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Un exemple vécu parmi (tant) d’autres…

mardi 24 mars 2020, par Anne D.

Extrait du serment d’Hippocrate, oublié par certains visiblement… « Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité. »

Un hôpital de l’APHP, un jour de juin 2018 - Après neuf mois (!) d’attente, arrive la consultation tant attendue, avec un médecin dit ‘spécialiste’, en l’occurrence en gastro-entérologie. A peine entrée dans son bureau, le Dr S me demande si je suis déjà venue dans son service. Il faut dire que mon dossier ayant été égaré, il n’y a donc plus trace des années de suivi (?) effectué dans ce même endroit par un professeur désormais retraité mais que j’avais arrêté d’aller voir bien avant… pour les mêmes raisons qui ont failli me faire sortir du bureau aussi vite que j’y étais entrée avec ce nouveau médecin : Quand je dis au Dr S que je consultais le Pr C, il me répond aussitôt, comme une évidence, « C’était pour des troubles du comportement alimentaire ? ». Et là, j’avoue, j’ai eu du mal à rester zen. Certes je suis maigre, et ‘les apparences jouent contre moi’ comme on dit, mais n’y a-t-il pas bien d’autres raisons à la maigreur que l’anorexie mentale ? D’après certains médecins, il faut croire que non…

Avant même d’avoir en main mon dossier, qui de toutes façons ne sera pas lu (« pas besoin de me le montrer, je n’ai pas le temps »), le Dr S avait déjà établi son diagnostic, en trois secondes chrono, le temps de rentrer dans son bureau, un vrai champion ! Si la ‘grossophobie’ (http://sante.lefigaro.fr/article/la-grossophobie-des-soignants-un-obstacle-a-la-prise-en-charge-des-patients-obeses/) a beaucoup fait parler d’elle récemment dans les médias, on ne parle jamais de la ‘maigrophobie’, tout aussi insupportable et discriminante mais concernant sans doute moins de monde… Et encore plus inadmissible venant du corps médical, en violation de toute déontologie professionnelle.

Après lui avoir expliqué que « non je n’ai pas de TCA et c’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai arrêté de voir le Pr C qui, faute de trouver l’origine de mes problèmes, a fini pour me faire comprendre que c’était forcément ‘psy’… Ce qui, de la part d’un somaticien, signifie que ce n’est pas de son ressort et qu’il faut donc aller consulter un spécialiste des problèmes ‘psy’. Cas difficile, échec à établir un diagnostic, c’est la voie pour se débarrasser des patients encombrants … Revenons au Dr S qui, sur mon insistance, jette un vague coup d’œil sur mon dossier médical, prend un air ironique ( ?) quand je lui cite le nom de la maladie rare qui serait en cause dans mes symptômes digestifs et me dit de faire un bilan sanguin complet… jusqu’à ce que je lui mette ledit bilan, effectué un moins auparavant, sous les yeux. Décidément peu attentif, il me dit qu’il manque certains dosages, pourtant inscrits noir sur blanc dans le compte-rendu, et finit en me disant de me peser (« pas besoin d’enlever les chaussures, on n’a pas le temps »).

Une balance antédiluvienne, qui affiche bien moins que mon poids habituel, déjà pas bien haut. Panique à bord pour moi, sourire en coin pour lui (« ah je m’en doutais ») et la consultation se conclut sur ce verdict : « dans votre état, à la première infection vous vous retrouverez en réa’ », puis « il va falloir vous mettre une sonde pour vous alimenter et reprendre du poids ». Balancer en pleine figure un discours aussi violent, avec des conséquences aussi lourdes pour la personne concernée, n’a pas eu l’air de le déranger le moins du monde. Bien au contraire, il se montre satisfait d’avoir pu ordonner un traitement, drastique tant qu’à faire, en un minimum de temps. Ma seule tentative de parler de mon état de santé fut stoppée nette par cette injonction « Arrêtez de me couper sinon je n’aurai pas le temps de vous expliquer ». Expliquer ce qu’il avait décidé qu’il fallait faire, pour mon bien assurément, sans avoir aucune connaissance de mon parcours médical, vraiment trop fort ! Et avec la certitude sans aucun doute d’être un bon médecin, qui sait prendre les bonnes décisions pour ses patients. Et le Dr S de conclure sa consultation express par « Au revoir madame, surtout n’oubliez pas de passer au secrétariat pour reprendre rendez-vous ! »

Je me suis bien sûr précipitée, pour être sûre de pouvoir revoir au plus vite ce médecin qui exerce son métier avec une telle humanité.

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