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Le monde en 3D

samedi 16 mars 2019, par Anne D.

Dès le départ, j’ai senti que quelque chose clochait. Enfant, je tombais tête la première (au grand désespoir de ma mère qui a fini par me ‘tenir en laisse’ pour m’éviter de me défigurer) et me cognais régulièrement un peu partout comme si je n’avais pas conscience de la distance entre mon corps et l’obstacle (mur, porte, poteau etc). Effectivement je n’ai pas de vision du relief, d’où les difficultés quand on vit dans un monde en 3D. Mon cerveau a fini par intégrer cette donnée mais il a fallu du temps.

Dès mes premières années d’école, je suis confrontée à mes inaptitudes physiques lors des cours d’éducation physique et sportive : incapable de rattraper un ballon, franchir une haie, sauter par-dessus un obstacle... je me retrouve régulièrement avec un zéro pointé, ostracisée par l’instituteur et moquée par mes petits camarades bien plus habiles que moi. Je ne comprends pas pourquoi je n’arrive pas à faire des choses qui paraissent pourtant si simples pour les autres enfants. Culpabilisée de ma nullité, je finis par redouter ces heures d’humiliation et me réfugie dans les autres matières où, heureusement, je m’en tire beaucoup mieux. Même si, là encore, je me sens ’différente’ car mes bons résultats scolaires tranchent avec ma récurrente indiscipline : je bavarde sans cesse, ne tiens pas en place et me trouve plus d’affinités avec les élèves du fond que ceux du premier rang. Cela perturbe les enseignants, peu habitués à ce genre de comportement venant de la première de la classe ! Cette impression de décalage permanent est encore accentuée par mes deux années d’avance, à une période de la vie où les différences de maturation physique et psychique peuvent créer un fossé énorme entre les enfants à un an ou deux ans près. Personne ne s’interroge alors sur mes problèmes de perception et d’orientation dans l’espace, ni sur mon hyperactivité, qui ne font l’objet que de sanctions sans explication. Ce qui ne fait que renforcer mon manque d’estime et de confiance en moi et le besoin de masquer autant que possible ce que je perçois comme des ’travers’. Et n’aide pas à rassurer la personne insecure que je suis.