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Le site des recherches fondées sur les pratiques psychothérapiques

Éditorial Septembre 2016.

Toutes les psychothérapies sont elles équivalentes ?

Jean-Michel Thurin

Le titre de cet éditorial est celui d'un article de William Stiles, David A. Shapiro et Robert Ellott publié en 1986 (vous avez bien lu : 1986), dans le contexte du "Dodo Bird Verdict" issu des résultats des revues générales de Luborsky, Singer et Luborsky (1975) et des méta-analyses de Smith, Glass et Miller (1977) qui ont conduit à cette constation.

L'Association Américaine de Psychologie, dans son texte "Reconnaissance de l'efficacité réelle des psychothérapies" de 2013, qui dresse un bilan de l'efficacité à partir d'un ensemble d'études couvrant l'éventail des troubles dans le champ, et le chapitre très détaillé de Lambert dans la sixième édition (2013) du Handbook of Psychotherapy and Behavior Change, l'ouvrage de référence dans le domaine de la recherche en psychothérapie, présentent le même constat.

Comme le soulignent déjà Stiles et al., ces conclusions heurtent a priori le bon sens. Comment des techniques aussi différentes que les psychothérapies psychanalytiques et la thérapie cognitivo-comportementale, pour citer les principales approches, peuvent-elles conduire à des effets semblables ?

Stiles et al. font état des trois explications principales qui ont été proposées pour expliquer le "paradoxe de l'équivalence". Elles sont associées aux solutions proposées correspondantes pour le résoudre.

- La première est le déficit de sensibilité des études. Il tient notamment au caractère très général et imprécis du diagnostic DSM, qui accompagne une méthodologie de l'efficacité finalement très approximative quand aux conclusions qui peuvent en être tirées sur l'origine des résultats et ses composants.
- La seconde est la réduction du coeur de l'efficacité à un facteur commun qui serait à situer : (a) du côté du patient (tous les patients engageraient la psychothérapie suivant un profil uniforme d'actes de parole, quelle que soient les techniques verbales ou l'orientation théorique de leur thérapeute ; (b) du côté du thérapeute, à partir de qualités partagées telles que la chaleur personnelle, la compréhension et la capacité de guider les patients vers de nouvelles perspectives et (c) au niveau de l'alliance thérapeutique dont Bordin (1979) à distingué trois aspects principaux : (a) le lien affectif entre le patient et le thérapeute, (b) la qualité du patient et l'implication du thérapeute dans les tâches de traitement, et (c ) le degré de concordance entre le patient et le thérapeute sur les objectifs du traitement.
- La troisième est que l'on ne peut pas répondre à la question à partir de la façon dont elle est posée, mais que la différence d'efficacité réelle des différentes techniques pourrait s'expliquer à partir d'un changement de niveau d'approche de la recherche.

Les "explications" proposées, transformées en hypothèses, ont donné lieu à de nombreses recherches.

La première (sensibilité des études) conduit naturellement à multiplier le nombre de variables décrivant à la fois le patient et ses troubles, le thérapeute et sa technique et leur interaction. Mais cette solution s'est heurtée au nombre de cas qu'il est nécessaire de réunir pour en extraire des résultats significatifs, cas dont il faudrait évidemment améliorer les grain de définition dans les différents registres. C'est ainsi que la recommandation de Paul (1986) "Quel traitement, conduit par qui, est-il le plus efficace pour cette personne, avec ce problème spécifique, et dans quel contexte de circonstances ?" , qui a conduit à développer des matrices de mesures dont le nombre de colonnes et de rangs s'étend avec la sensibilité recherchée se trouvé recyclé t dans un projet plus modeste très bien accepté : établir une relation directe entre un diagnostic, une approche et un résultat, avec le corrolaire que plus cette relation sera simple, plus elle sera facile à tester. Ce qui n'a pas véritablement résolu le paradoxe initial, mais a pu avoir des conséquences non négligeables dans l'utilisation institutionnelle de leurs résultats.

La seconde conduit à des études transversales où l'impact de chaque facteur potentiel est étudié, mais d'une façon beaucoup trop conceptuelle et isolée des autres paramètres pour que l'utilisation de ses résultats puisse dépasser le cap de la prise en compte.

Les nombreuses recherches menées de façon générale dans ces différentes perspectives n'ont donc pas apporté de réponse concluante. En revanche, en dépit de leur diversité, la plupart des solutions proposées ont convergé pour appeler à une plus grande précision et spécificité de la théorie et de la méthode dans la recherche en psychothérapie.

Sur ce constat, Stiles et al. proposent une autre façon d'introduire plus de précision et de spécificité dans les études. Le verdict de l'oiseau Dodo est bloqué au niveau des traitements entiers et de l'efficacité globale. La solution est de changer de niveau, de regarder de plus près le processus de changement et de distinguer, sur des bases théoriques et observationnelles, ce qui se fait réellement. Cette approche, beaucoup plus modeste et se constituant à partir de cas au singulier permettra de s'orienter vers une différenciation des résultats, de distinguer les effets spécifiques de l'efficacité globale, et de s'orienter sur l'évaluation de l'impact de sous-unités de traitement, telles que les séances, les événements au sein de séances, et les types isolés d'interventions.
Le principe est de passer d'une vision des traitements en termes d'étiquettes théoriques et de résultats en termes de bénéfice global à une vision émergente plus différenciée impliquant des unités plus petites, différents niveaux d'analyse et des mesures des processus de plus en plus sophistiquées. Cette perspective devient possible avec l'apparition des premiers instruments permettant de décrire le procesus de la psychothérapie et d'en extraire des éléments de structure.

Cette perspective se retrouve dans le texte de Lambert. "La découverte d'une équivalence relative des différentes approche a des implications significatives pour les théories en ce qui concerne les processus de changement et l'importance relative de techniques spécifiques d'une théorie versus les facteurs communs comme agents du changement.
Parmi les conceptions les plus rigoureruses de l'évaluation des mécanismes en cause, il y a les études qui prennent un traitement efficace et qui le "démontent" en ses différents composants (c'est à dire en soustraient des éléments) ou en ajoutent au traitement existant, et ensuite disitnguent les résultats".

Cette solution, qui introduit et implique le processus, rejoint celle qui est recommandée et décrite en décrite en détail dans le texte de Stiles et al.

Les recommandations de Stiles et al. et Lambert sont en convergence avec ce que permet de réaliser la méthodologie développée dans le Réseau de recherche fondées sur les pratiques psychothérapiques et les premières analyses présentées dans le rapport de 2013. La méthodologie de comparaison de cas à la fois semblables et différents à partir d'un élément particulier que l'on peut identifier constituent une autre façon de répondre à la question du groupe contrôle (dont il a été déjà question dans l'éditorial de Juin), qui passe alors du global au différencié, avec un accès à la complexité que ne permet pas les comparaisons de groupe. Stiles a donné ailleurs un exemple de la façon dont cette méthodologie peut être mise en oeuvre. Nous y reviendrons dans un prochain éditorial.

Références bibliographiques

Stiles, W. B., Shapiro, D. A., & Elliott, R. (1986). Are all psychotherapies equivalent?"American Psychologist, 41, 165-180. American Psychologist, 41, 165-180.

Luborsky, L., Singer, B., & Luborsky, L. (1975). Comparative studies of psychotherapies: Is it true that "Everyone has won and all must have prizes"? Archives of General Psychiatry. 32, 995-1008.

Smith, M. L., & Glass, G. V. (1977). Meta-analysis of psychotherapy outcome studies. American Psychologist. 32. 752-760.

American Psychological Association. (2013). Recognition of psychotherapy effectiveness. Psychotherapy (Chic), 50(1), 102-109.

Lambert, M. J. (2013). The efficacy and effectiveness of psychotherapy. In M. J. Lambert (Ed.), Handbook of Psychotherapy and Behavior Change (6th ed., pp. 169-218). Hoboken, New Jersey: John Wiley & Sons.

Bordin, E. S. (I 979). The generalizability of the psychoanalytic concept of working alliance. Psychotherapy: Theory. Research and Practice, 16, 252-260.

Thurin, J. M., Falissard, B., & Thurin, M. (2013). Réseau de recherches fondées sur les pratiques psychothérapiques. Rapport d'étape à 4 ans. Retrieved from http://www.techniques-psychotherapiques.org/Reseau/PoleAutisme/Rapports/RapportRRFPPAUT_2013_v3a.pdf