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Le site des recherches fondées sur les pratiques psychothérapiques

Éditorial Mai 2018

Présentation à la Journée scientifique de la CIPPA d'un première analyse de 3 psychothérapies d’adultes autistes (étude pilote menée dans le cadre du RRFPP)

Jean-Michel et Monique THURIN.

La Journée scientifique de la CIPPA du 10 février 2018 a permis de présenter une première analyse de 3 psychotherapies d’adultes autistes menées dans un cadre institutionnel par trois psychologues membres de la Cippa.. Cette analyse s’inscrit dans une étude pilote menée dans le cadre du pole autisme du Réseau de recherches fondées sur les pratiques psychothérapiques (www.techniques-psychotherapiques.org)

Quelques mots à propos du Réseau dont il me semble que l’on parle trop peu dans le contexte actuel ... Il a vu le jour dans la continuité du colloque organisé en 2007 par l’ Inserm sur la Méthodologie de l’évaluation en psychiatrie et en santé mentale (http://www.psydoc-france.fr/Recherche/PLR/PLR54/PLR54.pdf).

Ce colloque a été organisé à la suite des 3 premières expertises collectives en psychiatrie réalisées par l’Institut. Elles avaient mis en évidence les limites des méthodologies classiques dans ce champ. Son objectif, après plusieurs réunions du comite d’interface convoquées par le directeur général C Bréchot et avoir considéré attentivement les critiques qui avaient été exprimées à propos de ces expertises, a été de présenter des alternatives et des compléments méthodologiques aux méthodes dont elles étaient issues.

Le méthodologie du réseau a repris l’essentiel des recommandations de ce colloque pour répondre à la dimension complexe dynamique des psychothérapies et des troubles qu’elles ont vocation à traiter.

La première chose à souligner est que l’évaluation des psychothérapies nécessite une autre épistémologie que celle utilisée pour l’évaluation des traitements psychotropes. Plusieurs mots clés la définissent : interactions, transactions entre le patient et le thérapeute dans un contexte défini, complexité.

Pour définir le protocole (design) des psychothérapies complexes, différents termes sont avancés : cohorte, recherche observationnelle naturaliste, étude de cas quasi-expérimentale, formulation de cas avec analyse fonctionnelle, processus, facteurs et mécanismes de changement, analyses qualitative et quantitative, évaluation des résultats. Un premier niveau d’analyse est réalisé par les cliniciens en groupes de pairs dans le cadre d’un réseau de recherches fondées sur les pratiques. Ils sont secondés par une équipe méthodologique. Le niveau de preuve est élevé.

Chacun des termes précédents mériterait d’être défini et discuté en y associant son contexte et son usage. Plus simplement, l’objectif général de la recherche en psychothérapie depuis les années 2000 est d’essayer de comprendre « Pourquoi, comment et dans quelles conditions la psychothérapie produit des effets «, avec des retombées qui concernent à la fois l’élargissement des connaissances et l’amélioration des pratiques. Nous sommes ici dans l’application de cette perspectives pour les troubles autistiques chez l’adulte.

Démontrer qu’une psychothérapie produit des effets est important. Mais ce n’est qu’une première étape. Elle est complétée par une recherche des variables qui expliquent le résultat. C’est à ce niveau que l’on peut véritablement tirer des enseignements pour la pratique.

En ce sens, la recherche clinique participe véritablement à une démarche de qualité. L’approche de la complexité permet d’aborder concrètement des niveaux qui restent habituellement, pour une part importante, dans le registre du conceptuel et du témoignage.

 

Cette présentation, dont seulement quelques éléments sur ces études de cas très riches ont été soulignés, a fait ressortir un certain nombre de points :

Trois adultes, diagnostiqués très tôt, présentent à 30 ans un état autistique sévère avec troubles du comportement importants. Ils sont accompagnés, chez deux d’entre eux, d’un déficit notable du développement et des aptitudes acquises. Ce tableau pose évidemment beaucoup de questions sur ce qui a pu conduire à cette situation, mais il porte notre attention sur ce qui peut être fait ici et maintenant. La psychothérapie peut-elle apporter une évolution, son effet peut-il être évalué ?

- La psychothérapie d’Adèle est engagée dans un contexte extrêmement inquiétant. À la suite d’une fausse route alimentaire suivie d’une brève perte de connaissance, elle est revenue fermée, dans un état d’inhibition, sans aucune parole pendant plusieurs mois. Une incontinence complète accompagne son visage anéanti, pâle.
- Celle d'Ali commence alors qu’il est très agité, gémissant beaucoup, hypersensible aux flux sensoriels et à l’ambiance environnante, déambulant, se mordant les mains et se masturbant de manière très compulsive dans des lieux inappropriés. Cela génère du stress et une ambiance électrique tout autour de lui.
- Léo alterne de longs moments d’immobilité accompagnés d’une attitude d’hypervigilance à l’environnement. Il se jette dans l’espace à grandes enjambées, pressé d’arriver au but et accompagné de stéréotypies et de grognements. Son comportement sexuel a motivé pour une grand part la demande de suivi individuel avec sa thérapeute.

Le diagnostic d’autisme chez l’adulte ne conduit pas à un abord univoque de la personne en souffrance dont nous assurons l’accompagnement et le soin. Nous avons vu avec Adèle, Ali et Léo que, malgré la gravité de leurs symptôme équivalente, nous avions affaire à trois cas présentant certes des éléments communs, mais aussi beaucoup de différences ;

Un point commun est que ces patients souffrent beaucoup. Leur souffrance est en relation avec leur monde interne, mais aussi avec leur monde externe. Il n’y a pas une intervention univoque pour ce qui semble être une même manifestation, par exemple l’angoisse, la colère, les pleurs ou encore le retrait, le mutisme, etc... Cette intervention doit être adaptée à chacun. Et c’est ce qui se réalise avec chacune des thérapeutes. Elle permet une véritable réanimation chez Adèle et conduit à une situation très apaisée avec Ali et Léo. Dans chacun des cas, une ouverture se produit vers l’extérieur et la relation. En ce sens, les tableaux présentés font bien apparaître l’oscillation entre retrait et troubles majeurs du comportement d’un côté, entrée dans le monde et relation de l’autre.

La description du processus de la psychothérapie fait apparaître une attitude commune chez les thérapeutes. Ses éléments majeurs sont la sensibilité du thérapeute aux sentiments du patient, à son écoute, sa réceptivité et son implication, son adoption d’une attitude de soutien. Il est directement rassurant, coté plus ou moins fort mais toujours positif, pour les 3 adultes. Spécifiquement, l’ajustement du thérapeute se traduit dans le fait que ses remarques ont pour objectif de faciliter la parole du patient, que lorsque l’interaction est difficile, il s’efforce d’améliorer la relation, il ne traite pas son patient avec supériorité. Loin de manquer de tact, ses commentaires reflètent la gentillesse, la considération ou l’attention. L’attention portée sur le comportement non verbal durant toute l’année d’évaluation, est un aspect de la dynamique de la psychothérapie. Elle est à la fois active, et non intrusive ou directive...

Nous remarquons que, du côté des trois patients, ils acceptent les commentaires et observations du thérapeute, mais ils peuvent être aussi provocateurs, tester les limites, ou rechercher l’approbation, l’affection ou la sympathie du thérapeute. Ici aussi la dynamique relationnelle et son évolution s’expriment.

Ces études montrent aussi tout le bénéfice qu’il peut y avoir pour l’évolution des connaissances à partir des questions qui émergent au fil des observations. L’une d’elle est la relation entre le stress et l’expression des émotions, avec la question attenante des facteurs qui participent à la régulation des émotions excessives, lesquels déclenchent en retour des comportements excessifs inadaptés, qui ont eux-mêmes un effet stressant et délétère sur l’entourage. Cela semble être un noeud majeur de l’action psychothérapique. Elle peut être modélisée et nous permettre d’accéder à cette qualité propre des thérapeutes qui est celle de la contenance de cette liaison entre souffrance, crise et violence ou retrrait.

À ce niveau, il est vraiment très important aussi d’insister sur la liaison forte qui est établie entre la psychothérapie individuelle, la psychothérapie institutionnelle et la relation avec les familles. C’est une structure à la fois cohérente, dynamique et souple que nous voyons fonctionner, pour le plus grand bien de ces adultes dont la relation au monde et aux autres est si difficile.

Pour avoir le texte complet de cette présentation s'adresser à mthurin


Dernière mise à jour : samedi 5 mai 2018
Dr Jean-Michel Thurin