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Objectivation du corps

samedi 6 juillet 2019, par Anne D.

L’hyperspécialisation de la médecine a accru la ‘morcellisation’ du corps des patients, chaque spécialiste s‘occupant d’un organe, comme une pièce de l’immense puzzle que constitue l’être humain. Oubliant trop souvent que les pièces éparpillées ne permettent pas de restituer et comprendre la globalité du corps et de l’esprit. Et l’essor des examens de plus en plus perfectionnés (scanner, IRM etc) ne fait qu’accentuer cette tendance, au détriment de la partie ‘clinique’, pourtant au cœur de l’art de la médecine. Je suis toujours étonnée du nombre de médecins qui ne prennent plus la peine d’examiner leurs patients, se contentant d’une consultation derrière leur bureau. Le contact physique a disparu et l’être humain n’est plus vu qu’au travers du filtre des examens prescrits et des résultats d’analyse. Mais derrière les lignes de mots et de chiffres, évocateurs (ou non) d’une maladie, se trouve une personne qui attend des réponses à ses questions et à ses peurs, et qui se retrouve souvent démunie face au professionnel qui lui fait face. Quand son corps est le plus souvent réduit à un objet médical, examiné sous toutes les coutures, malmené parfois, il devient difficile de pouvoir l’aimer et le considérer aussi comme une source de plaisir et un moyen de séduction.

Le corps érotisé et le corps médicalisé ne font pas bon ménage. Comment se réapproprier l’un en faisant abstraction de l’autre ? Les médecins négligent totalement l’impact psychologique de cette ’chosification’ du patient, réduit à un cas à étudier, un symptôme à comprendre, un diagnostic à établir. Le corps est découpé en morceaux (« façon puzzle ») comme si rien ne reliait l’ensemble, chaque spécialiste ne prenant trop souvent en compte que son domaine d’étude sans se soucier du reste. L’aspect psychique de la maladie ou du handicap est complètement oublié ou balayé d’un revers de main comme étant ’du ressort du psy’.

Le stress est mis à toutes les sauces mais rarement pris en compte comme pouvant être étroitement lié à des pathologies a priori entièrement somatiques. En oubliant cette imbrication possible, les soignants se privent d’une dimension fondamentale dans leur démarche clinique. Certains s’y intéressent heureusement mais ils sont encore trop rares. Et les patients se retrouvent souvent isolés dans leur mal-être, sans interlocuteur pour faire la passerelle entre le somatique et le psychique alors même que l’un dépend de l’autre, au moins en partie.

A lire : https://www.cairn.info/revue-laennec-2008-2-page-35.htm

TAGS : stress, isolement, clinique, psychosomatique