une très légère supériorité de la taille d'effet trouvée avec un instrument particulier de mesure de la dépression (par exemple, la BDI) et non retrouvée avec un autre est néanmoins appréhendée comme une importante victoire …!]

L'étude de Shapiro et col. (1994), comparant les effets de la durée du traitement et de la sévérité de la dépression sur l'efficacité réelle de la TCC et de la psychothérapie psychodynamique interpersonnelle, est particulièrement intéressante.

Elle présente d'abord les biais potentiels des études comparatives et la façon de les éviter :
- La puissance des études pour détecter les différences liées au traitement dépend de l'adéquation des tailles d'échantillons, de la délivrance des traitements telle qu'elle est spécifiée, du contrôle des effets thérapeute et de l'usage de mesures appropriées au trouble et aux objectifs de chaque méthode thérapeutique.
- L'allégeance de l'investigateur, qui peut être inférée de façon sûre à partir de la façon suivant laquelle chaque étude est rapportée devrait être contrôlée statistiquement pour rapporter une estimation vraie de l'efficience comparative.Une autre solution est d'établir un équilibre entre les positions de référence des différents chercheurs participant à une même étude.
- Il est également essentiel de veiller à ce que le traitement de comparaison soit réalisé d'une façon qui soit représentative (comparaison à des pseudo-traitements).
- La sévérité du trouble devrait être systématiquement précisée.
- La durée du traitement et le moment où l'évaluation post-traitement est faite devraient être pris en compte.
- La différence des résultats peut être dûe au choix des mesures effectuées qui correspondent plus ou moins aux objectifs de la psychothérapie. Dans leur étude, Shapiro et col. ont associé aux mesures de symptômes l'Inventaire des problèmes interpersonnels d'Horowitz.

En respectant ces recommandations méthodologiques :
1) Contrairement à ce qui est habituellement proclamé, la TCC n'est pas plus efficace que la psychothérapie interpersonnelle psychodynamique
2) Il n'existe pas d'élément convaincant suivant lequel la focalisation plus spécifique de la TCC sur le symptôme conduirait à des effets plus rapides
3) Il n'y a pas d'évidence convaincante d'une réponse différentielle des deux traitements en fonction de la sévérité initiale de la dépression
4) Il existe une faible évidence suivant laquelle une psychothérapie de 16 séances est plus efficace qu'une thérapie de 8 séances. Plus exactement, la durée plus longue est efficace pour les dépressions sévères. Ces résultats, qui concordent avec ceux d'Elkin et col. (1989) doivent mettre en garde contre la généralisation des effets thérapeutiques à l'éventail de la sévérité de la dépression. Les dépressions sévères (BDI dans les hauts des 20 et supérieurs) peuvent répondre de façon tout à fait différente à la psychothérapie que des troubles plus légers dans des études analogues. Cela renforce le besoin identifié par Hollon et col. (1993) d'un travail supplémentaire comparant la thérapie cognitive avec d'autres traitements psychosociaux effectués dans des populations cliniquement représentatives.

Les recommandations de Shapiro et col. (1994) pour les recherches ultérieures sont les suivantes :
- étudier les interactions entre les caractéristiques des patients et la méthode thérapeutique (Beutler, 1991 ; Shoham-Salomon et Hannah (1991)
- les études comparatives ultérieures de traitements de la dépression doivent inclure l'examen concomitant des processus de changement (Garfield, 1990 ; Greenberg, 1991 ; Marmar, 1990 ; Stiles et coll., 1988) dans les traitements comparés. Les chercheurs devraient se concentrer sur la délimitaton des mécanismes sous-tendant le changement pour déterminer lesquels sont communs aux différents traitements et lesquels sont spécifiques d'une méthode donnée.

Comment cette étude très intéressante, et en particulier ses résultats, sont-ils présentés par le rédacteur du chapitre XI ? Par la phrase suivante, perdue au centre de la page 402 :
"Les deux autres études de haute qualité méthodologique, Shapiro et coll. (1994) et Hardy et coll. (1998), font partie du même programme de recherche, partageant les mêmes échantillons et la même méthodologie. Ces investigations diffèrent de la majorité d'autres études contrôlées du fait que tous les thérapeutes ont administré les deux thérapies et ont déclaré les croire également efficaces. Ces auteurs notent que les effets positifs de la TCC étaient particulièrement observables pour la dépression modérée ou pour les patients atteints de certaines formes de troubles de personnalité comorbide"

… … …

2. Expertise collective Inserm Psychothérapie, p 381-427


Dernière mise à jour : 17/11/04
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