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Espace Cliniciens

Evaluation des phénomènes transférentiels par différentes méthodes dont celle du « thème relationnel conflictuel central »

Lester Luborsky, Ellen Luborsky

Il y aura bientôt cent ans qu'à la suite de Freud en 1895 [9] les psychothérapeutes d'orientation psychodynamique utilisent la notion de transfert dans leur pratique clinique quotidienne. Durant les quinze dernières années, depuis l'introduction par Luborsky de la méthode du thème conflictuel relationnel central (TRCC) en 1976 [18], les travaux' concernant les méthodes d'évaluation des phénomènes transférentiels ont connu un essor croissant. Elles sont susceptibles à la fois : d'aider les praticiens à améliorer leur pratique et d'offrir aux chercheurs un nouvel outil leur permettant d'explorer le concept de transfert. Cet article envisagera successivement : la méthode classique de formulation des phénomènes transférentiels ; les
raisons justifiant la mise au point de nouvelles méthodes; la méthodologie du TRCC et des autres méthodes; leur utilisation clinique ; et leur apport à l'étude des phénomènes transférentiels.

FORMULATION DES PHÉNOMÈNES TRANSFÉRENTIELS OBSERVÉS EN PSYCHOTHÉRAPIE

Bien que la littérature abonde en publications sur la nature et sur l'importance de l'interprétation adéquate des phénomènes transférentiels, on connaît mal la façon dont ils sont perçus et formulés par le thérapeute au cours des séances de psychothérapie. Nous voyons seulement que le thérapeute s'immerge dans l'ensemble des informations contenues dans les séances, et qu'il en ressort avec une certaine formulation du transfert; mais il y est parvenu par des voies que nous ne faisons qu'entr'apercevoir, comme dans la pénombre.

Il existe un éventail bien connu de définitions des phénomènes transférentiels, définitions destinées à éclairer notre approche de ce concept. L'essentiel de leur teneur est contenu dans cette définition de Curtis [15] « le transfert est le fait de revivre dans une relation d'objet actuelle, particulièrement avec l'analyste, des pensées, des sentiments et des comportements provenant de phantasmes réprimés, dont l'origine remonte à une situation conflictuelle importante de l'enfance ». Ces définitions conduisent le thérapeute à dégager: un mode de relation du patient à autrui (particulièrement celui de ses relations précoces avec ses parents) analogue à celui établi avec le thérapeute, et un profil des éléments refoulés.

En dépit de la multiplicité de ces définitions, la méthode habituellement adoptée par les psychothérapeutes d'orientation psychodynamique peut être qualifiée de libre, chacun d'eux demeurant libre de choisir sa définition du transfert et de l'appliquer au contenu des séances ; mais il ne dispose alors que de peu de directives pour formuler les divers termes du transfert.

POURQUOI DES PROCÉDURES DE FORMULATION SYSTEMATISEES SONT-ELLES L'OBJET D'UNE POPULARITÉ CROISSANTE? 2

Une procédure systématisée de formulation du transfert est une méthode directive, en ce sens qu'elle précise la marche à suivre et les éléments à utiliser pour formuler le transfert. Il n'est donc pas surprenant que ces méthodes directives se révèlent plus fiables que les méthodes dites libres, en ce sens qu'elles permettent d'aboutir à une même formulation du transfert de la part de divers évaluateurs [12]. La raison essentielle de l'adoption de telles méthodes directives pour l'évaluation des phénomènes transférentiels vient de ce que l'on a brutalement et relativement récemment pris conscience de l'absence de fiabilité des approches non systématisées jusqu'ici en vigueur : en effet, même les analystes les plus expérimentés
n'arrivent pas à se mettre d'accord entre eux I (Cf. les études de Seitz, menées en collaboration avec un groupe d'analystes de l'institut de Psychanalyse de Chicago [261, et celle de Dewitt et coll. [7]). Il est même difficile d'apprécier la fiabilité de la méthode classique de formulation des phénomènes transférentiels, tant la formulation de ces phénomènes varie
d'un thérapeute à l'autre, en ce qui concerne à la fois les mots utilisés et les elements du transfert pris en compte. A l'inverse, une méthode directive leur permet d'utiliser un langage commun et les mêmes éléments.

DESCRIPTION DE LA MÉTHODE DEVALUATION DU TRCC

La première en date des méthodes directives destinées à mettre en évidence une modalité relationnelle privilégiée à partir de séances de psychothérapie est celle dite du « thème relationnel conflictuel central » (TRCC), décrite par Luborsky et Crits-Christoph en 1990 [4]. Nous la décrirons brièvement à l'aide d'un exemple.

C'est l'étude systématique des diverses étapes parcourues à la recherche d'une formulation de la modalité relationnelle centrale (préférentielle), à partir des données recueillies lors de séances de psychothérapie, qui a conduit à l'élaboration de la méthode du TRCC. C'est ainsi qu'en 1976, Luborsky [18], analysant une série de séances de psychothérapie, constata
d'abord qu'il portait son attention sur les récits du patient, ou épisodes relationnels, mettant en scène ce dernier et faisant apparaître sa relation avec le thérapeute ou d'autres personnes. Il fut alors particulièrement impressionné de la redondance de certains éléments de ces récits. Il constata enfin que dans chaque récit trois éléments prédominaient: ce que le patient souhaitait de la part des autres, la réponse qu'il en recevait et sa propre réaction à cette réponse.

La formulation (l'extraction) du TRCC à partir de ces récits se fait selon une procédure en deux temps (Tableau 2-l). La première phase consiste à repérer les récits (ou épisodes relationnels), à les identifier dans le discours du patient; la seconde consiste à examiner ces épisodes relationnels pour en dégager le TRCC (ces deux phases sont décrites en détail dans les chapitres 2 et 4 du livre de Luborsky et Crits-Christoph [4])

Tableau 2-l - Démarche de la méthode du TRCC. Phase A: repérer tous les épisodes relationnels; phase B : trouver les différents types d'éléments composant les épisodes relationnels et remplir une fiche de ce type.

Éléments
du
TRCC
Formulation
« sur mesure »
(mots du sujet)
Formulation
selon nomenclature
standardisée
Souhaits:    
Réactions des autres    
Réactions du sujet:    

Éléments du TRCC : le TRCC est constitué par les éléments de chaque type (» souhaits », « réactions des autres », « réactions du sujet ») qui sont observés de la manière la plus fréquente au cours des « épisodes relationnels » relatés par le sujet. Formulation sur mesure : les évaluateurs utilisent les mots de leur choix pour formuler les éléments du TRCC (en fait, le plus possible les termes mêmes utilisés par le sujet). Nomenclature standardisée: les évaluateurs remplacent cette première formulation par les termes désignant des catégories standards.

UN EXEMPLE D'UTILISATION DE LA MÉTHODE DU TRCC DANS UNE PSYCHOTHÉRAPIE A ORIENTATION PSYCHODYNAMIQUE

Nous. verrons, à travers l'exemple concret de Mr Alton, comment le TRCC peut être identifié. Mr Alton était atteint (selon la classification du DSM Ill) d'une agoraphobie. Il venait de commencer une série de 24 séances hebdomadaires de psychothérapie à orientation psychodynamique3, avec un analyste très expérimenté (cette psychothérapie à orientation psychanalytique était du type dit « psychothérapie supportive-expressive » de durée limitée, décrit par Luborsky [19J.

Mr Alton était le deuxième des trois enfants de sa famille ; ses parents exerçaient une profession libérale. Au moment de sa thérapie, Mr Alton était âgéd'un peu plus de trente ans ; il était marié depuis trois ans ; sa femme travaillait avec lui et partageait les responsabilités de leur petite entreprise de décoration. Il espérait surmonter par la psychothérapie les symptômes assez sévères d'une agoraphobie, qui interférait considérablement avec son travail et sa vie de couple. Il en était en effet à tel point angoissé que sa phobie restreignait ses possibilités d'effectuer des trajets en avion, de fréquenter des routes à grande circulation ou de nouveaux restaurants, et d'affronter des situations inconnues. Les symptômes de sa phobie avaient débuté à l'Université, alors qu'il était en conflit avec sa fiancée, avec laquelle il rompit alors.

Le pèredu patient avait ressenti un sentiment persistant de frustration face à sa propre carrière professionnelle. Cependant, Mr Alton se comparait souvent défavorablement à son père en ce qui concernait leurs succès professIonnels respectifs. Il se comparait aussi à son frère aîné, d'une manière similaire.

Il sera utile pour comprendre les conflits exprimés durant la psychothérapie de Mr Alton, et saisis dans le TRCC, de lire un bref passage de la séance n' 17, séance qui a constitué un tournant décisif du traitement. Le début de la séance et quelques-uns des principaux épisodes relationnels qu'elle contient sont brièvement décrits ci-après:
- P: Bonjour, comment allez-vous? (petit rire)
- T : Bien, et vous, comment vous sentez-vous aujourd'hui?
- P: La semaine a été très dure. Je ne suis pas parti en avion avec ma femme (pour un déplacement professionnel, sa femme étant aussi sa collaboratrice). J'ai le sentiment d'un échec. Je ne suis pas arrivé à me dominer et je m'en suis voulu. Je me sers également de ma peur comme d'une arme.

Ce bref récit d'un événement au cours duquel sa phobie l'a empêché de prendre l'avion est un épisode relationnel, dans lequel l'autre acteur principal est sa femme. En examinant cet épisode relationnel et les autres épisodes relationnels figurant dans le tableau 2-Il, essayez d'identifier le schéma relationnel central qu'ils contiennent, et voyez si le type de ce schéma relationnel central concorde avec votre idée de ce qu'est le transfert de ce patient.

Tableau 2-Il - Résumé des cinq premiers épisodes relationnels d'un sujet. Mr Alton, séance n° 17


Épisode relationnel (ER) n 1
Par rapport à la femme du sujet
Je ne suis pas parti en voyage avec ma femme (mon associée), j'ai un sentiment d'échec. Je n'ai pas pu réagir assez pour partir. Je m'en veux. Je réalise que je me sers de ma peur comme d'une arme.

Épisode relationnel (ER) n° 2
Par rapport au thérapeute
J'ai senti un malaise depuis la dernière séance : on avait dit que l'on irait à mon propre rythme, mais la séance s'est terminée au bout d'une heure Cela m'a mis en colère sur le moment et rendu soupçonneux: pourquoi terminer comme cela? Mais peut-être est-ce ce que vous étiez censé faire.

Épisode relationnel (ER) n° 3
Par rapport au père
Je me reposais sur l'idée que mon père se faisait de ce qu'il fallait que je fasse. Mais il ne savait pas toujours ce dont il parlait. Il disait: « pour réussir, mets un costume et une cravate ». Cela me mettait en colère et je lui tenais tête. Je ne me sentais pas culpabilisé par ce que je lui disais.

Épisode relationnel (ER) n 4
Par rapport à l'ancienne fiancée du sujet
La fille que j'ai failli épouser, quand j'étais à l'université, avait une notion très précise du rôle
que je devais jouer dans sa vie. C'est ce qui a brisé nos relations. C'est à cette époque de ma vie que j'ai commencé à me sentir malade dans les restaurants, et que j'ai renoncé à y aller. Mon travail était une lutte perpétuelle à propos de ce que je devais faire.

Épisode relationnel (ER) n 5
Par rapport au père
J'ai mis en pratique ce que mon père nous avait appris sur la réussite et les carrières. Il n'est pas facile de se révolter contre un père. L'idée de me révolter et d'essayer de lui prouver que je peux réussir est difficile à soutenir. J'ai peur de dire : « Je ne crois pas en ce que tu m'as appris ». Cela lui ferait mal. Il se sentirait en échec du fait que je suis en traitement.


Bien entendu, le thérapeute est attentif au schéma relationnel principal et aux conflits qu'il recouvre, et essaie de juger à quel degré ils se reflètent dans les phénomènes de transfert. De telles formulations sont habituelles au cours des psychothérapies à orientation psychodynamique, et ceci explique pourquoi il est si important d'avoir des méthodes permettant de dégager le schéma relationnel central ou le transfert.

Continuons donc notre exemple concernant Mr Alton, et examinons l'épisode relationnel n° 2, qui met en scène le thérapeute. Il comprend quelques-unes des interprétations de ce dernier, basées sur sa représentation du schéma relationnel central de Mr Alton.

- T : Vous m'en voulez, et vous en voulez à la situation (psychothérapique) : et une
des choses qui vous offusquent, c'est cette séance limitée à 60 minutes.
- P : Oui, cela me déconcerte.
- T : Cela fait bien plus que vous déconcerter: cela vous irrite. Parce que ce sont
mes règles. Les règles viennent de moi, pas de vous.
- P : Vraiment?
- T : Je me demandais si d'une certaine façon vous ne ressentez pas, par rapport
à moi, en grande partie, ce que vous éprouviez autrefois à propos de votre père. Il
se poussait, en quelque sorte, pour réussir, et vous étiez méfiant quant à ce qui
l'amenait à vous pousser vous-même.

Plus tard, au cours de la même séance:
- T : C'était encore une autre occasion (comme la relation avec la fiancée) où quel-
qu'un essayait de décider à votre place de ce qui était bon ou mauvais.
- P : Oui, en fait c'est en quelque sorte à ce moment-là (que la phobie s'est déve-
loppée).
- T : Et ensuite vous avez définitivement rompu, et vous êtes parti sur votre propre chemin. il y a là un élément de révolte contre votre père, mais aussi le fait de choisir quelque chose pour vous-même.

Il est utile de faire de cet exemple un exercice pratique, pour dégager le TRCC à partir des épisodes relationnels. Ces épisodes sont mentionnés sous une forme encore plus concise dans le tableau 2-Ill, où ils sont présentés dans leur ordre chronologique de leur apparition en cours de séance. Il s'agit de se demander pour chacun d'eux quels sont les désirs, quelles sont les réponses (ou réactions) de l'autre personne et enfin quelles sont les réactions du patient lui-même. Pour chaque type de composant, il convient de prendre en compte les plus fréquents. Ces données peuvent être inscrites dans le cadre laissé vide dans ce but.

Le tableau 2-IV permet de comparer le TRCC ainsi dégagé avec celui qui a été formulé par la plupart des cliniciens qui ont examiné les séances de Mr Alton. Des résultats identiques sont présentés dans le tableau 2-V, mais ils sont formulés cette fois en utilisant une nomenclature standard, établie par des cliniciens entraînés à ce type d'analyse. (Ces résultats sont basés sur l'ensemble de 10 épisodes relationnels provenant des séances 4 et 17).

Les souhaits les plus fréquents sont d'une part ceux d'affirmer son indépendance et de se réaliser, et d'autre part ceux de recevoir de l'aide, de plaire et de ne pas blesser (ces derniers entrant en conflit avec les premiers). Par ailleurs, le patient s'attend à ce que les autres, en réponse à ces souhaits, cherchent à le dominer et à le contrôler ; enfin, ses propres réactions sont la colère, l'anxiété et la phobie (son symptôme principal), et l'impression d'être sans recours.

Tableau 2 III Exercice pratique : formulation du TRCC partir des épisodes relationnels d'une séance réelle.
Mr Alton, séance n' 17.


1 - Femme
Pas parti en voyage
Sentiment d'échec
Se fait des reproches
 
 
2- Thérapeute
Séance arrêtée après 1 h.
Colère contre le thérapeute
3- Père
Disait : pour réussir,
mets costume et cravate.
Suis en colère, pas culpabilisé
 
 
4- Fiancée
Rompu quand elle m'a dit ce qu'il fallait faire.
Colère. Phobie.
5- Père
Je vis comme il m'a appris.
Me révolter lui fait mal.
 
 

Formuler le TRCC :

 

 

 

Tableau 2-IV - TRCC formulé par l'auteur. Mr Alton, séance n° 17. Les chiffres indiquent combien de fois chacun des éléments a été observé au cours des épisodes relationnels présentés.


(5) Souhait 1: Affirmer son indépendance et se réaliser
(2) Souhait 2: Obtenir de l'aide, plaire, ne pas faire mal
(5) Réactions négatives des autres : dominer, contrôler le sujet
(9) Réactions négatives du sujet:

(3) Colère
(2) anxiété, phobies
(2) désarroi

Vous en connaissez maintenant assez sur la séance pour vous rendre compte que le thérapeute mettait l'accent sur le thème relationnel principal de la séance (c'est-à-dire la révolte contre le thérapeute) et le rapprochait de la révolte contre le père et la fiancée. C'est après cette séance que la phobie a commencé à diminuer de façon nette. La thérapie a cessé comme prévu après la 24e séance et le suivi du patient a montré qu'il était devenu capable de vivre sans être gêné par sa phobie.

Tableau 2-V - Formulation du TRCC par trois évaluateurs utilisant les catégories standards En colonnes, le nombre d'épisodes relationnels contenant cette catégorie d'éléments du TRCC, pour chacun des juges L, M et P. Souhait A : souhait de s'imposer et d'être autonome ; souhait B souhait de se soumettre aux autres et de dépendre d'eux. Source: dix épisodes relationnels tirés des séances n° 4 et 17. Patient Mr Alton.
 
Décompte par l'évaluateur
  L M P
Souhaits A :      
S1 : Affirmer mon indépendance et mon autonomie 7 7 10
S1a : Vaincre la domination des autres : être détaché des contraintes imposées par d'autres ; ne pas se laisser abaisser par les autres. 7 7 9
S1b : Atteindre son but, être compétent, se réaliser Souhaits B: Satisfaire autrui, éviter de faire mal à autruiObtenir d'autrui : aide, attention, protection et conseils 5 4 5
Souhaits B :      
S2 : Satisfaire autrui, éviter de faire mal à autrui 4 4 2
S3 : Obtenir d'autrui : aide, attention, protection et conseils 4 3 5
Réactions négatives des autres      
Les autres dominent le sujet, ils dirigent, se mêlent de tout, l'intimident, s'immiscent dans ses affaires
6 5 3
Réactions négatives du sujet
     
Anxieux, tendu, contrarié 5 7 10
Désemparé, manquant de confiance en soi, inefficace (ne sais pas comment s'y prendre) 5 5 8
Frustré 2 6 4
En colère, plein de ressentiment, haineux
2 5 5
Réactions positives des autres      
Acceptant le sujet, l'approuvant 3 2 2
Réactions positives du sujet      
S'impose, s'exprime avec assurance, maîtrise davantage 4 5 6
A confiance en lui, s'affirme, se sent sûr de lui 3 4 4


Ce bref exemple tiré de la psychothérapie de Mr Alton montre combien l'utilisation de la méthode du TRCC peut aider le thérapeute à trouver le thème relationnel principal et à s'en servir pour centrer son interprétation.

BREVE DESCRIPTION DES AUTRES MÉTHODES D'ETUDE DU SCHEMA RELATIONNEL CENTRAL

Depuis leur avènement, quinze méthodes directives d'évaluation du schéma relationnel central ont été décrites (Cf. leur revue par Luborsky et Crits-Christoph dans [4] et dans un des prochains numéros de Psychotherapy Research, la nouvelle publication de la Society for Psychotherapy Research).

Ces quinzes méthodes sont les suivantes, classées par ordre d'apparition (* désigne les cinq qui sont mentionnées dans cet article) : Luborsky* 1976 [19]; Weiss*, Sampson, Caston et Silberschatz 1977 [29]; Benjamin 1979
[1] ; Horowitz* 1979 [13]; Teller et DahI 1981 [28]; Carlson 1981 [3]; Gill et Hoffman* 1982 b [10]; Schacht et Binder* 1982 [24] ; Grawe et Caspar 1984 [11] ; Kiesler et coll. 1985 [15] ; Bond et Shevrin 1986 a [2] ; Maxim
1986 [22]; Kiesler 1987 [16]; Perry, Augusto et Cooper 1989 [23] ; Horowitz et coll. 1989 [14].

Pour être retenue comme telle, une méthode systématisée d'étude des phénomènes transférentiels doit posséder certaines propriétés:

• Elle doit utiliser un échantillon d'interactions relationnelles tirées de séances de psychothérapie ou d'entretiens exploratoires. L'unité d'observation peut être l'intégralité de la séance, le discours du patient ou des unités de pensée plus petites. L'échantillon peut également être constitué par les interactions thérapeute-patient agies en cours de séance, plutôt que seulement par te discours relatant ces interactions.

• La méthode doit être centrée sur le schéma conflictuel relationnel central, défini comme le schéma le plus fréquemment rencontré au cours des épisodes d'interactions relationnelles.

• Les données de base doivent être estimées, au moins partiellement, à partir d'une évaluation clinique, plutôt qu'à partir de la seule appréciation du patient sur lui-même.

• Cette évaluation clinique, qui permet de dégager le schéma relationnel central, doit être guidée par une méthode qualitative d'analyse de contenu.

• Cette méthode doit reposer sur un minimum de données préliminaires assurant sa validiité.

Nous ne donnerons ici qu'une brève description des autres méthodes d'évaluation du schéma relationnel central.

Méthode du diagnostic planifié

Cette méthode (Plan diagnosis method) permet des formulations fiables et complètes [29]. Elle inclut la description des éléments suivants:
• but du patient en ce qui concerne la thérapie;
• croyances pathogènes qui empêchent le patient d'atteindre ses buts;
• manières avec lesquelles le patient semble tester le thérapeute en ce qui
concerne ces croyances;
• prises de conscience qui seraient utiles au patient.

La fiabilité de ces différents paramètres paraît satisfaisante [27].

Analyse configurationnelle

Cette méthode (configurational analysis) [13] dégage une configuration globale des types de rôles relationnels. Les données recueillies au cours des séances de psychothérapie sont examinées sous trois points de vue : l'état du patient, les schémas relationnels, et l'information. Le point de vue concernant les schémas relationnels a beaucoup de points communs avec la méthode du TRCC.

La perception par le patient de sa relation avec le thérapeute

Cette méthode, bien connue [10], prend en compte tous les aspects de la relation patient-thérapeute, qu'il s'agisse d'allusions déguisées ou de références explicites. Elle évalue également à quel point les interventions du
thérapeute correspondent à ce que vit le patient, à propos de leur relation à la fois latente et manifeste.

Modalité de fonctionnement inadapté

Cette méthode (cyclical ma/adaptive pattern) [25] fait partie de la méthode d'évaluation dite analyse structurelle des comportements relationnels (structural analysis of social behavior - SASB), qui prévoit la cotation de chaque unité de fonctionnement mental au cours de la séance. La cotation s'applique aux paramètres suivants: les actions du sujet, ce qu'il attend des autres, les réactions des autres à lui et ses propres réactions par rapport à lui-même.

Les différentes méthodes d'évaluation de la modalité relationnelle principale présentent une certaine diversité, mais elles ont en revanche beaucoup de points communs parmi lesquels :
• I a base de données est habituellement constituée par les récits relatés au cours de la séance ou par les unités de fonctionnement mental présentes au cours de la séance ou par les unités de fonctionnement mental
présentes au cours de la séance.
• Quelle que soit la méthode, les éléments soumis à cotation sont souvent semblables à ceux de la méthode du TRCC, c'est-à-dire les souhaits concernant les autres, les réactions des autres et les propres réactions du
sujet.
• Les évaluations reposent sur la redondance de ces éléments tout au long des séances, des récits ou des unités de fonctionnement mental.

INTÉRÊT CLINIQUE DU TRCC ET DES AUTRES MÉTHODES DÉVALUATION DU TRANSFERT

La méthode du TRCC et les autres méthodes apparentées présentent un certain nombre d'avantages:

Formulation plus fiable La formulation du TRCC de chaque séance a beaucoup de points communs avec la formulation du transfer t; cependant, la méthode mise en oeuvre pour parvenir au TRCC comporte des directives
plus explicites et plus précises. Le thérapeute doit prêter attention au discours du patient, plus particulièrement à chaque épisode relationnel, et il doit noter les types de souhaits et de réactions d'autrui communs aux différents épisodes. La méthode, telle qu'elle est utilisée en clinique, n'est pas plus compliquée que cela et n'exige pas de recourir à des procédures rigoureuses de cotation (comme celles décrites initialement pour valider la méthode, par Luborsky et Crits-Christoph [4]).

Formulation plus rapidement utilisable pour l'interprétation L'utilisation du TRCC en clinique permet au thérapeute de réaliser une formulation rapide des phénomènes transférentiels. De plus, comme l'illustre l'exemple que
nous avons présenté concernant Mr Alton, elle met en lumière des éléments dont les interprétations peuvent être utiles sur le plan psychothérapique.

Traitement focalisé pour des patients hospitalisés Une application clinique importante de la méthode du TRCC, actuellement en cours de développement, concerne le traitement de patients psychiatriques hospitalisés (Van
Ravenswaay et Luborsky, en préparation). L'utilisation de la méthode commence par une réunion des soignants au cours de laquelle chacun d'eux présente plusieurs exemples de ses interactions avec le patient. La formulation du TRCC est élaborée à partir de ces récits d'interactions avec le patient. La conséquence de la formulation des conflits majeurs du patient est d'aider l'équipe à offrir au patient une réponse plus utile (efficace), réponse qui a reçu en outre l'assentiment de tous les membres de l'équipe.

INTERÊT POUR LA RECHERCHE CLINIQUE DES MÉTHODES DIRECTIVES D'ÉVALUATION DU TRANSFERT

De 1895 à 1937, Freud a identifié un large spectre de caractéristiques du transfert [4], qu'il considérait comme devant être fondées sur une connaissance empirique plutôt que sur des déductions purement théoriques.

Elles ont été décrites à partir de la propre expérience clinique de Freud concernant les modalités de transfert de ses patients. Ces observations s'intéressent à l'origine, aux modes de fonctionnement et aux stimuli qui donnent naissance au transfert. Les méthodes directives d'identification des schémas relationnels, et plus particulièrement le TRCC, ont permis de poursuivre la recherche de ces différents aspects du transfert. Comme le montre le tableau 2-VI, nous avons pu jusqu'ici examiner la concordance entre les observations de Freud et les données fournies par la méthode du TRCC pour 17 des 22 observations de Freud. Pour neuf d'entre elles, nous avons trouvé une bonne correspondance, signalée par un signe + (1, 2, 5, 6, 12, 13, 15, 20 et 21). Pour sept autres observations, nous trouvons une forte tendance positive (indiquée par le signe + ?). Cette étude a été effectuée en 1990 ; il n'est pas impossible que la mise au point de nouvelles méthodes d'évaluation nous permette ultérieurement l'étude de certaines des autres observations de Freud.

Plusieurs exemples de Freud montrent combien ces études sont vitales pour notre domaine de recherche. L'un d'entre eux concerne l'observation n° 6 : le schéma des relations parentales précoces s'exprime à travers celui

Tableau 2-VI - Observations de Freud sur les caractéristiques du transfert parallèlement aux données du TRCC.
+ : Données du TRCC confirmatives ; + ? : données préliminaires du TRCC confirmatives ; + 0? : données en partie seulement confirmatives; R : études encore non réalisées.
 
Données
du TRCC
1 - Les souhaits concernant des personnes prédominent +
2 - Les souhaits entrent en conflit avec les réactions des autres et du sujet
+
3 - Le transfert est particulièrement évident au niveau des relations érotiques
+ ?
4 - Il est particulièrement en dehors du champ de la conscience
+ ?
5 - Il prend son origine dans les premières relations avec les parents +
+
6 - Il en vient à concerner le psychothérapeute +
+
7 - Il peut être activé par la perception de certaines caractéristiques du psychothérapeute R
R
8 - Il peut déformer la perception R
R
9 - Il est constitué par une modalité (relationnelle) principale, qui perdure
+ ?
10 - Des sous-moda!ités apparaissent pour les membres de la famille
+ ?
11 - Il est spécifique de chaque personne +?
+ ?
12 - Il perdure, au cours du temps +
+
13 - Il change peu au cours du temps +
+
14 - Son degré d'activation présente des fluctuations à court terme R
R
15 - L'interprétation change sa modalité d'expression +
+
16 - Sa perception par le patient peut lui être bénéfique + 0?
+ 0 ?
17 - Il peut constituer une résistance R
R
18 - Des symptômes peuvent apparaître lors de son activation
+ ?
19 - Il s'exprime à l'intérieur et à l'extérieur de la psychothérapie
+ ?
20 - On peut en distinguer des modalités positives et négatives +
+
21 - Il s'exprime de multiples manières (dans des rêves, des récits) +
+
22 - Des dispositions innées jouent un rôle dans son développement R
R


des relations avec le thérapeute. C'est cette observation fondamentale qui a suggéré à Freud le mot de transfert : des éléments de la relation précoce sont transférés sur la relation avec le thérapeute. Une étude précise de
cette caractéristique du transfert a été réalisé par Fried et coil. en 1990 : elle a montré un parallélisme significatif entre la modalité relationnelle préférentielle générale et la modalité de relation au thérapeute. Le parallélisme est d'autant plus marqué qu'il existe un plus grand nombre d'épisodes relationnels impliquant le thérapeute.

Une autre étude examine simultanément le point n° 5, qui montre que le schéma prend son origine dans les relations parentales précoces, et le point n° 12 qui montre que le schéma relationnel reste stable à long terme.
Buchsbaum et Emde de l'Université de Chicago nous ont confié pour examen une série de récits provenant de 25 jeunes enfants ; pour chacun d'entre eux, il a été colligé dix récits datant de leur troisième année, et dix autres datant de leur cinquième année. Nous avons ainsi été en mesure d'établir la présence d'un schéma relationnel centrai dès l'âge de trois ans [61, nous examinons actuellement ce même ensemble de récits de manière plus approfondie et avec un plus grand nombre d'évaluateurs cliniciens [17]. Nous aimerions pouvoir suivre ces enfants jusqu'à leur majorité, mais il est malheureusement peu probable que ce projet soit jamais réalisé.

Un dernier exemple nous est fourni par l'observation n° 21 de Freud, dans laquelle les phénomènes transférentiels s'expriment sous de multiples aspects.

Les formulations du transfert établies par Freud à partir de ses propres cas suggèrent que le schéma relationnel apparaît à la fois dans les rêves et dans les récits. Une étude de Popp et coll. (1990), toujours en cours actuellement, semble confirmer cette constatation.

Il est important de préciser que toutes ces études, la nôtre comprise, n'ont pas été entreprises seulement dans le but de vérifier la convergence de leurs résultats avec ceux de Freud, mais également de prêter attention à tous les éléments qui pourraient indiquer d'éventuelles différences, ou conduire à des développements nouveaux et totalement inattendus.

REPONSES AUX PRINCIPALES QUESTIONS POSEES PAR L'UTILISATION DES METHODES DIRECTIVES D'EVALUATION DU TRANSFERT

Pour conclure cette « dissection » du concept de transfert à l'aide des méthodes systématisées d'évaluation des modalités relationnelles répétitives, nous répondrons à trois des questions les plus fréquemment soulevées à propos de la méthode du TRCC et des méthodes directives qui lui sont apparentées : Le TRCC inclut-il des éléments inconscients ? Le TRCC inclut-il des éléments en relation avec le contexte symptomatique du patient? Une méthode directive comme celle du TRCC peut-elle déformer ou limiter la capacité des cliniciens à évaluer le transfert?

Le TRCC inclut-il des éléments inconscients?

Nous partirons de l'observation n° 4 de Freud, à propos de laquelle il note que la modalité du transfert est en partie en dehors du champ de la conscience. L'application de la méthode du TRCC à cette observation dégage effectivement des éléments convergents avec cette observation de Freud, puisque certains aspects du TRCC sont non ou peu conscients, comme le montrent les travaux de Crits-Christoph et Luborsky [4] comparant l'évaluation du TRCC effectuée par des cliniciens et des non-cliniciens : si les non-cliniciens sont capables d'identifier un grand nombre des éléments également sélectionnés par les cliniciens, par contre, l'ordre d'importance dans lequel ils les classent ne correspond pas à celui établi par les cliniciens; ii semble que les non-cliniciens ne puissent pas détecter les modalités relationnelles aussi bien que les cliniciens. Ce résultat concorde avec les observations cliniques qui montrent que la prise de conscience d'un thème conflictuel par le patient, malgré le caractère redondant de ce dernier, n'apparaît que tardivement au cours de sa thérapie, et qu'il est d'autre part plus facile de reconnaître les éléments isolés d'un thème que leur modalité préférentielle de regroupement, c'est-à-dire le thème lui-même [19].

L'élaboration, actuellement à l'étude, d'une procédure supplémentaire complétant la méthode du TRCC afin d'identifier les conflits inconscients, fournira une réponse plus précise. Quatre principes sont offerts au clinicien
pour l'aider à identifier les conflits se situant à la limite de la conscience :

• 1er principe : les éléments principaux du TRCC peuvent être constitués en partie d'éléments (conscients) opposés à ceux des conflits inconscients. Par exemple, le souhait principal (être libre de toute domination) correspond vraisemblablement à un souhait non conscient, qui lui est opposé, de « se soumettre aux autres ».

• 2 principe : un souhait fréquemment exprimé peut avoir une version moins fréquente, qui est à la limite de la conscience. Un patient peut par exemple s'avouer contrarié, alors que la prise de conscience de cette
contrariété peut n'être que la partie visible de l'iceberg que constitue sa colère.

• 3e principe: les attitudes déni ont toutes les chances d'être en rapport avec un contenu peu conscient. Par exemple, « je n'étais pas en colère » signifie souvent que le patient était en colère.

• 4e principe : Il y a de fortes chances d'aboutir à la conclusion d'une prise de conscience réduite d'un point particulier, lorsque le patient a présenté par le passé des difficultés à prendre conscience de cet élément. Ainsi, lorsqu'un patient déclare : « auparavant, j'avais beaucoup de mal à exprimer ma colère contre ma mère », il existe en générai de nombreuses preuves de la persistance de difficultés du même ordre.

Un système d'évaluation des impressions des observateurs cliniciens est en cours de développement, pour permettre l'application des principes ci-dessus à la méthode du TRCC. Un exemple de leur application au cas
de Mr Alton est présenté ci-dessous :
1er principe : le souhait le plus fréquent du TRCC de Mr Alton était le souhait : « affirmer mon indépendance et mon autonomie ». L'inverse de ce souhait était souvent évident pour les cliniciens, car ils observaient de sa
part des manifestations signant son manque d'indépendance, d'autonomie.

2e, principe : un autre des souhaits de Mr Alton étai t: faire plaisir aux autres et éviter de faire mal à l'autre ». Or il y a de nombreuses preuves, tout particulièrement à propos de sa relation avec son père, de ce qu'un prolongement plus fort de ce souhait était tout aussi évident: « déplaire et faire mal à l'autre, même indirectement ».

3e principe : Mr Alton, après avoir décrit un épisode au cours duquel il contredit son père, ajoute: « Je ne me suis pas senti coupable d'agir ainsi ». Les évaluateurs considèrent cette phrase comme un exemple typique de déni, et en concluent qu'en fait il se sentait coupable de son attitude envers son père.

Le TRCC inclut-il des éléments en relation avec le contexte symptomatique du patient ?

Une autre question parfois soulevée à propos du TRCC concerne le degré avec lequel cette méthode peut aider à mieux comprendre la symptomatologie des patients. C'est un lieu commun pour les cliniciens d'affirmer que les conflits engendrent les symptômes, mais il est plus inhabituel de vérifier cette assertion à l'aide de méthodes systématisées d'observation.

L'application de la méthode du TRCC au cas de Mr Alton suggère que la phobie du patient pouvait être interprétée comme la résultante d'un conflit entre deux souhaits opposés. En effet, le type de souhait le plus fréquemment et le plus clairement exprimé appartient à un ensemble de souhaits contenant l'idée d'affirmer son autorité et d'être autonome, ensemble que nous appellerons « A » (Tableau 2-V). Or, ces souhaits « A » entrent en conflit avec un autre ensemble de souhaits, le groupe « B » du tableau 2-V, consistant à se soumettre aux autres et dépendre d'eux; ces derniers sont éprouvés simultanément mais sont beaucoup moins clairement exprimés que les précédents. La méthode du TROC fait donc apparaître ces deux types de souhaits, et permet de conclure que la lutte existant entre eux réalise les conditions d'apparition des symptômes phobiques.

La méthode du TRCC traduit également de manière schématique un autre type de conflit, le conflit entre l'expression éventuelle de ces souhaits et les réactions attendues alors de la part des autres.

Une méthode directive comme celle du TRCC peut-elle déformer ou limiter la capacité des cliniciens à évaluer le transfert ?

Cette dernière question est la plus fondamentale :faire dépendre une conclusion d'ordre clinique de l'utilisation d'une méthode systématisée, directive, quelle qu'elle soit, ne constitue-t-il pas un sérieux danger? Cette question en recèle une autre, plus fondamentale l'utilisation d'une méthode directive ne risque-t-elle pas de conduire, pour un patient particulier, à une formulation du transfert ne tenant pas compte d'éléments essentiels concernant ce patient ?

Nous pouvons actuellement conclure que cette méthode présente en fait à cet égard un minimum de risques et offre un maximum d'avantages. Les cliniciens possèdent déjà leurs propres méthodes : ils élaborent ces méthodes au cours de leurs réflexions sur les conseils de Freud [8] ou d'autres experts. Mais, contrairement à ce qui se passe avec la méthode du TRCC, ces méthodes non directives varient considérablement d'un praticien à l'autre. La méthode du TRCC ne fait qu'offrir un ensemble de directives permettant aux cliniciens d'aboutir à des formulations du transfert assez proches les unes des autres.

Un autre aspect du problème est d'établir dans quelle mesure la méthode du TRCC peut être considérée comme un bon instrument de formulation du transfert. Le principal obstacle s'opposant à la résolution de ce problème
est l'absence d'études systématiques s'attachant à comparer, à propos des mêmes entretiens, les formulations du transfert obtenues par des cliniciens selon leur démarche personnelle avec celles utilisant la méthode du TRCC.
Nous prévoyons de réaliser une telle étude comparative systématique, mais jusqu'à présent nous ne possédons que quelques cas ayant fait l'objet de ces deux types de formulations du transfert (cf. l'observation de Mme Cunnigham [4]) : les formulations libres du transfert par des cliniciens utilisant leur propre méthode personnelle montrent alors une assez grande dispersion, alors que celles obtenues en utilisant la méthode du TRCC présentent un assez bon consensus. La possibilité de parvenir à un tel consensus lors de la formulation du transfert représente un progrès appréciable tant pour les cliniciens que pour les chercheurs.

La question peut être posée on d'autres termes, sous l'angle de savoir ce qui est cliniquement le plus important : un fait remarquable ou un fait fréquent. Par fait remarquable on entend ici un fait possédant une signification centrale, cruciale, dans l'histoire du patient. On peut alors faire à la méthode du TRCC l'objection de n'utiliser que la seule fréquence de répétition, pour construire le TRCC. Mais nous pensons qu'en fait les cliniciens ne s'appuient pas seulement sur ce caractère remarquable, dans son sens restreint précisé ci-dessus, et que d'autre part ce caractère remarquable se manifeste dans la répétition des thèmes et doit donc apparaître dans le TRCC. Cette thèse est clairement illustrée par les tableaux 2-Il et 2-IV concernant les cinq récits de l'entretien n° 17 de Mr Alton. Un clinicien pourrait interpréter la dispute de Mr Alton avec sa fiancée, rapportée dans le récit n° 4, comme un événement remarquable : « quand sa fiancée commença à lui donner des ordres, il se mit en colère et développa sa phobie ». Mais chacun des autres récits contient un événement pouvant être tout aussi remarquable. Ceci correspond à notre hypothèse, qui veut que les thèmes remarquables soient également les thèmes fréquemment rencontrés dans le discours.

Nous concluons par ce qui peut sembler paradoxal dans l'acceptation de ces méthodes systématisées de formulation du transfert. De manière générale, les cliniciens auraient dû s'efforcer davantage d'améliorer leur
méthode de formulation du transfert. Une raison évidente de leur manque d'empressement à le faire peut être imputée à leur méconnaissance des limitations de leurs formulations et des différences observées, de ce fait,
entre les formulations des uns et des autres. De plus, ils sont en général convaincus de savoir comment effectuer ce type de formulation, et, s'ils ne reconnaissent pas le transfert au moment présent, ils pensent n'avoir qu'à écouter plus longtemps le patient. Il existe une raison encore plus fondamentale qui rend suspectes aux yeux des cliniciens ces méthodes directives de formulation du transfert : ils ont peur d'être trompés par elles, ils craignent qu'une telle démarche plus rigide diminue ou déforme leur sensibilité naturelle. Cependant, nous nous sommes aperçus qu'après un certain temps de pratique de ces nouvelles méthodes, les cliniciens tendent à être rassurés sur ces points, car ils se rendent compte que ces méthodes leur apportent pour cette formulation un langage et un domaine conceptuel communs.

Nous pouvons donc conclure qu'il en est ici comme d'un bon vin, qui garde toutes ses qualités, même si l'on en connaît avec exactitude les différents constituants.

Notes

1. Les travaux de recherche de ce type (recherche planifiée », ou « quantitative »).

2. Du moins dans le contexte américain ou allemand.

3. Équivalent de psychothérapie d'inspiration psychanalytique.

4. C'est-à-dire essentiellement sur le fait que plusieurs évaluateurs parviendront à des formulations très voisines entre elles.

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Dernière mise à jour : 25/10/04
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