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Espace Cliniciens

A propos de la psychothérapie interpersonnelle (2) : traits distinctifs entre psychothérapie psychodynamique interpersonnelles

Dr Jean-Michel Thurin. Psychiatre -psychanalyste
Expert chargé des psychothérapies psychodynamiques pour le rapport
Tel : 01 48 04 77 70 – mail : jmthurin@techniques-psychotherapiques.org

Déclarer comme nous l'avons vu dans l'arrêt sur image précédent que l'IPT traite la dépression en traitant des problèmes tels qu'un conflit conjugal actuel (Markowitz, 1998) revient situer la dépression en dehors de la psychopathologie, du moins celle qui considère que le sujet a une histoire qui détermine pour une part essentielle la construction de la personnalité et les difficultés rencontrées avec la réalité, notamment au niveau des relations interpersonnelles. Si les pathologies psychiatriques relevaient du conseil conjgal ou autre, cela se saurait depuis longtemps et la dépression ne ferait pas partie des affections référencées. Cette présentation a cependant dans sa naïveté un double intérêt : celui d'une part de différencier des troubles qui peuvent partager des éléments communs (voir avoir une sorte de présentation commune) et, celui d'autre part, de poser concrètement la question des facteurs de changement.

En ce qui concerne le premier aspect, on peut remarquer d'abord que les" thérapies" conjugales des troubles de la sexualité fonctionnent bien avec des techniques éducatives (type Master et Jonhson) chez des personnes motivées n'ayant par ailleurs pas de troubles psychopatholoques (Gabbard, 1994). En revanche, elles ne fonctionnent pas bien dès que ces "mêmes" troubles de la sexualité se produisent au sein d'une psychopathologie complexe. De façon plus générale, les consultations conjugales ont un effet très faible dans la dépression par rapport aux thérapies sérieuses (Robinson, 1990).

En ce qui concerne le second aspect, qu'est ce qui fait qu'une thérapie marche ? Pour essayer de répondre à cette question, Mattew D. Blagys et Mark J. Hilsenroth rappellent d'abord que "plusieurs chemins peuvent conduire au sommet", autrement dit que l'on peut atteindre un même objectif en empruntant des voies différentes. Et que ces voies peuvent être plus ou moins directes, avec l'idée par exemple que dans les psychothérapies interpersonnelles, la modification des relations interpersonnelles va induire dans un second temps une modification de la représentation de soi et de la honte qui quelque fois l'accompagne. Dans la cas de la thérapie cognitivo-comportementale, ce serait au contraire l'amélioration des symptômes qui entrainerait une amélioration secondaire des relations sociales.

Les auteurs ont réalisé une revue de la littérature comparative de processus de psychothérapie. Il s'agit d'une tentative de délimiter les techniques et les processus qui distinguent deux formes principales de traitement : la thérapie psychodynamique-interpersonnelle (PI) et le traitement cognitivo-comportemental (CBT). Pour ce faire, ils ont recherché les études ou les techniques étaient dinstinguée de façon consistante et significative. Pour que le trait distinctif soit retenu, il devait être retrouvé dans au moins deux études émanant de deux laboratoires différents.

De façon générale la psychothérapie psychodynamique-interpersonnelle (PI) se distingue du traitement cognitivo-comportemental (CBT) à partir de sept critères. L'ordre de leur présentation relève du niveau de preuve de leur caractère distinctif de la PI par rapport à la TCC:

1) focalisation sur l'affect et l'expression des émotions du patient

2) exploration des tentatives du patient d'éviter certains thèmes ou de s'engager dans des activités qui retardent le progrès de la thérapie

3) identification de configurations particulières dans les actions, pensées, sentiments, expériences et relations du patient

4) accent porté sur les expériences passées

5) focalisation sur les expériences interpersonnelles du patient

6) accent porté sur la relation thérapeutique

7) exploration des désirs, rêves ou fantasme du patient

1) focalisation sur l'affect et l'expression des émotions du patient

Selon la théorie psychanalytique, la prise de conscience (insight) intellectuelle acquise par le patient durant la psychothérapie n'est pas suffisante pour apporter un changement de la personnalité et une amélioration symptomatique. Il est essentiel que le patient parvienne à une prise de conscience émotionnelle, en trouvant une voie à l'expression, la compréhension et un certain confort avec ses sentiments intenses. En ressentant, étant exposé à et libérant ses émotions, le patient parvient à une maîtrise de ses souhiats réprimés, de ses désirs, de ses peurs ou angoisses.

Contrairement à la psychothérapie psychodynamique-interpersonnelle (PI), le traitement cognitivo-comportemental vise à contrôler, gérer, réduire, modérer ou expliquer l'affect afin de réduire le stress et de trouver un sentiment de soi davantage basé sur la réalité.

L'analyse de la littérature (10 études) montre que la PI et la CBT différent à la fois qualitativement et quantitativement dans leur focalisation sur les sentiments des patients.La psychothérapie psychodynamique-interpersonnelle (PI) se centre plus fréquemment (quantitatif) sur les émotions du patient et encourage les patients à exprimer leurs sentiments plutôt que de les gérer ou de les contrôler (qualitatif).

La différence entre PI et CBT du point de vue de la focalisation sur l'affect et l'expression des émotions a été étudiée par différents auteurs (Jones et Pulos (1993) ; Ablon et Jones (1998) ; Ablon et Jones (1999) ; Goldfried et col (1997, 1998), Klein et col (1969) ; Luborsky et col (1982) ; en utilisant le Process Q-set (PQS), le Coding System of Therapeutic Focus (CSTF), l'Experiencing Scale.

En résumé la PI est se centre davantage sur l'expression des émotions des patients que la psychothérapie cognitivo-comportementale. Cette spécificité ne vise pas seulement l'expression cathartique, mais également une plus grande attention portée sur la prise de conscience de l'émotion et un plus grand encouragement à identifier, faire avec et/ou accepter l'émotion.

2) exploration des tentatives du patient d'éviter certains thèmes ou de s'engager dans des activités qui retardent le progrès de la thérapie

Il y a des tas de façons pour un patient d'empêcher la progression de la thérapie. Il peut éviter la discussion de thèmes importants, orienter l'attention à distance des éléments douloureux, ne pas terminer le travail, ou s'asseoir silencieusement, refusant de parler à propos d'une question difficile, d'un événement ou d'un sentiment. Il peut également arriver en retard ou oublier de payer sa séance.
La revue (6 études) suggère que la psychothérapie psychodynamique interpersonnelle se concentre sur et explore de tels obstacles au progrès de la thérapie dans le but de découvrir et de stimuler la discussion sur la signification (inconsciente) de ces difficultés pour le traitement et la relation thérapeutique. La psychothérapie cognitivo-comportementale s'en préocupe moins.

3) identification de configurations particulières dans les actions, pensées, sentiments, expériences et relations du patient

La théorie suggère les la thérapie cognitivo-comportementale tente d'identifier des similarités au sein des pensées problématiques ou des croyances du patient. Une fois ces patterns identifiés, le thérapeute cognitivo-comportemental peut commencer à défier et/ou à contester ces croyances de longue date afin de fournir au patient des explications alternatives et de nouvelles perspectives. En plus de l'identification des patterns concernant les pensées et les croyances, la psychothérapie interpersonnelle psychodynamique semble se focaliser sur les relations du patient.
La revue réalisée (15 études) soutient fortement l'affirmation que la PI se centre significativement davantage que la psychothérapie cognitivo-comportementale sur le fonctionnement du patient (intrapersonnel et interpersonnel)

4) accent porté sur les expériences passées




1. Expertise collective Inserm Psychothérapie, p 381

2. BARKHAM M, HARDY G E. Counselling and interpersonal therapies for depression : towards securing an evidence-base. British Medical Bulletin 2001 ; 57:115-132

3. BLAGYS M D, HILSENROTH M J. Distinctive features of short-term psychodynamic-interpersonal psychotherapy : a review of tne comparative psychotherapy process literature. Clinical Psychology : science and practice, 7(2) 2000: 167-188.

4. MARKOWITZ J C. Interpersonal psychotherapy for dysthymic disorder. American Psychiatric Press, 1998, 184p

5. SHAPIRO D.A., BARKHAM M., REES A., HARDY G.E., REYNOLDS S. STARTUP M. Effects of treatment duration and severity of depression on the effectiveness of cognitive-behavioral and psychodynamic-interpersonal psychotherapy. J. Consult. Clin. Psychol. 1994 Vol 62, p : 522-534


Dernière mise à jour : 22/11/04
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